Euthanasie légale aux Pays-Bas : la mort donnée n’est pas un long fleuve tranquille <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
L’euthanasie a été légalisée par les Pays-Bas en 2002.
L’euthanasie a été légalisée par les Pays-Bas en 2002.
©Reuters

Mort à crédit

Selon un journal néerlandais, la loi de 2002 légalisant l'euthanasie n'a pas conduit à une augmentation du nombre de cas. Mais, en se penchant sur les chiffres, on remarque que 300 euthanasies ont été pratiquées en 2010 sans avoir été explicitement demandées...

Béatrice Stella

Béatrice Stella

Béatrice Stella est cofondatrice et initiatrice de l’association Paroles de Catholiques.

Elle est également cofondatrice de l’Union des Familles en Europe et ancienne présidente de l’association.

Voir la bio »

Le journal néerlandais De Volkskrant, dans un article du 11 juillet, tire d’une enquête menée à la demande du ministère de la Santé, une conclusion surprenante : le nombre de cas d’euthanasie serait le même avant ou après la légalisation, « invalidant la méfiance internationale contre l’euthanasie ». C’est aller vite en besogne.

L’article explique que depuis 1990, le ministère de la Santé conduit, tous les cinq ans, une enquête auprès de 6 000 médecins, en leur assurant qu’ils peuvent parler librement : aucune déclaration de leur part dans cette enquête ne pouvant entraîner de poursuites judiciaires.(*)

L’euthanasie a été légalisée par les Pays-Bas en 2002. Après un déclin en 2005 du nombre d’euthanasies ainsi avouées, le niveau serait aujourd’hui celui qu’il était avant la loi, c’est-à-dire en 2002.

Conclusion du journal : la nouvelle loi n’a pas conduit à une augmentation du nombre de cas d’euthanasie.

La transparence, objectif déclaré de cette légalisation de l’euthanasie, se serait ainsi beaucoup améliorée. Avant la loi, nous précise-t-on, les médecins mettaient fin à une vie, sans demande explicite, plus de mille fois par an. Et après la loi,  il semblerait, d’après ces déclarations, que le nombre de fins de vie provoquées n’aient pas évolué.

Autant dire que la loi ne sert à rien, sauf à rendre visible ce qui se faisait dans le secret. Sa seule conséquence étant, pour les médecins qui pratiquent l’euthanasie, de pouvoir dormir tranquillement sur leurs deux oreilles sans pouvoir être inquiétés.

Le nombre d’euthanasie sans demande explicite aurait fortement chuté, passant de 1 000 à seulement 300. Le tabou étant levé, les médecins et leurs patients auraient donc pu avoir une conversation de manière anticipée pour que les médecins puissent recueillir un consentement avant que le patient devienne incapable d’exprimer sa volonté, c’est en tous cas l’explication donnée par une chercheuse citée dans l’article.

Par ailleurs, le journal relève que pour la première fois dans l’étude est mentionnée le nombre de patients qui décèdent par cessation consciente d’alimentation et d’hydratation (550 personnes par an), la moitié ayant fait ce choix lorsque la demande d’euthanasie leur a été refusée.

Nous sommes ici en présence, non des chiffres « officiels », c’est-à-dire publiés par les commissions régionales de suivi de l’euthanasie, qui se basent sur les euthanasies dûment déclarées, mais sur une photographie sensée être le reflet de ce qui est caché... Il n’est pas inutile de rappeler que les chiffres publiés par ces commissions montrent qu’on passe de 1800 cas en 2003 à 3136 en 2010.

A la lecture de cet article, on ne  peut s’empêcher de s’interroger sur les 300 euthanasies déclarées comme n’étant pas explicitement demandées. Cela revient à dire qu’elles ont été décidées et mises en œuvre unilatéralement par les médecins.

Ce n’est certes pas un chiffre qui peut réduire à néant la méfiance internationale ! Ce qui est habituellement présenté comme l’accession à une liberté individuelle enfin respectée, un progrès pour le genre humain qui pourrait enfin choisir pleinement de mourir dans les conditions et à l’heure choisie, se révèle comme un acte menaçant la liberté des individus.

Ces 300 cas non légaux posent donc un problème insurmontable ! De quel droit les médecins décident-ils de la vie et de la mort de ces trois cents personnes ? Quels sont leurs critères, leurs critères subjectifs, si ce ne sont même pas les critères retenus par la loi ? Quelle confiance peut-on avoir dans ces personnes qui sont censées  juste soigner leurs patients ?

De fortes pressions sont exercées aux Pays-Bas pour que l’on rende légales toutes sortes de raisons d’euthanasier (la fatigue du grand âge par exemple). On a de quoi se demander si le courage et le sens des responsabilités du personnel politique sera toujours suffisamment grand pour résister à ces pressions qui n’auront jamais aucune limite…

La publication, le 13 juin dernier, d’une tribune alarmante signée par un collectif de professionnels de santé belges, nous a décrit toutes les dérives potentielles. Voici sa conclusion : « Sans aucun doute, toute demande d’euthanasie doit être écoutée et reçue avec compréhension. Nous mesurons en effet l’extrême gravité et le poids de ces situations angoissantes où le patient n’en peut plus. Mais la société doit-elle nécessairement accéder à cette demande ? Une telle demande est souvent un appel à l’aide. A cet appel, et il faut le redire avec force, la seule réponse appropriée est de soutenir le désir de vivre qui se manifeste dans toute expression d’une demande de mort. »

La banalisation du recours à l’euthanasie fait de cette pratique un fleuve qu’on n’arrête plus. Les dérives sont inhérentes à la levée de l’interdiction de tuer. Une fois que c’est autorisé, tout est possible. Notamment d’être tué quand on avait encore envie de vivre.

 (*) Le procédé est tout de même curieux dans le cadre d’une démocratie basée sur la légalité, imaginerait-on de faire pareil avec d’autres « hors la loi » ? Juste pour savoir ce qui se passe dans le secret ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !