En traversant les Alpes, Hannibal est entré dans l'histoire... mais a tué l'essentiel de ses troupes<!-- --> | Atlantico.fr
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Aussi audacieuse et géniale apparaît-elle à première vue, l’épreuve des Alpes s’avère absurde sur le long terme…
Aussi audacieuse et géniale apparaît-elle à première vue, l’épreuve des Alpes s’avère absurde sur le long terme…
©Allociné

Roi des éléphants

Comme le rappelle Luc Mary, 15 000 Carthaginois sont morts dans les montagnes. Pire : même si Hannibal triomphe des légions dans les deux ans qui suivent, il est finalement vaincu par la République romaine. Extraits de "Les décisions les plus absurdes de l'Histoire" (1/2).

Luc Mary

Luc Mary

Luc Mary est un écrivain et historien. Il a notamment écrit Mary Stuart, la reine aux trois couronnes (l'Archipel, 2009) et Jeanne d'Arc (Larousse, 2012). Il a aussi coécrit avec Philippe Valode Et si... Napoléon avait triomphé à Waterloo ? L'histoire de France revue et corrigée en 40 uchronies (Editions de l'Opportun, juin 2011)Il est l'auteur de 20 livres et de plus d'une centaine d'articles. Il rédige régulièrement des textes pour la revue Actualité de l’histoire, une rubrique mensuelle consacrée aux uchronies.

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Année - 221. Après avoir assiégé Sagonte, dépassé l’Èbre et traversé les Pyrénées, Hannibal entame une étonnante « longue marche » à la tête de soixante mille hommes, de neuf mille cavaliers et de quarante éléphants (une armée déjà réduite d’un bon tiers !). Évitant à tout prix toute voie maritime, il décide de prendre Rome à revers en traversant des contrées inhospitalières voire franchement hostiles. Un fait sans précédent et d’une audace extraordinaire. [...] Hannibal envisage de porter la guerre sur le territoire même de l’Italie en s’attaquant aux infranchissables Alpes. Long de sept mois, ce périple hors normes, parsemé d’embuscades meurtrières, de révoltes et de dangers de tous ordres, est un des plus hauts faits militaires de l’histoire antique.

Mai -218. Massés aux abords de Carthagène, plus de cent mille hommes s’ébranlent en direction des Pyrénées. C’est le début de la « longue marche » d’Hannibal. À partir de l’Èbre, c’est la plongée dans l’inconnu. Des cavaliers numides aux mercenaires africains, la plupart des soldats d’Hannibal vont être confrontés à des éléments naturels dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence, à savoir les éboulements de pierres, les tempêtes de neige et les rafales de vent. Dans un premier temps, Hannibal fait preuve d’intelligence politique certaine. Preuve en sont les émissaires envoyés chez les peuples transalpins mais aussi en Gaule cisalpine. Le Barcide compte ainsi profiter de la haine viscérale qui anime ces guerriers gaulois à l’égard de Rome. Mais là s’arrêtent les bonnes nouvelles. 

Été -218. Avant même d’arriver au pied des Alpes, les effectifs de l’armée punique ont pratiquement été réduits de moitié. Tout commence en Espagne, au-delà de l’Èbre. Harcelé quotidiennement par les tribus ibères, Hannibal perd plus de vingt mille hommes et doit laisser un détachement de plus de dix mille soldats en guise d’armée d’occupation de la « Catalogne ». Pour prévenir toute tentative de soulèvement des tribus autochtones, il estime qu’il ne peut poursuivre son itinéraire sans pacifier ses arrières. Et l’hémorragie ne s’arrête pas là ! En Gaule même, l’armée d’Hannibal est victime d’une série d’embuscades meurtrières qui ont tôt fait de saper le moral de son armée. Il faut dire que le paysage avantage les agresseurs locaux : rocailleux et accidenté, il est ponctué de gorges encaissées et de rivières tumultueuses.

[...]

Le versant italien des Alpes est un véritable enfer blanc.Les glissements de terrain, les éboulementsrocheux et surtout les tempêtes de neige sont le lot quotidien de soldats mal préparés aux rigueurs du climat montagnard ; de toutes ces calamités, la pire est sans conteste le vent. Glacial, intense et constant, il fouette les visages, meurtrit les corps et paralyse les mouvements. Le passage emprunté descend à pic et rétrécit au fil de la marche. L’étroitesse du sentier rend les chutes fréquentes et elles sont souvent mortelles. Transis de froid, affaiblis et affamés, hommes et bêtes peinent à se frayer un chemin à travers une nature aussi vierge qu’inhospitalière. Sous une mince couche de neige fraîche, le sol est dur et glacé. En d’autres termes, la route fait figure de patinoire. Pour des soldats plus habitués à se battre sous un soleil de plomb, le contraste est saisissant. Ibères, Numides et Africains progressent avec une grande difficulté, pour ne pas dire presque à reculons. Ils glissent à répétition sur une neige glacée, ne sachant où s’agripper.

De temps à autre, c’est la catastrophe ; en une fraction de seconde, ce sont plus d’une centaine d’hommes et d’animaux qui sont précipités dans le vide. Soudain, ils sont carrément stoppés. Un énorme rocher obstrue le passage, sans doute le résultat d’un affaissement de terrain. Dans l’impossibilité de le contourner, l’armée punique est retenue plusieurs jours au pied du bloc de fer et de glace. Armés de piques et de lourdes masses, plusieurs équipes se relaient pour essayer de briser la
paroi glacée. Pour en venir à bout, Hannibal fait installer des fagots auxquels on met le feu et on verse du vinaigre pour rendre la roche plus friable. Le bloc finit par se fendre. Il était temps car les hommes commençaient à mourir de faim. Au terme de six jours de descente, les Carthaginois foulent enfin
la terre promise : l’Italie. Mais dans quel état ? La plupart des bêtes de somme ont péri et plus de la moitié des troupes a disparu dans les montagnes. Avec près de vingt mille fantassins et plus de six mille cavaliers, l’armée punique n’est plus que l’ombre d’elle-même. Depuis six mois, à savoir depuis
le grand départ de Carthagène, ce sont plus de soixante-dix mille hommes qui sont passés de vie à trépas.

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Extrait de "Les décisions les plus absurdes de l'histoire", Les éditions de l'Opportun (mai 2012)

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