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Elections européennes : Macron seul contre tous
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Solitude

Pour Emmanuel Macron, la campagne des élections européennes de mai 2019 a largement commencé

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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En déplacement en Slovaquie et en Tchéquie il y a quelques jours, le président français est allé lancé sa campagne continentale au coeur du « groupe de Visegrad » (ou V4) qui le défie depuis le début de son mandat. Qualifiant les dirigeants polonais et hongrois qui dominent largement ce V4 « d’esprits fous qui mentent à leurs peuples », il a résolument la thérapie de choc pour réveiller les courants pro-européens au coeur de cette Europe centrale et orientale qui se méfie du couple franco-allemand et de la Commission de Bruxelles. Pour faire souffler un véritable esprit européen à travers la Mitteleuropa comme à travers toute l’Union, le leader des européistes aura bien des défis à relever : ses alliés traditionnels sont affaiblis et divisés ; ses adversaires récents ou anciens bénéficient d’une conjoncture favorable. Le principal enjeu est de passer du statut d’avant-gardiste à celui de rassembleur.

Des alliés affaiblis

A l’heure actuelle, les principaux soutiens du président français et de sa relance de la construction européennes sont notablement contestés. Qu’on songe à la situation de la chancelière allemande : suite aux défaites électorales dans les Länder de Bavière et de Hesse, la révolte a de nouveau grondé au sein de la coalition CDU-CSU ; en raison des récriminations des courants conservateurs, la position d’accueil des migrants d’Angela Merkel a depuis longtemps été abandonnée par la République Fédérale ; face aux contestations de la « Grande Coalition » actuellement au gouvernement, la Chancelière a dû publiquement annoncer qu’elle ne briguerait plus la Chancellerie. Principale alliée de l’exécutif français à Bruxelles, Angela Merkel laisse Emmanuel Macron aborder presque seul l’échéance de mai 2019 : elle n’est plus qu’un acteur du passé.

Où qu’il tourne ses yeux, le président français ne trouve que des alliés en situation précaire : le Premier ministre PSOE espagnol, Pedro Sanchez, pro-européen déclaré, est parvenu à la fonction suprême à la faveur d’un retournement de majorité au Parlement, les Cortes. Encore en « période d’essai » il ne peut figurer parmi les leaders d’opinion incontesté ni à l’échelon national, ni à l’échelon européen. Le Premier ministre grec, européiste critique, aborde lui des élections législatives en position de faiblesse dans les sondages et est toujours considéré avec méfiance par les orthodoxes de l’Union.

Quant aux responsables européens, ils sont en fin de mandat. Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission, Donald Tusk, à la présidence du Conseil et Fédérica Mogherini à la tête de la politique extérieure de l’Union espèrent en Emmanuel Macron. Mais ils sont victimes du syndrome du sortant que les Américains, impitoyables, appellent le « canard boîteux » ou lame duck. C’est bien plutôt le président français qui les soutient que l’inverse.

Le chef du parti européen ne peut aujourd’hui compter que sur ses propres forces sur l’échiquier européen pour aborder les élections de mai prochain.

Des adversaires à la manoeuvre

Les adversaires d’Emmanuel Macron et de sa relance de l’Union sont, eux, en essor. Le principal opposant déclaré à la ligne macroniste en Europe est assurément le Premier ministre hongrois, Viktor Orban. Tout oppose les deux hommes : l’un milite pour une Europe ouverte alors que l’autre construit un mur pour protéger ses frontières ; l’un promeut un continent de liberté alors que l’autre chante les louages de l’autorité ; l’un veut raffermir les mécanismes de solidarité entre Etats-membres alors que l’autre a pour priorité la réaffirmation des souverainetés nationales. Le choc Macron-Orban sera celui de la campagne de mai. Or, de ce point de vue, force est d’admettre que le chef de file des souverainistes est plutôt en essor. Vainqueur haut la main en avril dernier d’élections législatives qui ont raffermi sa majorité au Parlement ; leader d’opinion au sein du V4, il a réussi à se donner un statut bien au-delà de son camp. Il a rallié le chancelier autrichien Sebastian Kurz, séduit le ministre de l’intérieur italien Salvini et est la figure de proue incontestée de ceux qui haïssent la construction supra-nationale que constitue l’Union.

L’anti-fédéralisme et l’anti-libéralisme sont aujourd’hui mainstream sur le continent. La règle est même l’anti-macronisme. Là encore, un bref tour d’Europe est éloquent : en Italie, c’est une coalition populiste et eurosceptique entre la Ligue 5 et 5 Stelle qui gouverne, défiant régulièrement la Commission, notamment en matière budgétaire. Dans le Nord de l’Europe, la méfiance envers la redistribution des ressources européennes à l’est et au sud infuse dans les vieux partis conservateurs et dans les nouveaux partis populistes comme les « Vrais Finnois » en Finlande, l’AfD en Allemagne, le Parti de la Liberté (PVV) au Pays-Bas...

Contrairement à ce que tous les souverainistes déclarent, dans la bataille électorale qui s’annoncent, les favoris et les challengers ne sont pas ceux qu’on croit. Les souverainistes partout en essor sont mainstream et favoris. Quant aux européistes, Emmanuel Macron en tête, ils sont des challengers qui ont à s’imposer.

De l’avant-garde au rassemblement

S’imposer dans un environnement continental hostile : voilà qui n’est pas pour déplaire au président français. Ne l’a-t-il pas fait sur l’échiquier politique français, face à des partis bien implantés, y compris à l’extrême droite ? Mais tout l’enjeu des prochains mois est de faire changer la construction européenne de statut. Il est temps de cesser de la considérer comme vieux jeu, épuisée ou en crise. La construction européenne est disruptive, séduisante et novatrice. Aujourd’hui cruellement privé d’alliés forts, le président français doit aller chercher des soutiens directement dans les opinions nationales partout en Europe. De pionnier, devenir fédérateur. Sept mois de campagne seront hautement nécessaires.

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