Europe de l’énergie : quand l’Allemagne exporte l’échec de sa transition écologique<!-- --> | Atlantico.fr
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Les choix énergétiques allemands depuis 20 ans, sous Merkel, ont mené à cette situation.
Les choix énergétiques allemands depuis 20 ans, sous Merkel, ont mené à cette situation.
©TOBIAS SCHWARZ / AFP

Tâche d'huile

Berlin a su peser sur la politique énergétique de l'Union européenne et promouvoir sa vision des choses. Elle a ainsi renforcé la dépendance de tous les Etats membres aux puissances étrangères.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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La guerre en Ukraine confronte l’Union européenne (UE), en matière énergétique, à un douloureux moment de vérité. Voilà les européens, qui s’enorgueillissaient d’être le continent le plus vert du monde, puissamment affaiblis par l’un de leurs talons d’Achille : la dépendance énergétique. Cette crise ne pouvait d’ailleurs plus mal tomber, fragilisant une croissance naturelle déjà faible dans l’UE et en son sein dans la zone euro, alimentant l’inflation au moment même où le virage vers une politique monétaire moins accommodante est déjà si difficile à prendre.

Comment en est-on arrivé là ? Comment l’UE, qui a fait de la politique énergétique avec le Traité de Lisbonne de 2008 une compétence partagée entre le niveau fédéral et les États membres, a-t-elle pu autant se tromper ? La raison en est finalement assez simple : l’Allemagne, si elle a eu des réussites et fait preuve de plus de discipline financière, a eu aussi sa face noire, en particulier dans le domaine énergétique. Pour analyser l’influence de l’Allemagne sur la politique énergétique de l’UE, trois étapes sont à distinguer.

Première étape : le début des années 2000. A l’époque, la Commissaire européenne à l’énergie, Loyola de Palacio, attire l’attention des européens sur les risques liés à un accroissement programmé de la dépendance aux fournisseurs extérieurs d’énergie. Elle pointe en particulier que le taux de dépendance de l’UE, de 40% en 2000, est appelé à passer à 70% en 2030, si une action puissante n’est pas menée tant coté consommation (sobriété) que coté production. A ce moment, un État plus que tous les autres s’oppose violemment à cette vision : l’Allemagne, qui ne voit aucun problème à confier à la Russie les clefs de sons approvisionnement énergétique. On connait la suite.

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Deuxième étape, la question nucléaire. Il faut redire que la décision de 2012 de sortie de l’énergie nucléaire, prise par une Angela Merkel dont nous avons été parmi les rares à dénoncer les ravages faits à l’UE, était et demeure un crime non pas seulement contre le peuple et l’industrie allemande, mais aussi contre les autres États membres. Car depuis cette époque, l’Allemagne – et quelques autres – mènent contre l’énergie nucléaire, un combat au long cours, lequel, soit dit en passant, pénalise puissamment au premier chef la France. Le green deal voulu par Mme Von der Leyen s’inscrit dans cette veine. Pensé comme un vrai coup d’État à l’égard du PPE vainqueur des élections de 2019, et dont il n’était nullement le programme, il est le moyen par lequel l’Allemagne continue d’exporter à l’UE sa propre transition énergétique, dont on prend à peine conscience de l’échec économique, social, et, c’est peut-être le pire, environnemental. Car tout à leur romantisme, les Allemands ne veulent pas voir que si le développement des renouvelables est nécessaire, l’intermittence pose des difficultés que ces énergies ne peuvent résoudre. Romantique en matière d’énergie, l’Allemagne persévère dans l’erreur et entraine l’UE avec elle.

Troisième étape, ou plutôt troisième temporalité : le culte de la concurrence insufflé à l’UE depuis 20 ans. Le choix du tout concurrence, qui s’est matérialisé par les « paquets énergie » de libéralisation et par le combat continué contre EDF dont l’on voit encore les traces et qui n’est pas terminé, n’est pas seulement le résultat de l’action déterminée de la plus puissante des Directions générales de la Commission, la DG Concurrence, où l’esprit allemand domine. Il est aussi l’ADN d’une UE qui n’a jamais été capable de regarder la question énergétique dans sa globalité, en prenant par exemple en compte la question de la souveraineté, et au sein de laquelle le marché a été utilisé par certains pour autant qu’il ne permettrait pas à une énergie peu chère et maîtrisée – l’atome – de faire concurrence à l’Allemagne.

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Au total, l’influence démesurée de l’Allemagne a conduit l’UE dans le corner dans lequel elle se trouve. Comment y est-elle arrivée ? Par un double mouvement dont personne à Paris – où l’on croit encore au couple franco-allemand – n’a pris conscience. D’une part la montée en puissance déterminée d’une Allemagne bonne connaisseuse des arcanes d’une UE qui institutionnellement lui ressemble, et dont la meilleure santé économique n’a jusqu’à présent pas été discutée. D’autre part la réduction désastreuse de l’influence de la France, pays incapable de réformer son économie, et qui a par ses insuffisances, laissé le champ libre à Berlin, et pour partie renoncé à défendre avec la détermination qui aurait été indispensable l’atout majeur qu’a constitué son savoir-faire en matière nucléaire. Beau résultat dont nos entreprises, nos citoyens et nos arbres n’ont pas fini de payer le prix, en France et en Europe…

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