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Envie de chocolat ou de lait ? Pourquoi vous ne devez pas croire au mythe selon lequel votre corps vous indique ce dont il a besoin
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Fringale

Bien que les addictions alimentaires aient essentiellement des causes neurobiologiques, de récentes recherches menées sur le "food craving" révèlent que les causes psychologiques et culturelles de l'envie alimentaire ont plus de poids qu'on ne le pense généralement.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Quel rôle jouent les facteurs psychologique et culturel dans les addictions alimentaires et physiologiques (chocolat, café, tabac etc.) ?

Catherine Grangeard : Je ne sais pas si les causes principales sont neurobiologiques. Je sais en revanche que les causes psychiques sont fondamentales. Ce qui est évident aussi c’est que l’orientation - par ex. psychanalytique ou biologique - de l’expert oriente l’attribution des causes. Car il travaille avec ses outils ! Aussi, la question à se poser est : comment s’y reconnaître ?  A -t-on quelque chose à gagner à opposer étude contre étude ? S’ajoute la préférence du lecteur pour telle ou telle explication. Nous connaissons ces biais ; eux-mêmes ont été prouvés. Selon ce que l’on croit au préalable, une sélection s’opère dans la sélection des arguments pour renforcer les opinions de départ. Nous vous renvoyons à la dissonance cognitive.

Néanmoins unanimement, toutes les approches reconnaissent une pluralité de déterminants dans les addictions. Et cette combinaison est variable.

Je vous renvoie tout simplement à votre propre expérience. Avec une même constitution biologique, selon les circonstances, vous résistez plus ou moins aux tentations. Selon votre état d’âme, votre humeur, les excès peuvent s’installer. Et bien entendu, selon les cultures, l’objet addictif varie…

Ainsi, nous pouvons affirmer qu’un rôle important – et variable selon les circonstances pour tout un chacun, tout en étant différent entre les uns et les autres - est tenu par les facteurs psychiques dans toutes les addictions, qu’elles soient alimentaires ou portées sur d’autres objets.

Une envie alimentaire reflète-t-elle toujours ce dont notre corps a besoin ? Que peut-elle indiquer quant à notre état psychologique ?

Non, bien sûr ! Le corps n’a pas besoin de tout ce que nous lui donnons pour nous procurer du plaisir. Et plus exactement encore, ces objets auxquels nous attribuons cette capacité (de nous donner ce plaisir recherché) ne la possède qu’en partie.

Un objet se voit projeté sur lui des qualités qui ne lui appartiennent pas vraiment mais dont certains aspects ressemblent à un autre objet qui procurait des satisfactions, que l’on souhaite retrouver. Ces traits sont responsables de nombreuses attirances irrépressibles. Ainsi, contrer ces « besoins » relève de l’exploit. Tout est leurre dans cette attraction dont la force tient à un large enracinement. Voilà ce sur quoi il faut vraiment réfléchir et s’attarder, que le conditionnement soit pavlovien ou résulte aussi d’autres causalités.

Notre état psychique est évidemment le moteur de cette quête. Si la recherche de satisfactions est impérieuse, l’envie alimentaire est alors une alliée pour trouver cette satisfaction, qui peut être par ailleurs si compliquée à trouver. On voit bien en quoi une envie en remplace une autre. Une envie alimentaire (je reprends ici les termes de votre question) peut venir à la rescousse de l’individu pour sortir d’une insatisfaction. Car l’individu est une entité. L’insatisfaction en amour, dans le travail, pour donner des exemples très répandus, vont trouver un substitut dans le plaisir alimentaire. On parle alors de compensation.

D'un point de vue nutritif, quelle est la différence entre une addiction et une envie alimentaires ? Les causes de l'une et de l'autre sont-elles toujours faciles à distinguer ?

Comme l’addiction et l’envie sont mêlées, les causes sont également difficiles à démêler.

L’addiction est le degré ultime de l’envie, il y a dépendance. Le pouvoir de « dire non », de résister a disparu. L’excès est alors la règle. On parle alors de personnes perdant leur libre arbitre.

Quand on ne peut plus se passer de quelque chose (ou de quelqu’un pourrions-nous ajouter, c’est le même mécanisme) que par ailleurs on estime néfaste pour nous, il faut chercher quelles sont les causes qui nous rendent impossibles ce choix. Le désir quand il engage vers une satisfaction qui fait du mal est un désir qui aliène. L’envie n’est pas de ce registre. Se priver peut certes créer une frustration mais cela ne met pas en péril l’équilibre du sujet.

Il y a donc une différence d’intensité mais aussi d’origine. Comme nous l’avons abordé plus haut, la collusion entre objets expliquent pourquoi l’envie devient addiction. C’est l’attribution de qualités qui dépassent l’objet en question et font écho à un autre, c’est un transfert si vous voulez sur tel objet de satisfactions de caractéristiques appartenant à un objet antérieurement aimé. Rendre à César ce qui appartient à César permet de diminuer l’intensité de l’accroche et donc de pouvoir s’en passer, sans danger, s’il le faut ! La dépendance est maintenue tant que la séparation parait pire que la soumission, qu’il s’agisse d’addiction alimentaire… comme d’autres types de dépendances, car c’est le même mécanisme qui est à l’œuvre. La dépendance peut paraitre un moindre mal, si l’équilibre profond du sujet est le réel enjeu. Nous voyons bien alors à quel point une simple envie alimentaire est dépassée !

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