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Et les États-Unis enfoncèrent le dernier clou dans le cercueil de l’espoir de négociations israélo-palestiniennes
©Reuters

Kill Deal

Les Etats-Unis suppriment leur représentation diplomatique auprès des Palestiniens en annonçant la fermeture de leur consulat général à Jérusalem.

Frédérique Schillo

Frédérique Schillo

Frédérique Schillo est chercheuse en Histoire, spécialiste d’Israël. Elle a écrit La politique française à l'égard d'Israël, 1946-1959 et a contribué à l'ouvrage Jérusalem. Histoire, promenades, anthologie et dictionnaire.

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Atlantico : Les Etats-Unis suppriment leur représentation diplomatique auprès des Palestiniens en annonçant la fermeture de leur consulat général à Jérusalem. C'est désormais l'ambassade des Etats-Unis, installée elle-aussi à Jérusalem qui sera chargée des relations américano-palestiniennes. Cette décision est-elle la simple conséquence du choix américain de reconnaitre Jérusalem comme capitale israélienne ou marque-t-elle une étape supplémentaire de la politique pro-israélienne de Donald Trump ?

Frédérique Schillo : Les Américains présentent ça comme une décision purement administrative dans la continuité de la décision de Trump de transférer l'ambassade américaine à Jérusalem en décembre 2017, et suite à une déclaration de Pompeo en octobre 2018. Pour eux c'est donc une suite logique, uniquement administrative pour plus d'efficacité.

Mais cela va évidemment au-delà de ça. C'est une étape supplémentaire et c'est ce que dénoncent les anciens consuls généraux qui voient dans cet acte la fin d'une longue histoire. C'est aussi ce que dénonce Ben Shapiro qui était ambassadeur des Etats-Unis à Tel-Aviv sous Obama : pour lui c'est une grave erreur et un changement majeur. Les Palestiniens disent eux clairement que c'est le dernier clou planté dans le cercueil de la médiation américaine.

Objectivement c'est moins spectaculaire que le transfert de l'ambassade, qui était non seulement décidé par Trump mais aussi inauguré en grande pompe le 14 mai 2018, pour les 70 ans d'Israël. Mais en réalité, c'est vraiment un événement puisqu'il met fin à 175 ans d'histoire. C'est tout l'histoire du consulat général, de ce qu'il représentait dans la relation avec les Palestiniens qui s'effondre maintenant parce que ce consulat général était l'interlocuteur privilégié des Palestiniens. Il représentait les intérêts américains à Jérusalem-Est et il rendait compte directement à Washington en parallèle de l'ambassade mais de manière indépendante. On le remarque aussi avec les Français: l'ambassade est plutôt pro-israélienne et le consulat pro-arabe.

Ce consulat avait un statut de proto-ambassade, et ce canal est aujourd'hui coupé. L'administration de Trump explique aux Palestiniens qu'ils n'ont qu'à discuter avec l'ambassadeur en Israël David Friedman. Le problème est que Friedman, dans les interviews qu'il donne à la télévision, peut donner l'impression qu'il représente non seulement les intérêts américains mais aussi israéliens de par ses positions très proches des colons.

Dans un contexte de forte dégradation des relations entre Etats-Unis et Palestiniens, quelle est la portée réelle de cette décision ? N'est-ce pas un épiphénomène ?

Jusqu'à présent, en faisant le transfert de l'ambassade à Jérusalem, Trump avait tout de même laissé une porte ouverte en ne parlant pas des limites municipales de Jérusalem. Comme le consulat était là et discutait avec la partie orientale, il y avait cette division de-facto dans la ville et une discussion était possible avec les Palestiniens, tout comme un débat sur Jérusalem-Est comme capitale d'un potentiel futur état palestinien.

Donc ce transfert de l'ambassade n'était pas la fin de la solution à deux Etats. Mais en faisant du consulat général une simple unité des affaires palestiniennes, qui relève donc de l'ambassade, cela revient à considérer une seule entité administrative, une seule circonscription consulaire et donc un seul Etat.

Cela va donc au-delà de la simple démarche administrative et cette décision prend effet après une série de mesures punitives contre les Palestiniens comme la fin du financement de l'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient). C'est également dans la même ligne que la fermeture du bureau de l'OLP à Washington.

Cela prend effet après une série de mesures dures à l'encontre des Palestiniens. Trump remet la pression sur les Palestiniens et il le fait un mois avant d'annoncer son fameux "deal du siècle". Du point de vue de la négociation, c'est étrange.

Dans le contexte du plan de paix porté par Jared Kushner, peut-on voir cette décision comme un moyen de pression diplomatique sur les Palestiniens pour accepter les propositions américaines ?

On ne peut effectivement y voir qu'une pression supplémentaire en remettant la pression sur les Palestiniens. Sauf que tous les ponts sont déjà coupés, et qu'ils boycottent les USA depuis la décision du transfert. Ils ne considèrent plus les Américains comme des médiateurs objectifs dans le conflit. En réalité, on ne sait rien du plan, si même il existe.

Jared Kushner, en tournée dans les capitales arabes, aurait laissé entendre la solution traditionnelle, c’est-à-dire deux Etats. Cette décision de fusionner le consulat et l'ambassade, alors que l'on veut discuter de Jérusalem parait insensée. C'est symptomatique de l'administration Trump avec Friedman comme ambassadeur.

Il faut comprendre qu'en fermant ce consulat général, l'administration Trump met fin à la dernière médiation existante. Le consulat est resté après 1948 car Jérusalem devait être internationalisé, les Etats-Unis d'ailleurs qui ont été les premiers à reconnaitre l'État d'Israël, ne reconnaissaient pas à l'époque la souveraineté israélienne sur Jérusalem-Ouest. Ils possédaient, comme les Français, une ambassade et un Consulat général qui était représentés sur un territoire qui aurait dû revenir à un État arabe selon le plan de partage. C'est une véritable rupture avec l'histoire diplomatique américaine et c'est pourquoi des anciens diplomates dénoncent un changement majeur.

C'est un geste unilatéral, qui a court terme peut satisfaire une politique pro-israélienne qui veut mettre la pression sur les Palestiniens, mais à moyen et long terme cela n'est pas favorable non plus pour l'État Hébreux. D'ailleurs les Israéliens eux-mêmes souffrent des dernières décisions, au départ même le gouvernement Netannyahou était contre le transfert, ils en avaient peur. Couper le financement aux Palestiniens c'est aussi se priver d'informations stratégiques, car les forces de sécurités palestiniennes dépendent de cet argent.

Au final cela risque fort de mettre en danger la population israélienne. C'est étrange, pour un négociateur comme Trump, c'est un "Kill Deal".

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