Emmanuel Macron est brillant, mais il n’est pas le président qu’il faut à la France<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Emmanuel Macron est brillant, mais il n’est pas le président qu’il faut à la France
©PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Homme providentiel ?

Intelligent et endurant, Emmanuel Macron a offert une performance exceptionnelle lors du lancement du grand débat national à Grand Bourgtheroulde. Mais cette performance face à 600 maires risque de redonner vie au mythe de l’homme providentiel et à l’étatisme qui ont plongé la France dans le marasme où elle se trouve actuellement.

Nicolas Moreau

Nicolas Moreau

Diplômé d'école de commerce, Nicolas Moreau a exercé en tant qu'auditeur pendant une décennie, auprès de nombreux acteurs publics, associatifs et privés.

Voir la bio »

Une performance exceptionnelle

Le 15 janvier, Emmanuel Macron donnait le coup d’envoi du grand débat national à Grand Bourgtheroulde dans l’Eure. Face à plus de six-cents maires, pendant près de sept heures, il a échangé et répondu aux questions qui lui étaient adressées, souvent de manière technique et chiffrée, sans fiche ni note. Un véritable marathon intellectuel et physique, mené tambour battant par le président de République.

La performance a été chaleureusement applaudie par les élus locaux présents ce jour, et saluée par de nombreux observateurs de la vie politique. Et cette performance, en soi, méritait effectivement d’être reconnue, tant Emmanuel Macron s’est imposé comme un élève brillant, à l’intelligence exceptionnelle, à la mémoire phénoménale, et aux traits d’humour saillants. Il a donné l’image d’un candidat capable d’écraser toute concurrence durant une campagne.

Il lui a malheureusement manqué les habits du président dont la France a besoin.

Le crépuscule d’une idée

Une idée fausse est dans l’air : celle du président super-héros, devant à la fois être cet élève brillant qui connait tout sur tout, cet athlète disposant d’une énergie infinie pour se charger de tout, et ce modèle de vertu apte à faire la leçon à tous. Cette philosophie de l’homme providentiel, empoisonne le pays depuis des décennies, et c’est malheureusement sur la base de celle-ci qu’Emmanuel Macron a été ovationné.

Le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek a pourtant montré à quel point cette idée était inepte. Pour Hayek, la connaissance est si large, et si répandue dans la société, qu’il est impossible qu’elle soit tout entière contenue chez un nombre limité de personnes. Elle est au contraire dispersée entre de nombreux agents, et même le plus grand des génies ne pourra jamais en savoir autant que des milliers de personnes échangeant leurs quelques connaissances entre elles.

Pour le dire autrement, Emmanuel Macron est incroyablement brillant. Mais il ne sait pas faire cuire une baguette mieux qu’une boulangère. Il ne sait pas réparer un moteur mieux qu’un mécanicien. Il ne sait pas chanter mieux qu’une chanteuse. Il ne connait pas la physique théorique mieux qu’une chercheuse. Il ne sait pas prendre soin d’un malade mieux qu’un infirmier. Etc.

Tout exceptionnel qu’il soit, il ne pourra jamais réunir sur sa seule personne plus de connaissances qu’une société entière qui échange. Pris ensemble, la boulangère, le mécanicien, la chanteuse, la chercheuse, l’infirmier, et les autres, en savent bien plus qu’Emmanuel Macron et tout son gouvernement. Mais pour que ces acteurs puissent s’exprimer dans leur domaine de compétence, et pour qu’ils puissent partager leurs savoirs, l’Etat doit les laisser faire.

Le Laissez-faire est souvent caricaturé comme un laxisme généralisé ou une complaisance vis-à-vis de la loi de la jungle. Il n’est rien de tout cela. Il est une injonction lancée à nos dirigeants en général, et au Président de la République en particulier : Laissez-faire ceux qui savent, et laissez-les échanger. Si l’Etat dresse des barrières, et complique les échanges entre individus, la connaissance éparpillée dans la société ne pourra pas s’exprimer pleinement, et la société s’appauvrira. Laissez-faire la boulangère, même si elle veut ouvrir son magasin sept jours sur sept. Laissez-faire le mécanicien ou la chanteuse. Ils ont chacun des talents à offrir, et ont chacun besoin du talent des autres. Laissez-les échanger.

Au contraire du Laissez-faire, la philosophie de l’étatisme prône un Etat omniprésent dans l’activité économique, sociale ou morale, représenté par un président qui montre les qualités requises pour l’incarner : une morale certaine, une connaissance de tous les dossiers dont il souhaite se mêler, et une endurance surhumaine face aux doléances infinies adressées à l’Etat.

L’étatisme est pourtant une impasse depuis des décennies. En s’immisçant partout, l’Etat gène les acteurs économiques et sociaux par des normes trop nombreuses, des impôts écrasants, des lois ineptes, des leçons de morale. Il paralyse ces échanges dont la société a besoin pour exprimer tout son potentiel économique et social.

L’étatisme est en outre directement impliqué dans la crise des gilets jaunes par les lourds prélèvements obligatoires qu’il impose (pour permettre à l’Etat de se mêler de tout et pour entretenir l’élite qui l’incarne), par les décisions sociétales prises à Paris qui s’imposent à tous, et par la morale que l’élite tente d’imposer aux français sans se l’imposer à elle-même. Il a pollué la mentalité française pendant des décennies, déresponsabilisant petit à petit les citoyens tout en les appauvrissant.

Malheureusement, la séquence de Grand Bourgtheroulde redonne de l’eau au moulin de l’étatisme, en vernissant l’image du président super héros, à l’heure où la solution serait de faire reculer l’Etat en laissant enfin les français faire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !