Emmanuel Macron : "Ce que j’ai fait n’a jamais existé dans notre histoire politique contemporaine"... Oui, mais à quel point de vue ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme électoral, le 17 mars.
Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme électoral, le 17 mars.
©Ludovic MARIN / AFP

LREM

Le véritable bilan budgétaire du quinquennat se résume à un seul chiffre, celui de la dette publique. De 2 254,3 milliards ou 98 % du PIB à fin 2017, elle est passée à 2 834,3 milliards au 3ème trimestre 2021, soit 116,3 % du PIB.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Incroyable déclaration d’Emmanuel Macron devant les journalistes convoqués la semaine dernière pour assister à la présentation de son programme présidentiel pour 2022-2027 :

« Qu’on regarde le quinquennat qui s’achève ! Ce que j’ai fait n’a jamais existé dans notre histoire politique contemporaine. »

Pour la modestie, on repassera. Mais puisque M. Macron nous y invite si aimablement, tout en esquivant la confrontation directe avec ses concurrents autant que les pratiques de la Vème République le lui permettent, jetons un œil sur le quinquennat écoulé.

• Du côté de l’autosatisfaction permanente, force est de constater que le niveau est resté au plus haut.

En 2017, le très jupitérien Macron s’auréolait déjà d’une « pensée complexe » qui ne pouvait se satisfaire du jeu ordinaire des questions-réponses avec les journalistes. Plutôt se mettre en scène face à un Laurent Delahousse tout sourire-tout serpillère et commencer à broder sur le thème de l’homme jeune, 39 ans à peine, sorti de nulle part, sans parti politique, et qui accède à l’Élysée par la vertu de ses seules puissantes qualités. Commentaire du nouveau président à l’époque :

« La France a stupéfié l’Europe et le monde par son choix de mai dernier. »


En 2022, rebelote. Même pratique, même rhétorique. Après l’entretien de décembre dernier sur TF1 et LCI, mélange plus ou moins habile de faux regrets et de vraie promotion satisfaite, voici à nouveau cette certitude gonflée de vantardise d’avoir chamboulé de fond en comble le petit train-train politique qui prévalait jusqu’alors.

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Ce qui « n’a jamais existé dans notre histoire politique contemporaine » et dont lui, Macron, a été le précurseur glorieux, le premier praticien à succès, c’est d’avoir été élu sans antériorité politique et d’avoir ensuite été capable de réunir des ministres et des parlementaires de toutes les sensibilités autour d’un programme clair. 

Comme si les transhumances politiques d’un Castaner (ex-PS) ou d’un Le Maire (ex-LR), d’un Le Drian (ex-PS) ou d’un Castex (ex-LR) étaient une nouveauté en politique ! Ça s’appelle aller à la gamelle. Mais bien sûr, on peut préférer parler de recomposition du paysage politique français ; c’est incontestablement plus flatteur même si cela reste cousu de fil blanc. Voir Éric Woerth, ex-LR récemment converti aux promesses macroniennes : tout ce qu’il a dit pendant cinq ans contre la politique budgétaire du gouvernement s’est évanoui d’un seul coup devant les sondages.

• En tant que président de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, Éric Woerth est pourtant bien placé pour savoir à quel point Emmanuel Macron a laissé les finances publiques dériver dans la dépense, les déficits et la dette. 

À entendre le ministre de l’Économie Bruno Le Maire (ex-LR) et son ministre délégué aux Comptes publics Olivier Dussopt (ex-PS) roucouler sans fin dans les médias sur la fabuleuse croissance de 7 % et sur le taux de chômage descendu à 7,4 % en 2021, on pourrait facilement s’imaginer que l’économie française se porte à merveille.

La pandémie de Covid-19 a certes porté un coup terrible à de nombreux secteurs, nous disent-ils avec une mine dûment attristée, mais par bonheur, la politique économique menée depuis 2017 ainsi que les mesures de soutien prises dès mars 2020 et le plan de relance à 100 milliards adopté ensuite ont permis de retrouver le niveau d’activité de 2019 dès l’automne 2021. Bref, bilan impeccable. Que demande le peuple ?

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Ce joli tableau souffre néanmoins de quelques omissions de taille.

Tout d’abord, Covid ou non, notre taux de chômage reste élevé au sein de l’Union européenne. Ensuite, la croissance de 7 % en 2021 succède à un recul du PIB de 8 % en 2020. Y voir un effort extraordinaire du gouvernement et des Français est simplement absurde. Outre la part de rebond mécanique après les mises à l’arrêt administratives de nombreuses activités, il faut se rappeler que tous ces « bons résultats » ont été obtenus par du « quoi qu’il en coûte » financé à crédit.

