Et si des satellites entraient en collision parce que la Chine et les Etats-Unis ne surveillent pas leurs emails ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une photo du 20 août 2021 montre l'astronaute chinois Tang Hongbo se coordonnant à l'intérieur du module central de Tianhe.
Une photo du 20 août 2021 montre l'astronaute chinois Tang Hongbo se coordonnant à l'intérieur du module central de Tianhe.
©BUREAU CHINOIS D'INGÉNIERIE SPATIALE HABITÉE / CNS / AFP

Menaces

A deux reprises, une collision aurait été évitée de justesse entre les satellites de la société d'Elon Musk et la station spatiale chinoise en décembre dernier, d'après des documents envoyés par Pékin au Bureau des affaires spatiales de l'ONU.

Juan Carlos Dolado-Pérez

Juan Carlos Dolado-Pérez

Juan Carlos Dolado-Pérez est chef du Service Surveillance de l’Espace auprès de la sous-direction Sécurité, Sauvegarde et Maîtrise de l’Espace auprès du Centre Spatial de Toulouse.

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Atlantico : En décembre dernier, le gouvernement chinois a informé les Nations Unies que sa nouvelle station spatiale a dû éviter à deux reprises des satellites appartenant à la Space Exploration Technology Corp d'Elon Musk, ou SpaceX. Pourtant, plutôt que de téléphoner à SpaceX, à la NASA ou même à la Maison Blanche, les autorités chinoises ont essayé à plusieurs reprises de joindre la partie américaine par e-mail, mais n'ont reçu aucune réponse. Quels moyens pourraient être mis en place pour une meilleure communication entre ces deux grandes puissances ?

Juan Carlos Dolado-Pérez : C'est évident que l'e-mail n'est pas la façon la plus efficace, quand on sait que le nombre de satellites opérationnels en orbite augmente de façon très importante. Il faut savoir qu'avant 2010 grosso modo, les différentes nations spatiales mettaient en orbite ou envoyaient environ 100 satellites par an. Aujourd’hui, ce chiffre a été multiplié par dix, car pour la seule année 2021, environ 1500 satellites ont été mis en orbite. Chaque année, nous devons faire face à un plus grand nombre de satellites opérationnels en orbite, la gestion de collisions nécessite un besoin de coordination accru. Cette coordination a commencé à être faite à ce jour via des moyens européens ou américains, mais face à la croissance très importante du nombre d'objets en orbite, elle devra évoluer les années à venir via notamment le développement de coopérations internationales. 

En 2020, environ 1 500 satellites ont été lancés avec succès en un an. En septembre 2021, il y avait environ 4 550 satellites opérationnels en orbite, et des milliers non fonctionnels. Le risque de collision est-il bien réel ?

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Le nombre d’objets non fonctionnel en orbite surpasse largement le nombre de satellites opérationnels. On les catégorise en fonction de leur taille. Les plus grands sont régulièrement observés et catalogués. En revanche, les plus petits ne sont pas observables et ne peuvent donc pas être catalogués A ce jour, les moyens de surveillance arrivent à observer et cataloguer les objets ayant une taille supérieure et égale à environ 10 centimètres étant ceux plus petits difficilement ou pas observables. A ce jour, on décompte environ 30 000 objets suffisamment grands pour être maintenus dans les catalogues orbitaux. Compte tenu des vitesses orbitales des objets en orbite, 28 000 Km par heure pour un objet en orbite basse, même un objet de quelques millimètres peut détruire un satellite. A ce jour, nos modèles nous permettent d'estimer à plusieurs centaines de milliers les objets de taille supérieure à 1 cm. En conséquence, le risque de collision en orbite est bien réel.

Existe-t-il des normes, des accords internationaux ou des règles à respecter avant de lancer un satellite pour éviter de tels risques ? Quels sont les moyens mis en place pour éviter ou prévoir des collisions ?

A ce jour il existe des normes, des recommandations internationales ainsi que des lois spatiales nationales. Les recommandations internationales sont mises en place et élaborées par des instances internationales, comme l’ONU, qui s’appuie notamment sur les rapports de l’IADC (Inter-Agency Space Debris Coordination Committee). Plus d'une dizaine des principales agences spatiales mondiales, telle que la CNES, la NASA ou encore l'agence spatiale chinoise collaborent au sein de l'IADC pour élaborer des recommandations techniques permettant de limiter la prolifération des débris en orbite. Pour autant, ces recommandations n'ont pas de valeur juridique et sont respectées ou non uniquement sur la base du volontariat. En parallèle il y a certains pays, dont la France, qui ont créé des cadres légaux pour gérer les activités spatiales. En France, il y a la Loi Relative aux Opérations Spatiales, communément connue sous le sigle LOS, qui est la première loi spatiale au monde à inclure des exigences visant à limiter la prolifération de débris en orbite. Nous pouvons donc dire qu’en France nous avons été pionniers dans ce domaine! 

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D'un point de vue plus opérationnel, en France nous travaillons depuis plus d'une vingtaine d'années afin de prévoir et éviter les risques de collision en orbite et ainsi protéger les satellites nationaux de ce risque réel. Ces efforts ont permis la création du service de gestion de risque de collision, nommée CAESAR. Depuis 2014, la Commission Européenne a créé le programme EU-SST (European Space Surveillance and Tracking program) qui a permis de joindre les efforts au niveau européen. A ce jour, le programme EU-SST est composé par 7 Etats membres européens, dont la France, qui assure la présidence. Le programme EU SST fournit à ce jour trois services: le service de gestion des risques de collision, le service de détection et caractérisation de fragmentation en orbite et le service de prévision des rentrées atmosphériques. Le service de gestion des risque de collision, qui se base sur le service français CAESAR, protège à ce jour environ 260 satellites européens des risques de collision. 

Quelles pourraient être les conséquences d’une collision entre satellites ?

Nous avons malheureusement déjà été témoins de plusieurs collisions en orbite. La France a d'ailleurs été une des premières puissances spatiales à vivre directement ce type d’événement. En 1996, un satellite français nommée Cerise a été percuté par un débris, ce qui a causé la perte du satellite. Plus tard en 2009, un satellite américain de la constellation IRIDIUM a été percuté par un satellite inactif russe, nommé COSMOS-2251, ce qui a produit des milliers de débris, la plupart desquels sont encore en orbite. D'ailleurs, à ce jour, ces débris représentent un pourcentage non négligeable des objets à l’origine des risques de collision avec les satellites surveillés par le CNES. 

En conséquence, la génération d'un nombre important de débris en orbite à cause d'une collision, une explosion ou encore un tir anti-satellite va générer des débris qui vont rester longtemps en orbite augmentant le risque de perte du reste des satellites et mettant en péril d'une part les services précieux que ces satellites offrent à tout un chacun (e.g. météorologie, localisation, gestion du temps) et d'autre part, la pérennité de l'activité spatiale sur le long terme.

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