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Enquête sur le financement du meeting de Nicolas Sarkozy à Toulon en 2011 : un président sortant peut-il vraiment être un candidat normal ?
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Compte de campagne

Le parquet de Paris a ouvert au mois d'octobre 2013 une enquête sur le financement par l'Elysée de la réunion publique de Nicolas Sarkozy à Toulon, en décembre 2011, déjà épinglé par le Conseil constitutionnel en 2012. L'information a été rendue publique lundi 27 janvier.

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Atlantico : Une enquête a été ouverte sur le financement d'un meeting de Nicolas Sarkozy, à Toulon en 2011, qui est l'une des réunions épinglées par le Conseil constitutionnel qui avait rejeté, en 2012, son compte de campagne, au motif que "la date à laquelle le candidat a déclaré sa candidature n'est pas de nature à priver de leur éventuel caractère électoral les dépenses intervenues antérieurement à cette déclaration". Tout repose-t-il sur la confusion qu'aurait entretenue l'ancien président de la République, entre la fonction de chef de l’État et le statut de candidat ?

Didier Maus La décision du Conseil constitutionnel du 4 juillet 2013 est claire : la réunion tenue par M. Sarkozy à Toulon le 1er décembre 2011 doit être considérée come une réunion du candidat Sarkozy et non comme une réunion du président Sarkozy. C’est la raison pour laquelle les dépenses relatives à cette réunion (155 715 euros) doivent être incluses dans le compte de campagne du candidat.

Chacun savait depuis longtemps que lorsque le président de la République sortant est à nouveau candidat, il est très difficile de faire la distinction entre les deux réalités, celle du chef de l’État et celle du candidat. Il y a les réunions qui, pour reprendre les termes du Conseil constitutionnel, "se rapportent à l’exercice du mandat présidentiel" et les autres. C’est, en définitive, une question de fait. Pour la réunion de Toulon, le Conseil constitutionnel souligne qu’il s’agit plus d’un meeting d’allure politique (en particulier avec la mobilisation de l’UMP) que d’une rencontre organisée par le président dans le cadre de ses fonctions constitutionnelles. C’est la première fois qu’une ligne de partage est ainsi tracée, mais elle devait l’être un jour.

Si M. Hollande est candidat en 2017, ce qui la logique même du système du quinquennat, il saura qu’il existe des distinctions à faire, mais il est probable que la question se reposera d’une manière ou d’une autre. On ne peut ni interdire au président d’être candidat, ni lui interdire d’exercer pleinement sa fonction présidentielle. La question risque aussi de se poser si le Premier ministre est candidat. On ne peut pas être président ou Premier ministre à temps partiel. On ne peut pas ne pas faire campagne. On peut imaginer que le Premier ministre démissionne ; c’est peu réaliste pour le président de la République.

Le président de la République est-il un candidat comme les autres ?

Un sortant n’est jamais un candidat comme les autres, même lorsqu’il s’agit d’un maire (comme en ce moment). Le président sortant bénéficie du statut de sa fonction, est en mesure de présenter un bilan et automatiquement insiste sur le bénéfice de son expérience. L’expérience montre qu’il y a aussi le revers de la situation. M. Giscard d’Estaing en 1981, M. Sarkozy en 2012 ont eu à défendre un bilan rarement considéré comme positif. D’un point de vue tactique, il est plus aisé d’être un challenger que le point de convergence des critiques de l’action menée au cours des années précédentes. La situation est la même aux États-Unis à la fin du mandat de quatre ans du président américain ou dans les démocraties parlementaires européennes lorsque le Premier ministre se représente à la tête de la même coalition politique.

D’un point de vue juridique, le président-candidat est traité comme les autres candidats (temps de parole, moyens de propagande, financement…), mais il ne pourra jamais être exactement comme les autres. Est-ce, en définitive, un avantage ou un inconvénient ? Si en 2017 MM. Hollande et Sarkozy sont à nouveau candidats, il sera intéressant d’observer la situation de 2012 à front renversé.

Que va apporter cette enquête ouverte par le parquet de Paris, étant donnée la jurisprudence de 2012 du Conseil constitutionnel ?

Nul ne peut savoir au début d’une enquête ce qu’elle deviendra. Il conviendra de statuer sur le point de savoir s’il y a, au sens pénal du terme, "détournement de fonds public" et dans l’affirmative, d’en rechercher l’auteur.Il importe de souligner que M. Sarkozy était, en application de l’article 67 de la Constitution, irresponsable pendant toute la durée de son mandat. Il ne peut donc être poursuivi. D’autres responsabilités peuvent-elles être identifiées ? C’est à l’enquête de répondre. Ouvrir une enquête peut parfaitement déboucher sur une conclusion négative.

D’un simple point de vue comptable un éventuel détournement de 155 000 euros a été largement compensé par la suppression du remboursement des dépenses de campagne de M. Sarkozy. La totalité des 21,3 millions d’euros de sa campagne (y compris le meeting de Toulon) a été financé sur des ressources privées et non à hauteur de 47,5% par des ressources publiques comme le prévoit la loi.

Propos recueillis par Marianne Murat

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