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Et si la Russie envahissait l'Ukraine ?
©Aleksey FILIPPOV / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

Nous entendons à nouveau des bruits de botte à la frontière ukrainienne, en provenance de Russie.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Depuis une dizaine d’années, les relations entre Moscou et Kiev sont compliquées par de nombreux facteurs :

  • La Crimée et Sébastopol ne sont Ukrainiens que par une décision unilatérale de Nikita Khrouchtchev en 1954. En 2014, Wladimir POUTINE a pris l’initiative d’un référendum pour le rattachement de la Crimée à la Russie. Depuis l’annexion s’est notamment matérialisée par un pont ferroviaire et routier de près de 20 km. Au-delà des prouesses techniques, cela symbolise la nouvelle situation.
  • Le soutien russe aux mouvements indépendantistes du Donbass en grande partie justifié par la forte présence de russophones, sans sous-estimer les intérêts économiques.
  • Les incursions de Moscou dans une vie politique ukrainienne mouvementée. Il est loin le temps du « Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité » signé le 5 décembre 1994 aux termes duquel l’Ukraine abandonnait l’arsenal nucléaire situé sur son territoire en contrepartie de la garantie de son intégrité territoriale accordé par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie.
  • Les guerres du gaz russe transitant par l’Ukraine ont constitué une véritable pomme de discorde entre les deux pays.
  • Les tentatives américaines d’intégrer l’Ukraine à l’OTAN ou à l’Europe ont constitué un « chiffon rouge » pour la Russie qui a toujours en mémoire les liens historico-religieux entre Kiev et Moscou. Par ailleurs, la Russie n’oublie pas les deux interventions occidentales au Kosovo qui remet en cause les liens avec la Serbie et en Libye qui a fait sauter une pièce maîtresse du dispositif russe en Afrique.

N’oublions pas que l’histoire de l’Ukraine a commencé au IXème siècle lorsque les Varègues, des vikings venus du Nord, ont bouté les Khazars hors de Kiev qui est très vite devenu le centre d’un État slave, dénommé Rus, le creuset des peuples biélorusse, russe et ukrainien, le berceau de la civilisation slave… 

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D’une superficie de 603 549 km² (y compris la Crimée), l’Ukraine a des frontières avec la Biélorussie, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie et la Russie ; par ailleurs, le pays est bordé au Sud par les mers d’Aral et d’Azov.

Les frontières de l’Ukraine ont beaucoup changé au cours des siècles. Certaines parties de son territoire ont été intégrées à de nombreux États, Russie, Union soviétique, Empire austro-hongrois, Empire turc, Lituanie, Pologne, Roumanie… Il en résulte une mosaïque ukrainienne avec des régions historiques comme le Boudjak, la Bukovine, la Crimée, la Galicie, la Méotide, la Podolie, la Tauride, la Volhynie, le Yedisan, la Zaporogue…

L’Ukraine a une population d’un peu plus de 43 millions d’habitants mais en constante diminution. L’Ukraine perd chaque jour 64 personnes, chaque année 12 470 personnes. Par ailleurs, le pays connait une forte vague d’émigration, principalement à destination de l’Europe.

L’Ukraine dispose de riches terres agricoles au point d’en faire un grenier à céréales mais également de nombreuses ressources naturelles (charbon, fer, gaz naturel…). Malgré ces richesses et une industrie diversifiée, son Produit intérieur brut est inférieur à 130 Md$ et ne place le pays qu’au 50ème rang mondial ; près d’un quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Une grande partie de ce potentiel est localisé dans l’Est du pays ce qui peut expliquer certaines convoitises russes.

Dans ce contexte, Joe BIDEN commet erreur sur erreur avec la Russie,

  • Il n’a pas hésité à déclencher une crise diplomatique en qualifiant Wladimir POUTINE de « tueur » et en promettant qu’il paierait le « prix de ses actes ».
  • Il a également déclaré que « les États-Unis ne reconnaîtront jamais l’annexion de la Crimée », sans dire ce qu’il compte faire pour faire évoluer le statu quo !

Pendant quatre ans, nous avons eu droit à des déclarations intempestives de Donald TRUMP, mais, sauf avec le dirigeant nord-Coréen, il n’était jamais allé aussi loin avec un des principaux des dirigeants du Monde. Quels que soient les critiques que l’Occident peut, voire doit, adresser à la Russie et son Président, Joe BIDEN ne doit pas oublier que son principal concurrent est la Chine et que dans un jeu à trois, il pourrait avoir besoin de Moscou.

S’aliéner la Russie serait une erreur majeure. Souvenons-nous ! Malgré le pacte germano-soviétique, les purges, la massacre de Katyn…, les Alliés ont travaillé et combattu avec Staline. Mais, à n’y prendre garde, Joe BIDEN pourrait pousser Wladimir POUTINE à donner la parole aux armes et à concrétiser ses ambitions, pour ne pas dire ses rêves, sur l’Ukraine.

Le moment pourrait être bien choisi avec l’accroissement de la tension dans l’Est consécutive à la mort de quatre militaires ukrainiens ou les déclarations tonitruantes dans la presse ukrainienne.

Dans une telle hypothèse, que ferait Joe BIDEN ? L’Europe ? Probablement rien, même si Washington a promis une assistance militaire à Kiev. Il ne s’est rien passé après l’annexion de la Crimée. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ?

Joe BIDEN est dans une telle situation que les Chinois sont de plus en plus agressifs, vis-à-vis de Taïwan de leurs voisins et s’affirment de plus en plus dans l’Est asiatique.

Malgré la volonté de Wladimir POUTINE de reconstituer l’ancien Empire soviétique et l’opportunité des circonstances, il n’est pas sûr qu’il s’engage dans une guerre avec tous ses effets collatéraux. Mais évitons de jouer avec le feu !

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