Émeutes : ce qui se cache vraiment derrière la réponse implacable de la justice évoquée par Emmanuel Macron <!-- --> | Atlantico.fr
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Des forces de l'ordre qui interpellent un émeutier lors des violences urbaines après la mort de Nahel à Nanterre.
Des forces de l'ordre qui interpellent un émeutier lors des violences urbaines après la mort de Nahel à Nanterre.
©ZAKARIA ABDELKAFI / AFP

Peines exemplaires ?

Lors de sa conférence de presse, le président de la République a estimé que la justice avait fait preuve de fermeté suite aux émeutes de l'été dernier.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Dans sa récente conférence de presse, le président de la République a proféré trois énormités sur les émeutes de l'été passé :

- "Il y a eu une réponse implacable de la justice",

- "Pas un problème d'immigration, des jeunes de nationalité française",

- "Ces jeunes émeutiers s'ennuyaient".

Avant de réfuter ces assertions, une question : M. Macron dit-il cela pour enfumer, comme on dit familièrement, les médias et l'opinion ? Ou à l'inverse, est-il sincère ? L'ambiance ac­tuelle à l'Élysée nous conduit à la seconde option. De fait : un prési­dent haïssant être con­tredit, en­touré d'une cour imbue de son collectif génie et pensant survoler, de haut, la pié­taille politico-administrative à ses ordres... Matignon, ah lala, quels pénibles... La police... ma­gistrature... renseignement : des médiocres, au ras des pâquerettes... Le président, lui, en mode Albatros-Baudelaire "Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’em­pêchent de marcher".

Ajoutons-y des médias aux ordres, édulcorant en rose pâle le rouge sang du terrain... Une com' Bisounours, par laquelle les criminels mutent en "délinquants", les assassins, en "auteurs", les tueries, en "rixes" où l'on "perd la vie" (comme ses clés) ; les fusillades, en "échanges de tirs" ; les braqueurs, cambrioleurs, émeutiers, en fuligineuses "personnes", qui ne détruisent ni n'incendient, mais "dégradent", face à de tout aussi anonymes "fonctionnaires". Des notes of­fi­cielles livrées aux sommets en mode pastel... Un ministre de l'Intérieur fuyant le réel crimi­nel... Tel est l'arrière-plan des énormités précitées ; sur lesquelles nous revenons à présent.

Réponse implacable de la justice - Triste farce : les médias reprennent gentiment l'Intérieur, pour qui "la majorité des émeutiers est inconnue de la justice". Mais ces arrestations n'ont rien d'un prélèvement scien­tifique, où on aspire de l'eau avec une pipette, voir si elle est saine. Mi­lieu ho­mogène : l'eau analysée dans l'éprouvette donne l'état du lac tout entier.

Or lors des émeutes, les bandes de cité viennent d'abord piller et tirer au mortier sur les forces de l'ordre. Ayant pigé que les keufs sont lents, et leurs manœuvres, plus encore, ces las­cars aguerris savent qu'ils sont 40 minutes pour agir, puis se replier. Par curiosité, mimétisme ou re­cherche d'au­baines, res­tent ensuite sur le terrain divers badauds, niais, rôdeurs, etc. : ceux-là, qui se font d'usage "serrer", ne représen­tent en rien les émeutiers originels.

Les magistrats le savent et souvent, épargnent ces comparses servant juste au pouvoir à simu­ler la répression. Après, au tribunal ? Pour toute la France, du plus excité au plus mièvre, nous estimons ces émeutiers à 20 000 - 22 000 individus. Là-dedans, au fond du filet, benêts et las­cars malchanceux font l'essentiel des mille à deux mille envois réels au tribunal. Aux mi­neurs, les juges donnent des convocations, avec "mises à l'épreuve éducative" ou (rares) contrôles ju­diciaires ; voire, des "stages de res­ponsabilité parentale". Quand ces magis­trats sont submer­gés, ils élargissent tout bêtement. Et comme les forces de l'ordre de terrain ne dis­po­sent bien sûr pas d'officiers de police judiciaire, les pil­lards arrêtés se voient demander leur identité, et peuvent répondre ce qu'ils veulent. Puis ils reçoivent une platonique convocation, à laquelle ils ont le choix de se rendre d'eux-mêmes... ou pas.

Telle est, dans les faits, "l'implacable répression" rêvée par le président Macron.

Des "jeunes de nationalité française", qui "s'ennuient"

533 communes ravagées (L'Intérieur n'en donne pas la liste). Les métropoles ont subi la plu­part des émeutes et exactions ; dans leur orbite, les villes moyennes touchées ont un ou plu­sieurs de ces "quartiers sensibles" devenus des "annexes du 9-3" ; où une part de la jeunesse im­mi­grée s'est criminalisée. De fait, la carte des émeutes correspond aux lieux donnant aux bébés le plus de pré­noms arabo-musulmans. Un exemple entre cent : à Châlons-en-Cham­pagne, dans le coupe-gorge dit "Quartier Émile Schmit" où éclate l'émeute, des "populations issues de Seine-Saint-Denis et de l'Essonne font la loi" : comme dans maints quartiers du nord de la Loire, les métastases de l'Île-de-France mènent la danse.

Émeutiers : villes moyennes, quartiers excentrés, meutes de 30 à 50 indivi­dus ; zones hors-con­trôle majeures, des centaines et des interpel­lés "is­sus pour beau­coup de l'immigration". Seule nouveauté par rapport aux émeutes de 2005 : le pillage de masse des commerces et centres commer­ciaux. Dans ces quartiers, la police constate que, soi-disant "spontanément ameutés par la mort de Nahel", les émeu­tiers savent fort bien monter des traque­nards, ériger les barri­cades, maîtriser la méthode des points de fixa­tion, concentrés en un point puis disper­sés ; et se géolocaliser sur Whatsapp et Tele­gram. Preuve que, lors des nuits de violences, les bandes de cités forment le moteur et le noyau dur des émeutiers, exécutant un schéma fami­lier : pro­téger son point de deal, chasser la police et les bandes rivales.

Donc : une violence locale sans dirigeants nationaux ni revendications. Mais la douleur et la rage aveu­glent-t-elles tant que cela ces "vengeurs de Nahel" ? Non : dans l'Est de la France, no­tam­ment à Reims, "Tous les commerces tenus par des ([fort dangereux] Tchét­chènes ont été épar­gnés" ; venger Nahel, oui, mais prudence quand même...

Tels sont les "jeunes Français désœuvrés" du président Macron, lui, plus ou moins volontaire­ment en mode aveuglement - concept à propos duquel nous rappelons pour conclure cette magistrale réflexion philosophique : « Il y a pire que la cécité, c’est l’aveuglement, qui croit voir – et voir de la seule fa­çon possible - quand c’est pourtant cette croyance où il est qui lui bouche toute vue » Martin Hei­degger, Qu’appelle-t-on penser, PUF, 1999.

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