Comme le disait Woerth lui-même, la dépense publique a augmenté, non seulement du fait des mesures d’urgence et de relance mais également du fait de la dérive constante des dépenses ordinaires. Trop facile de n’incriminer que la malheureuse conjoncture Covid (et maintenant les aides et sanctions liées à la guerre en Ukraine). Il existe en France une tendance à la dépense forcenée et désordonnée qu’Emmanuel Macron n’a nullement enrayée, bien au contraire.

Ce dont la Cour des Comptes, pointant une accentuation malsaine du déficit structurel, s’était fait l’écho dans ses commentaires sur le Projet de loi de finances pour 2022 :

Résultat, le véritable bilan budgétaire du quinquennat se résume selon moi à un seul chiffre, celui de la dette publique. De 2 254,3 milliards ou 98 % du PIB à fin 2017, elle est passée à 2 834,3 milliards au 3ème trimestre 2021, soit 116,3 % du PIB. Autrement dit, une augmentation qui frôle les 600 milliards d’euros sur cinq ans (et 460 milliards depuis la fin de 2019) :

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Dette publique en % du PIB

Dette publique en euros

Ne nous y trompons pas, ces considérations sur les comptes publics ne sont pas « que techniques ». Ajoutées à notre célèbre corpus d’obligations et d’interdictions, elles reflètent directement notre espérance de prospérité et de liberté. Un État dépensier à hauteur de 55,4 % de son PIB comme l’était la France avant le Covid et a fortiori à hauteur de 61,6 % du PIB comme elle l’est actuellement (chiffre 2020) est un État qui étouffe la création de richesse et qui s’est largement substitué à ses citoyens dans l’organisation de leur vie la plus personnelle.

Au-delà du régalien qu’on attend de lui, il s’est immiscé de façon insensée dans l’éducation, la santé, les retraites, l’énergie, l’agriculture, la gestion sociale des entreprises… – tous domaines qu’il est une fois de plus question de réformer tant leur situation actuelle tourne au désastre. Pour ne citer qu’un exemple absolument frappant, quoi de plus aberrant que d’entendre Emmanuel Macron vouloir réintroduire plus d’heures de mathématiques au lycée au bout de cinq ans d’un mandat placé par moult discours plus intello-ampoulés les uns que les autres sous le signe startupeur de l’innovation, de la transition numérique et de la « french tech » !

• Les libertés publiques elles-mêmes ont été soumises à rude épreuve depuis cinq ans, révélant combien Emmanuel Macron en a une approche étroite et foncièrement liberticide.

D’un côté, on l’a vu monter au créneau pour les défendre, comme dans son hommage à Samuel Paty, cet enseignant décapité pour avoir utilisé des caricatures du prophète Mahomet dans un cours sur la liberté d’expression. Mais d’un autre côté, on l’a vu prendre prétexte des Lumières pour tomber lui-même dans « l’obscurantisme » qu’il prétend combattre, et grignoter, que dis-je, amputer consciencieusement nos libertés au nom… de la défense des valeurs des démocraties libérales !

Qui, si ce n’est Emmanuel Macron, s’est évertué depuis son accès au pouvoir à inscrire les états d’urgence et les situations d’exception dans le droit commun ? Qui a tenté en catimini de faire de même avec l’état d’urgence sanitaire ?

Qui a introduit une loi contre les « fake news » ? Qui a rêvé de faire advenir une sorte de service public de l’information ? Qui a voulu contrôler la liberté d’expression sous le gentil prétexte de faire reculer la haine ? Qui a prétendu limiter la liberté d’informer sous le non moins gentil prétexte de protéger nos forces de l’ordre ? Qui a obtenu l’élargissement des possibilités de fichage des activités politiques, des appartenances syndicales et des données de santé au nom de la sécurité intérieure ?

Qui a expliqué noir sur blanc dans les pages du Parisien qu’il avait très envie « d’emmerder » la « toute petite minorité qui est réfractaire » aux vaccins, allant jusqu’à dénier aux non-vaccinés le statut de citoyen ? Et finalement, qui vient de lever le pass vaccinal par pur opportunisme électoral ?

Tout ceci n’est pas follement emballant.

Oh bien sûr, quand on voit que les intentions de vote pour la seconde place de l’élection présidentielle tendent maintenant à se concentrer autour de Marine Le Pen pour l’extrême-droite et Jean-Luc Mélenchon pour l’extrême-gauche, on a du mal à voir en quoi ces alternatives (et toutes les autres, au demeurant) constitueraient un franc progrès vers un peu plus de libéralisme.

Mais mon propos ici n’est pas de dire pour qui ou contre qui il faudrait voter. Il est d’analyser ce que signifie chaque vote au regard de ma perspective libérale. Il est de souligner l’importance du couple prospérité-liberté. Il est de congédier tous les constructivismes. Il est d’inviter chacun à se montrer plus exigeant avec les élus et les prétendants à l’élection. Avec l’espoir qu’une candidature vraiment respectueuse des droits des individus émergera un jour.

Cet article a été publié initialement sur le blog de Nathalie MP : cliquez ICI

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