Entre risques de bulles, révolte des actionnaires & instabilité politique : que réservent les marchés financiers à l’Amérique de Joe Biden ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une femme marchant devant la bourse de New York.
Une femme marchant devant la bourse de New York.
©Angela Weiss / AFP

Changement de ligne

Les marchés financiers américains comptent sur la dynamique en cours depuis des mois, accélérée par la venue du vaccin et le recul du virus. Comment vont-ils réagir à l'installation du président démocrate Joe Biden à la Maison Blanche ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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D’abord, certains marchés sont devenus ces derniers jours libertariens et geeks, ultra-libéraux et ultra-branchés ! Exemple GameStop : une société de jeux vidéo généralement vue comme dépassée, sinon condamnée. Elle voit son cours passer de 20 dollars le 12 janvier à 347 le 27, avant de se retrouver à 90 le 3 février, sans que l’histoire soit finie. Derrière cette folle histoire d’une société « classique » en difficulté puis portée au pinacle puis en chute, on trouve deux hedge funds qui parient contre elle, en vendant son titre à découvert. Normalement le pire l’attend, sauf qu’elle se trouve défendue par des investisseurs individuels qui décident de s’unir, pour les contrer.

Ensemble, ils achètent alors l’action GameStop dont le cours monte en flèche, ce qui prend à revers les deux hedge funds qui demandent des soutiens financiers d’urgence, avant de sombrer. On pourra parler de « Révolution française de la finance ». Il reste qu’elle a profondément secoué les acteurs de Wall Street. Ce sont d’abord les hedge funds spéculatifs, habitués à gagner et non à être contrés par des hordes unifiées de boursicoteurs, ce sont ensuite les plateformes de marché en ligne assez marginales, pas habituées à ces afflux d’ordres, et c’est donc enfin Wall Steet, qui se dit que les réseaux, si actifs dans les news et la politique, font leur entrée dans la finance.

Pour réagir, Janet Yellen, Secrétaire au Trésor américain s’inquiète de la solidité du système, à renforcer sous ce tout nouvel angle. Elle « estime que l'intégrité des marchés est importante et a demandé une discussion sur la récente volatilité des marchés financiers et la compatibilité des activités récentes avec la protection des investisseurs et des marchés équitables et efficaces ». Plus de règles, plus de normes ? En tout cas « les marchés » viennent de réagir, à partir des actionnaires individuels anonymes, de leurs liquidités, de leur maîtrise des produits financiers et des réseaux.

C’est un nouveau problème, pas le seul... mais plutôt le dernier problème en date qui agite des marchés financiers, alors qu’ils le sont déjà par d’autres ! Mais dans quel ordre ? L’empeachment  de Donald Trump ? Ils n’y croient pas. Son poids futur dans le Parti Républicain ? Ils verront. Chine et Taïwan, Iran et Russie, sans oublier le réchauffement climatique et les candidats à l’immigration qui se pressent… certes, mais pour eux la reprise américaine domine.

1900 milliards de dollars de soutien ? C’est le débat en cours au Congrès, avec le Président Biden qui veut jouer big, au moment où la majorité des Républicains trouvent que c’est beaucoup trop, que certains, de bonne composition, trouvent que 700 milliards ce serait bien, au moment où le Congressional Budget Office (indépendant) anticipe une forte reprise en fin d’année avec un taux de chômage à 5,3% ! Le tout sans oublier une amélioration de l’emploi annoncée aussi par la Brookings Institution, plus le Président de la Fed d’Atlanta qui pense à un première hausse des taux mi-2022, avec un début de réduction des achats de bons du trésor par la Fed. Après débats, il n’y aura pas 1900 milliards, mais plutôt 1700 : c’est le montant que les marchés attendent, montant qui est en fait un message fort sur la volonté de changement de Joe Biden.

En fait, les marchés financiers comptent sur la dynamique en cours depuis des mois, accélérée par la venue du vaccin et le recul du virus, plus ces 1700 milliards du Président Biden. Ainsi serait renforcé le tonus des entrepreneurs américains en quête de profit, plus celui des salariés qui ont tout intérêt à retrouver leur salaire intégral. Le profit et le salaire sont donc les principaux moteurs du rebond, comme toujours – et les marchés aiment. Il s’agit de les épauler, avec les soutiens budgétaires passés de la période Trump qui continuent à faire leurs effets, plus ceux qui se préparent pour « la période Biden », plus des taux bas et du quantitative easing.

Dans ce contexte, pour l’heure, la Bourse ne devrait pas trop prêter attention à la proposition de la montée du salaire minimum horaire à 15 $, à un traitement très favorable des crédits étudiants, à la décarbonation, voire à l’annulation des mesures d’assouplissement du marché du travail prises par Trump. Elle pourrait même se dire que la hausse, mais graduelle, des salaires minimaux sera absorbée et bienvenue et que la décarbonation pourrait soutenir des innovations dans une industrie automobile qui change partout, sachant que les États-Unis rejoignent les Accords de Paris. Le duo politique budgétaire-politique monétaire devrait dès lors continuer à jouer, quitte à ce que le dollar continue de faiblir, sachant que les régulations proposées par l’équipe Biden, si craintes, ne semblent pas « mordre » sur les perspectives de rentabilité.

Les marchés financiers américains, dans cette démarche, ne prennent pas en considération non plus la montée des taux longs. Elle pourrait venir de la hausse des prix, du creusement du déficit, de la hausse des salaires et de la baisse du dollar. Ils pensent que l’abondance de l’épargne mondiale et la crédibilité du dollar vont permettre de financer le déficit budgétaire avec des rendements supérieurs aux japonais, si faibles, ou aux allemands, si négatifs. Et la Fed a bien dit qu’elle voulait plus de 2% d’inflation pour avoir un vrai plein emploi.

L’autre nouvelle qui vient à leur oreille est celle du risque de bulle, émise depuis le FMI. Certes, disent leurs experts, « les dirigeants doivent continuer d’apporter leur soutien jusqu’à ce qu’une reprise durable soit bien en place… ». Mais ils ajoutent de manière inimitable : « cependant, avec des investisseurs… qui semblent de plus en plus complaisants devant la hausse continue des valorisations des actifs, les dirigeants doivent aussi être préparés aux risques d’une correction des marchés » !

Bref, les marchés américains, face à la pandémie et aux difficultés économiques et géopolitiques, demandent au budget et à la Fed de les soutenir, entre risques de bulle (c’est habituel) et de contre-offensive des actionnaires (c’est une première) ! Bref attention, Joe Biden et vous tous !

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