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Émeutes dans le Rif : le Maroc est-il menacé d'un printemps arabe 7 ans après la Tunisie ?
©Reuters

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A première vue on pourrait se tromper, mais cette affaire n'a, si on regarde plus près, rien à voir avec celles qui lancèrent les révoltes démocratiques en Tunisie en 2010.

Charles  Saint-Prot

Charles Saint-Prot

Charles Saint-Prot est directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris. Spécialiste du monde arabe et de l’Islam, il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence traduits en plusieurs langues.

Il a récemment publié Mohammed V ou la monarchie populaire, Paris-Monaco, Le Rocher (2011).

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Atlantico : Le leader du mouvement contestataire à al Hoceima au nord du Maroc, Nasser Zefzafi a déclaré dans Le Monde que le problème venait de l'impossibilité d'émettre des critiques et que la personne du Roi devait pouvoir être elle-aussi touchée par ces critiques. Il a depuis été arrêté. Sa critique est-elle infondée ?

Charles Saint-Prot : Zefzati est un agitateur qui s’est autoproclamé chef d’un mouvement de contestation qui s’est développé durant ces derniers mois. Beaucoup mette en cause son égocentrisme excessif et ses prises de positions incohérentes. Il a tenté d’instrumentaliser un mouvement de revendication sociale et lui donner une coloration politico-religieuse. Il a été arrêté pour avoir interrompu le prêche de l’imam dans une mosquée d’Al Hoceima, le 26 mai, et créé une agitation perturbant l’office religieux et semant le trouble. Ses propos au Monde ne sont que de la propagande qui démontre qu’il poursuit un objectif politique précis visant à semer le désordre et porter atteinte à la cohésion nationale dont le Roi est très précisément le symbole. De fait s’en prendre à la personne du Roi c’est une façon de contester la solidarité nationale et de refuser le vivre ensemble dont le souverain est le garant.

Avec l'arrestation du leader du mouvement Hirak chaabi, Nasser Zefzafi, la situation dans le Rif pourrait être sur le point d'être maîtrisée par le gouvernement marocain. Cependant, la récente escalade qui a suivi la mort accidentelle d'un poissonnier d’al Hoceima (menée par Zefzafi) tendrait à prouver un certain mal-être au pays du roi Mohammed VI. Ce cas isolé peut-il  rappeler le précédent tunisien. Quels sont les risques de voir le Maroc se diriger vers un « printemps arabe » ? Les ferments sont-ils présents ?

En octobre 2016, lorsqu'un acheteur qui trafiquait sur le poisson vendu illégalement a trouvé une  mort accidentelle lors d’un regrettable incident dont il porte la responsabilité, certains ont vu une occasion de poser des revendications dans la ville. Ils ont demandé la création d’une université, d’un hôpital, etc. avec l’idée un peu naïve que l’État est là pour suppléer à tout. Il est certain qu’al Hoceima est une ville qui a des besoins, comme il y en a d’autres au Maroc, au Maghreb et partout ailleurs – y compris en France. Cette ville fait partie des zones qui ont encore un retard de développement car le Maroc fait certes d’immenses efforts mais il ne peut les réaliser qu’à la mesure de ses moyens. Le fait notable est qu’il est indéniable que les revendications sociales ont été détournées par des activistes qui voulaient semer la zizanie sans se soucier du bien-être de la population. Certaines personnes arrêtées récemment étaient en possession d’armes et ont violé le code pénal en agressant des agents des forces de l’ordre ou en détruisant des biens publics.

Nasser Zefzafi et son groupe, qui comprend surtout des extrémistes et quelques repris de justice, répandent des mots d’ordre destiné à jeter le trouble en insultant pêle-mêle  les autorités administratives, l’État, les partis politiques, les syndicats, les associations et les ONG. Ils ont réuni quelques centaines de manifestant en leur faisant  proférer des slogans extrêmes,  souvent contradictoires et parfois surprenant comme, par exemple, la suspension des poursuites dont font l’objet les cultivateurs et vendeur de drogue. Tout cela conduit à une certaine fièvre qui est loin de traduire un malaise de la société marocaine même s’il se trouve des militants d’extrême-gauche et des membres d’une secte politico-religieuse, d’ailleurs proche des idées de la révolution iranienne, pour tenter de relayer le mouvement. Cependant le pays réel marocain ne marche pas et il ne faut pas donner à ces événements une importance démesurée. Il est évident que cette agitation n’a rien de comparable avec ce qui s’est passé en Tunisie. À vrai dire, il semble que certains milieux hostiles au Maroc ne supportent pas que ce pays ait échappé aux événements qualifiés bien naïvement de « printemps arabes ». Il suffit de voir l’état dans lequel se trouve la Tunisie, l’Égypte et d’autres pour constater que ces événements ont été une immense duperie.

Qu'est-ce qui explique que le Royaume du Maroc soit moins concerné par les agitations populaires que ses voisins ?

Si le Royaume est resté stable durant toutes ces agitations c’est que le peuple est majoritairement attaché aux institutions et à la monarchie. C’est ce qu’on appelle l’exception marocaine. Le risque d’explosion dans un pays est proportionné au degré de désespoir de la population. Dans les autres pays, le peuple avait  le sentiment d’un immobilisme figé, et il n’avait pas de confiance dans le gouvernement. C’est encore la situation qui prévaut en Algérie. En revanche, au Maroc, tout observateur objectif ne peut que constater un flux de réformes impulsées par une monarchie  à la fois populaire et réformiste  qui sait anticiper en ouvrant de grands chantiers d’avenir aussi bien pour l’approfondissement des droits de l’homme, la lutte contre l’extrémisme et la radicalisation, la participation des citoyens, la modernisation des structures ou le développent de grands projets d’avenir (énergies renouvelables, progression de la condition de la femme, industrialisation, politique africaine d'envergure. En vérité, les Marocains savent que leur seule assurance vie est la monarchie et ils ne veulent à aucun prix imiter les modèles étrangers qui sont en faillite.

Faut-il voir la main de certains services étrangers dans l’affaire d’al Hoceima ?

On a vu dans d’autres circonstances des manipulations  de l’étranger, par exemple lors des événements criminels de Gdeim Izik au Sahara marocain. Il est d’ailleurs curieux que certains avocats militants des criminels de Gdeim Izik proposent leurs services à  Zefzafi. C’est un peu le même scénario, on attire quelques personnes en leur faisant miroiter de possibles avantages matériels puis on les manipule à des fins politiques pour déstabiliser le pays avec l’aide d’organisations spécialisées qui profitent de la grande liberté régnant au Maroc où chacun peut entrer librement- ce qui n’est pas le cas chez certains de ses voisins.

Dans le cas d’al Hoceima, on sait que des agitateurs  ont reçu des sommes d’argent de l’étranger, via la Belgique et les Pays Bas. Certains ont été téléguidés et la police marocaine a dû expulser un journaliste d’un quotidien algérien lié aux services de renseignement d’Alger. Celui-ci était entré dans le pays en se faisant passer pour un touriste. Tout cela est troublant, comme l’est aussi la présence de certains réseaux terroristes qui, heureusement, sont périodiquement démantelés par la police marocaine et les services de sécurité qui coopèrent d’ailleurs très efficacement avec leurs confrères français, espagnols et autre.

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