Eurovision : y a-t-il vraiment des pays européens qui écoutent le genre de musique qu'ils envoient pour les représenter ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Twin Twin sont les représentants français à l'Eurovision 2014
Les Twin Twin sont les représentants français à l'Eurovision 2014
©REUTERS/Tobias Schwarz

Au royaume du kitch

Avec 170 millions de téléspectateurs l'an dernier, l'Eurovision 2014, organisé à Copenhague, mise sur une très forte audience. Un succès que nous avons du mal à comprendre en France...

Xavier  Bonnet

Xavier Bonnet

Xavier Bonnet est journaliste musical depuis vingt ans, après plusieurs expériences radiophoniques. Il a été rédacteur en chef adjoint de Rolling Stone. Il a également collaboré à de nombreux autres magazines, tant dans la musique (Rock & Folk, Hard N' Heavy, World Sound, Hard-Rock Magazine, Rocksound, Guitar World…) que le sport (F1 Racing, Four Four Two).

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Atlantico : Parmi les titres les plus téléchargés sur iTunes ces jours-ci, en France comme en Europe, on compte Pharel Williams et son incontournable "Happy",  Coldplay, ou encore Michael Jackson & Justin Timberlake. Les artistes sélectionnés pour être candidats à l’Eurovision, eux, semblent souvent être en complet décalage avec ces tendances musicales. Partagez-vous ce constat ?

Xavier Bonnet : C’est clairement le cas. On a même le sentiment que le plus souvent, est recherché ce qui sera le plus en décalage avec ce qui marche. On peut aussi parler d’un décalage  avec la globalisation de la musique : chaque année à l’eurovision, on voit des prestations qui, même si elles sont détournées ou désossées, ont un lien avec le folklore du pays local, ou un folklore bien particulier. Il ne faut donc pas s’étonner de cette distance avec la musique qui se vend aujourd’hui de manière globale sur les plateformes de téléchargement ou autres.

Pour ce qui est des genres musicaux présents ces dernières années, je pense que l’image la plus adaptée est celle de la foir’fouille. Au moins, dans les années 60-70, les chansons proposées parlaient à tout le monde. Alors qu’Abba séduisait le monde en 1974 avec "Waterloo", les artistes en lice aujourd’hui représentent plus une tendance du pays, un divertissement qui parle aux citoyens du pays concerné, qu’une ambition de créer quelque chose de durable et qui transcende les frontières. Du folklore au hard rock, on a du mal à comprendre la cohérence de l’événement, et ce qui détermine le gagnant.

<<<<<< A lire aussi : Eurovision : les chanson qui ont le plus de chances de gagner à Copenhague (VIDÉOS) <<<<<<

Pourquoi les pays candidats n’essayent-ils pas de coller à ce qui marche le mieux sur les ondes ou en téléchargements ? Le public de l’Eurovision est-il le même ?

Si les candidats ne collent pas à ce qui marche le mieux, c’est parce que ce n’est pas leur objectif. Aujourd’hui le concours de l’eurovision, plus qu’avant, est avant tout un programme télévisé, qui doit plaire aux différents publics concernés. On ne cherche plus un public global, on veut plaire à son pays. Il faut savoir que ce programme est extrêmement populaire dans les pays du nord, pour lesquels cette participation à de la résonnance et de l’importance. En France nous nous en amusons, car il nous paraît ahurissant que de telles choses nous soient proposées en 2014. N’ayant pas gagné le concours depuis 1977, on ne sait plus vraiment qui envoyer, si tant est que l’objectif est de gagner, ce dont je ne suis pas totalement sûr.

Les pays pour lesquels l’événement compte, eux, continuent de se démarquer de ce qui se fait globalement, a fortiori au niveau anglo-saxon, pour caresser dans le sens du poil le patriotisme ou les valeurs traditionnelles se la population.

Pourquoi des artistes déjà connus ne sont-ils pas sélectionnés pour défendre les couleurs de leur pays ?

Ce ne sont pas seulement des inconnus, Céline Dion avait représenté la Suisse en 1988. Par contre aujourd’hui, le concours est tellement dévalué qu’un artiste connu prendrait des risques à s’y présenter. A mon avis la seule explication a cela est qu’ils craignent énormément de traîner cette participation derrière eux comme une casserole.

On a aussi l’impression que certains titres proposés par les candidats ne répondent à aucun genre pré existant. Peut-on parler d’un "genre Eurovision" ?

C’est une sorte "d’îlot" totalement écarté du monde, où passent des choses ahurissantes, qui vont des sous-Céline Dion qui hurlent à s’en déchirer la glotte, à des groupes folkloriques et des chorégraphies que personne n’oserait en temps normal. C’est une énigme pour nous Français, mais c’est un programme qui marche, loin de chez nous… Nous ne sommes pas dans l’état d’esprit de l’eurovision, car nous n’en avons pas les clés de lecture. Si nous nous y conformions, nous enverrions des compagnies de musique traditionnelle, ou bien nous partirions au 28e degré de l’humour en envoyant Airnadette, un collectif qui  est parti du "air guitar", pour aujourd’hui s’adonner au "air rock" ou à la "air pop". Nous aurions au moins le mérite de jouer la carte du décalé, plutôt que d’envoyer au casse pipe des chanteuses qui ne collent pas au moule de l’eurovision.

Q’est-ce qui, dans la culture musicale française, nous rend incompatibles avec l’Eurovision ?

Nous sommes très attachés aux paroles. Je ne prétends pas qu’elles sont toujours de grande qualité, mais elles sont pour nous plus importantes que des compagnies avec trapèzes et autres divertissements visuels. Notre conception de la musique n’étant pas celle-là, l’écart entre la France et l’esprit eurovision se creuse toujours plus chaque année.

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