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L'Europe n'a pas su voir 
le potentiel commercial de ses BD 
avant qu'Hollywood ne les adapte
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Win-win ?

Premier au box office cinéma de la semaine : "Sur la piste du Marsupilami" d'Alain Chabat. Les Européens vont-ils enfin concurrencer Hollywood sur le terrain des adaptations de bande-dessinées ?

Manuel Maleki

Manuel Maleki

Manuel Maleki est Docteur en Sciences Economiques à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Il est spécialiste des questions de réformes. Il a travaillé à Londres dans une grande institution financière avant de rejoindre les équipes de la recherche économique du groupe ING en tant que Senior Economiste.

Il s'exprime sur Atlantico à titre personnel.

 

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Sur la piste du Marsupilami d'Alain Chabat : c'est le succès au box office de la semaine passée. Après la série des Astérix,  l'ancien des Nuls revient à ce qui semble être une passion : l’adaptation cinématographique de bandes dessinées. A croire que la BD est à la mode : cet hiver, c'est Steven Spielberg qui nous avait gratifiés d’une adaptation de Tintin.

Le monde du dessin et du cinéma ont toujours eu une relation assez proche, mais cette dernière à tendance à se développer de plus en plus. En général, quand on pense cinéma et BD, il vient tout de suite à l’esprit les adaptations des Marvel. Superman est sans doute le plus emblématique de ces héros bodybuildés sauvant la veuve et l’orphelin, arrivé très tôt sur les écrans, il a marqué les années 1970 et 1980 avant de passer la main à Batman revisité par Tim Burton. Toutefois, on peut dater l’explosion d’adaptation cinématographique de la Marvel aux années 1990 et 2000. Ici, est arrivée tout une flopée de super héros, Spiderman, Elektra, le Frelon vert, X-Men, etc. Marvel et les studios ont donc su profiter de la grande notoriété des BD pour exploiter le filon pour le meilleur, mais aussi pour le pire.

Parallèlement à ce développement exponentiel, l’autre grand pays de la bande-dessiné qu’est la Belgique a connu un développement sage. Bien que la première adaptation cinématographique live de Tintin remonte à 1961, cette impulsion n’a connu que peu de suite. L’adaptation de BD a cependant toujours existé avec, par exemple, les Astérix, mais aussi quelques bandes dessinées plus confidentielles comme Largo Winch qui reprend tous les codes du film d’aventure hollywoodien. Il est par ailleurs intéressant de noter que le cinéma français a historiquement une relation riche avec la BD, par exemple, Jacques Demy (réalisateur des Parapluies de Cherbourg) a adapté le manga japonais la Rose de Versailles sous le nom de Lady Oscar.

Ainsi, le cinéma européen a exploité une partie de cet imaginaire mais en laissant une large part en friche. Récemment, de grands noms du cinéma se sont emparés de la riche matière de la bande-dessinée européenne pour la faire connaître au monde et lui donner une seconde jeunesse. Aujourd’hui s’amorce donc une nouvelle ère : Hollywood dépasse sa culture Marvel pour amener le public à s’intéresser à d’autres genres de BD. Steven Spielberg en a fait la démonstration par son adaptation de Tintin, qui a offert au célèbre reporter une nouvelle jeunesse en le faisant connaitre auprès des jeunes lecteurs. Le réalisateur s’apprête d'ailleurs à réitérer l’expérience avec l’aide d’un autre grand nom du cinéma, Peter Jackson, pour la réalisation de deux nouveaux longs métrages consacré au célèbre journaliste du Petit Vingtième.

Au fond, l’adaptation de Tintin par Spielberg n’est pas une grande surprise au regard de l’univers d’Indiana Jones qui contient un souffle très « tintintesque » et se construit comme une bande-dessinée. Mais même si Tintin reste sans doute le héros de BD le plus emblématique, n’oublions pas que ce sont encore des Américains qui ont adapté en 2011 les Schtroumpfs pour le grand écran. L'adaptation des BD européennes par les studios hollywoodiens pourrait donc marquer les prémices d'une vraie tendance.

Or, ce qui est frappant dans ces adaptations, c'est la réussite commerciale qui les accompagne (les Schtroumpfs ont rapporté plus de 550 millions de dollars lors de l’exploitation du film en salle). Dans le cas de Tintin, la sortie du film a doublé le nombre de ventes en langue française (passant de 100 000 par mois à 200 000 exemplaires). De plus, cela a permis de mettre Tintin entre les mains des jeunes lecteurs. Il est à parier que les studios américains ne s’arrêteront pas à l’Europe, et vont exploiter aussi le potentiel des mangas, même si là encore la France fut pionnière en Occident à déceler le potentiel dramatique de ces œuvres, avec Crying Freeman par exemple.

Par conséquent, là où les Européens n’ont pas réussi à exploiter totalement le potentiel d’univers riches et largement transposables au grand écran, les Américains ont su s’approprier un autre matériel culturel que le leur, et en faire de francs succès populaires.

Peut-on alors parler de pillage du patrimoine européen par les Américains ?

Au-delà de la qualité intrinsèque des œuvres, il faut reconnaitre que le travail réalisé par les grands studios a permis de donner une nouvelle jeunesse à des œuvres, ainsi que leur diffusion à un très large public, qui ne y intéressait plus. Alors que la BD est largement victime du téléchargement sur Internet, elle peut s’appuyer maintenant sur le cinéma pour se populariser et faire rayonner une partie de la culture européenne. Nous assistons donc à un mariage des approches qui semble offrir une belle réussite en termes de diffusion et de retombées.

Au-delà du cinéma, la BD influence aussi la vie des gens et donnent des références communes qui sont le résultat du mariage entre ces deux univers. En cela, le masque de Guy Fawkes,  utilisé par le héros de V pour Vendetta (BD anglaise reprise au cinéma en 2005) est devenu un symbole pour le mouvement des Anonymous et des "Occupy Wall Street", non pas pour son rôle historique dans la conspiration des poudres, mais bien plus par la symbolique portée par l'adaptation cinématographique de la BD.

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