ENA : "Supprimons le classement de sortie, ce système digne de l’Ancien régime"<!-- --> | Atlantico.fr
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François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, a annoncé ce jeudi son intention de supprimer le classement de sortie de l’ENA où sont formés les hauts fonctionnaires français.
François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, a annoncé ce jeudi son intention de supprimer le classement de sortie de l’ENA où sont formés les hauts fonctionnaires français.
©Reuters

ENArchaïque

Le classement de sortie de l’ENA pourrait être supprimé. Une bonne initiative selon Pierre-Henri d'Argenson, ancien élève de l'école, qui voit dans ce classement "un système d’attribution de charges à vie".

Pierre-Henri d'Argenson

Pierre-Henri d'Argenson

Pierre-Henri d'Argenson est haut-fonctionnaire. Il a enseigné les questions internationales à Sciences Po Paris. Il est l’auteur de "Eduquer autrement : le regard d'un père sur l'éducation des enfants" (éd. de l'Oeuvre, 2012) et Réformer l’ENA, réformer l’élite, pour une véritable école des meilleurs (L’Harmattan, 2008). Son dernier livre est Guide pratique et psychologique de la préparation aux concours, (éditions Ellipses, 2013).

 

 

 

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François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, a annoncé ce jeudi son intention de supprimer le classement de sortie de l’ENA, conformément à la promesse faite en janvier 2008 par le Président de la République.

Les opposants à cette réforme de l'ENA, qui n’ont d’ailleurs pas perdu l’espoir qu’elle soit abandonnée, brandissent un seul et même argument : le classement de sortie serait l’ultime rempart contre le népotisme, le copinage, la complaisance, la connivence, le favoritisme, le clientélisme qui ne manqueraient pas de présider à l’affectation des jeunes hauts fonctionnaires fraîchement sortis de l’École. Bref, il ne tient qu’à un fil que la République sainte et méritocratique ne bascule du côté d’une abominable ploutocratie bananière...

Soyons sérieux : l’argument du népotisme ne résiste pas à l’épreuve d’une analyse objective. Rappelons en premier lieu que pour entrer à l’ENA, et donc accéder à un certain nombre de postes de la haute fonction publique, il faut d’abord passer un concours d’entrée difficile, composé de cinq épreuves écrites d’admissibilité parfaitement anonymes. C’est ce concours qui est le vrai garant d’un recrutement méritocratique des hauts fonctionnaires, pas le classement de sortie, qui ne joue qu’un rôle d’affectation de fonctionnaires déjà recrutés. Il est donc faux d’écrire, comme c’est souvent le cas, que le classement garantirait l’objectivité du recrutement des hauts fonctionnaires !

Si ce classement cristallise autant de tensions, c’est parce qu’à la sortie de l’ENA se joue l’intégralité d’une vie professionnelle, selon que vous pourrez choisir ou non un corps réputé prestigieux, qui figera définitivement votre statut et donc l’idée que l’administration se fait de vos talents. Comment justifier, en démocratie, en République, au XXIe siècle, une telle rigidité des carrières, qui ne trouve d’équivalent qu’avant 1789 ?

Ce que les contempteurs de la suppression du classement redoutent en fait par-dessus tout, ce n’est pas un népotisme imaginaire, mais que cette suppression marque la fin d’un système d’attribution de charges à vie digne de l’Ancien régime, qui n’a fait que remplacer la naissance ou la richesse par le classement. Or la suppression du classement devra tôt ou tard s’accompagner de la mise en place d’un système qui ouvre enfin la voie à une gestion des carrières basée sur le mérite, en facilitant la mobilité au sein de l’Etat et en mettant fin aux places acquises.

Enfin, pourquoi le classement de sortie serait-il par essence plus méritocratique ou plus objectif qu’un système de recrutement en sortie d’école comparable aux listes d’aptitudes de l’INET (Institut national des études territoriales) ou aux entretiens d’embauche du secteur privé ? Pourquoi l’État serait-il incapable de recruter ses hauts fonctionnaires conformément à leurs aspirations et à leurs mérites ? Pourquoi l’administration serait-elle par nature népotique ? Nos contempteurs ont-ils donc une si piètre idée de l’État et du sens de l’intérêt général dont ses serviteurs sont porteurs depuis des siècles ?

En tout cas, vive la Révolution !

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