Et vous pensiez que la vie en apesanteur était une suite de galipettes funky ? Pourquoi la vie à bord de la station spatiale internationale n’est qu’une succession de dangers<!-- --> | Atlantico.fr
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La station spatiale internationale
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Gare à vous !

Les occupants de la station spatiale ISS ont eu une petite frayeur mercredi 14 janvier à cause d’une alerte à la fuite d’oxygène, qui aurait pu se coupler avec une fuite d’ammoniaque. Plus de peur que de mal, il se serait agi d’une carte informatique défectueuse.

Bernard Comet

Bernard Comet

Bernard Comet a été médecin des astronautes français de 1982 à 2001. Il travaille aujourd’hui à l’Institut de médecine et physiologie spatiales (Medes) à Toulouse, une filiale du Centre national d’études spatiales (CNES).

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Atlantico :  Les cas de fuite d’oxygène sont-ils monnaie courante à bord des stations spatiales ? A quoi peuvent-ils être dus ?

Bernard Comet : De l’oxygène pur est délivré en permanence par des valves dans l’atmosphère de la station pour compenser la consommation des astronautes. Cependant il faut éviter de dépasser le taux 28 % d’enrichissement en oxygène de l’atmosphère, car sinon les matériaux non métalliques deviennent particulièrement inflammables. En réalité la station reste bien en deçà des 28 %, plutôt entre 19 et 23 %. Si un dysfonctionnement devait se produire au niveau des valves, ou bien des capteurs, les multiples vérifications qui sont faites permettraient d’y faire face. Une panne générale et simultanée de tous les éléments serait bien surprenante.

En revanche cette crainte vis-à-vis d’une éventuelle fuite d’ammoniac me surprend, car cette substance est utilisée dans les circuits de refroidissement. Or les boucles d’ammoniac ne se trouvent jamais en contact avec le volume habitable de la station. C’est donc un risque qui a peu de chances de se concrétiser, à moins d’une multiplication de problèmes graves à plusieurs niveaux.

Des risques d’incendie sont-ils à craindre ? Quel peut être le facteur déclencheur ?

Comme je vous le disais, au-delà d’un certain taux d’oxygène dans l’habitacle, les matières non métalliques deviennent très facilement inflammables, il suffit d’une étincelle. Une telle chose s’est produite dans la station Mir : il se trouve que des cartouches de secours, qui servaient à injecter très rapidement de l’oxygène en cas de problème, étaient périmées. Le centre de contrôle au sol a indiqué aux cosmonautes d’en tester une : elle a fonctionné, mais au passage elle a pris feu ! Il a fallu rattraper les choses en catastrophe, ce qui a valu de sérieuses réprimandes aux responsables. Je peux le dire car il se trouve que j’étais présent ce jour-là dans la salle de contrôle à Kaliningrad !

Comment des étincelles peuvent-elles se faire dans ce milieu ?

Les ingénieurs conçoivent des circuits électriques qui sont tous reliés à la même masse électrique pour que justement, aucune étincelle ne se produise. Cependant les astronautes portent des vêtements et des objets qui peuvent se charger électro magnétiquement. Le risque d'étincelle électrostatique existe donc bel et bien.

Comme dans le film "Gravity", existe-t-il une probabilité d’être percuté par des objets en orbite ?

Bien sûr. C’est pourquoi tout le système de contrôle de l’environnement de la station est dimensionné pour résister pendant 20 minutes à un trou provoqué par une micrométéorite de 5 mm. Si un trou de 2 cm se crée, par exemple, les occupants ont le temps d’isoler la partie endommagée qui se dépressurise en fermant un sas, et si la situation est plus grave, ils peuvent enfiler un scaphandre et se réfugier dans la capsule Soyouz pour évacuer la station. Chaque année, la probabilité qu’une microponction – c’est ainsi qu’on nomme ce type d’impact – se produise est de 1 sur 10 000. Plusieurs modules de l’ISS ont été tapissés d’élastomère,substance qui est automatiquement aspirée par la pression de fuite et qui auto-obturerait la fuite dans le cas où un trou apparaîtrait.Historiquement, à bord de la station Mir on a déjà été forcé d’abandonner un module touché lors de la collision avec une capsule Progress, car la perte de pressurisation était trop importante.

Un scénario de destruction massive est donc illusoire ?

C’est peu probable qu’un tel scénario se produise, car au-delà de quelques cm les objets en orbite sont répertoriés. Une base de données existe, qui permet à la station d’effectuer une manœuvre d’évitement lorsque cela est nécessaire. Ces manœuvres se produisent plusieurs fois dans l’année.

Par rapport aux rayonnements, quels sont les risques ? Peut-on, dans une certaine mesure, être irradié ?

Cela est très surveillé. Il existe des seuils d’alarme à partir desquels l’évacuation est ordonnée, mais ils n’ont jusqu’ici jamais été atteints. Les astronautes qui ont vécu pendant longtemps dans l’espace restent à des doses cumulées d’irradiation nettement moins importantes que les personnes qui travaillent dans les centrales nucléaires par exemple.

Des éruptions solaires se sont produites il n’y a pas si longtemps. Les personnes en orbites ne seraient-elles pas les premières exposées si la Terre devait se retrouver dans l’axe de ce rayonnement, plus fort qu'à l'accoutumée ?

Certes, mais il faudrait que le véhicule habité sorte de la protection de la magnétosphère. Tant que nous restons sur une orbite inclinée à 51°5 (comme ISS, d’ailleurs) nous n’avons pas de souci à nous faire. La Lune bénéficie elle aussi de cette protection, en revanche ce n’est pas le cas sur le trajet vers Mars. Quand l’homme s’y rendra, les véhicules de transfert seront équipés de refuges permettant de se protéger pendant toute la durée de l’éruption solaire. Une fois sur Mars en revanche, le risque s'atténuera puisque l’éloignement par rapport au Soleil est plus important.

Sur le plan de la santé elle-même, à quoi les astronautes s’exposent-ils ?

Les astronautes sont soumis à une fonte musculaire, cependant les expériences conduites dans la station ISS nous permettent de trouver des solutions efficaces à ce problème. La perte osseuse pose problème, mais là aussi des solutions ont été trouvées, qui nous permettent d’envisager des séjours prolongés de 6 mois à un an sans inquiétude à ce niveau-là.

Plus ponctuellement, pendant les trois jours qui suivent leur arrivée, les astronautes sont soumis au mal de l’espace, un peu comme lorsque l’on a la nausée en voiture. De retour sur Terre ils connaissent le même problème, mais moins longtemps. De plus, lors du retour à la gravité, s’ils se remettent trop rapidement debout, ils présentent des syncopes car ils ne sont plus habitués à la gravité, et donc à compenser la position debout à l'aide du système cardiovasculaire. Récemment, on a découvert aussi que des personnes revenues présentaient des troubles visuels irréversibles, probablement dus à une re-répartition des fluides en microgravité. Ce problème fait l’objet d’intenses recherches en ce moment.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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