Effets secondaires des vaccins contre le Covid : mais que voit le gouvernement allemand qu’on ne voit pas en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans son entretien accordé à ZDF heute journal, le ministre de la santé allemand évoque en effet deux questions qu’il estime insuffisamment prises en charge dans son pays.
Dans son entretien accordé à ZDF heute journal, le ministre de la santé allemand évoque en effet deux questions qu’il estime insuffisamment prises en charge dans son pays.
©JOEL SAGET / AFP

Remise en perspective

Le ministre allemand de la santé a demandé aux entreprises pharmaceutiques qui ont fait des « profits financiers considérables » de prendre part au programme de soutien aux personnes vaccinées souffrant d’effets indésirables.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Juliane Winkelmann

Juliane Winkelmann

Juliane est membre du hub berlinois de l'Observatoire et est basée à l'Université de technologie de Berlin. Les recherches de Juliane portent sur les systèmes et les politiques de santé comparés, en se concentrant principalement sur le personnel de santé, les soins dentaires, les soins de longue durée, le mélange de compétences et les soins intégrés. Juliane est auteur et rédactrice des revues des systèmes de santé (HiTs) et auteur d'études de l'Observatoire. 

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Atlantico : Selon le ministre de la Santé Karl Lauterbach, les personnes qui souffrent des conséquences d'une infection corona ou d'une vaccination devraient être mieux soignées. Est-ce le signe d’une évolution du débat public sur la question des effets secondaires en Allemagne ? Comment les discours ont-ils évolué ?

Antoine Flahault : Dans son entretien accordé à ZDF heute journal, le ministre de la santé allemand évoque en effet deux questions qu’il estime insuffisamment prises en charge dans son pays. La première traite du Covid long qui est un problème qui continue de miner une partie de la population qui a fait un Covid ces dernières années, parfois même une forme très modérée de Covid, et qui plusieurs mois ou années plus tard souffrent encore aujourd’hui de symptômes variés et parfois invalidants. Ces malades ne sont souvent pas reconnus, voire même pas identifiés comme ayant un Covid long par leurs proches et par leur médecin. Il faut donc renforcer les efforts, comme le souhaite le ministre allemand, tant en termes de recherche que de prise en charge des malades, et viser à améliorer la qualité de vie de ces patients. Quant aux effets indésirables des vaccins, les accords passés durant la période d’urgence de la pandémie entre les gouvernements et les fabricants prévoyaient qu’ils soient entièrement pris en charge par les pouvoirs publics. Le ministre ne remet pas en question le rôle de l’Etat allemand qui assumera ses responsabilités et prendra en charge tout ce qui peut aujourd’hui relever de ces questions, mais il sollicite un effort particulier des fabricants, au regard des bénéfices considérables qu’ils ont engrangés avec les vaccins du Covid.

Juliane Winkelmann : Avant d’être ministre, Karl Lauterbach était épidémiologiste. Je pense qu’il subit une très forte pression de la part des citoyens, de la communauté scientifique, des experts… Il est généralement très à l’écoute et ne rentre pas dans une logique manipulatrice comme bon nombre d’hommes politiques. De toute évidence, de nombreuses personnes ont eu des problèmes après le vaccin et je pense que Lauterbach essaye simplement de les écouter. Notons également qu’auparavant, il faisait partie de la commission visant à réformer les hôpitaux.

Ces annonces font donc écho à l’opinion publique allemande quant aux vaccins et à la Covid en général ? 

Juliane Winkelmann : Il y a eu un grand mouvement anti-vaccin en Allemagne. Une partie importante de la population est critique et ne veut pas se faire vacciner davantage. Ainsi, l’obligation vaccinale, pour les enfants notamment, fait beaucoup parler. C’est un sujet très délicat. Je pense que Karl Lauterbach souhaite montrer qu’il a compris la souffrance de toute cette partie de la population.

Que dit plus exactement le ministre de la Santé allemand sur le Covid long et les effets secondaires du vaccin à long terme ?

Antoine Flahault : Le ministre de la santé allemand, qui est par ailleurs médecin épidémiologiste de formation, ne révèle pas de nouveaux effets indésirables des vaccins que le public ne connaîtrait pas. Il ne fait que rappeler ce que l’on sait à leur sujet. Il rappelle les estimations faites par les services publics de vaccinovigilance, en Allemagne, c’est le Paul Ehrlich Institüte, à savoir la fréquence d’une réaction indésirable grave imputée au vaccin pour 10 000 injections. 

Les annonces du ministre allemand sont-elles raccord avec les observations scientifiques sur les effets secondaires des vaccins jusqu’à présent ?

Antoine Flahault : En effet, le ministre n’évoque pas de nouvelles réactions ni d’augmentation de leur fréquence. Tous les produits de santé efficaces ont malheureusement leur contrepartie en termes d’effets indésirables. Pour ces vaccins du Covid que l’on considère d’ailleurs comme particulièrement bien tolérés, on savait dès les essais cliniques qu’ils entraînaient assez fréquemment des réactions dites d’hyper-réactogénicité, survenant dans les heures suivant l’injection et disparaissant totalement sans laisser de séquelles après un à deux jours. On a aussi observé quelques rares effets indésirables graves, des réactions allergiques notamment, des thromboses veineuses, des péricardites et des myocardites selon le type de vaccins, notamment chez des hommes jeunes, guérissant sans séquelles et de survenue moins fréquentes que les myocardites dues au Covid lui-même. Des règles menstruelles allongées et plus irrégulières s’observent chez certaines femmes et sont rapportées sans conséquences sur la fertilité. Enfin, il y a quelques mois les autorités nord-américaines ont lancé une alerte sur une suspicion d’augmentation du risque d’accidents vasculaires cérébraux chez les personnes âgées, sans avoir confirmé à ma connaissance la relation causale avec le vaccin. Mais les connaissances sont toujours susceptibles d’évoluer sur ces sujets.

Y-a-t-il une discussion que l’on devrait ouvrir en France, sereinement et rationnellement, sur les effets secondaires du vaccin à long terme, comme cela a été le cas en Allemagne ?

Antoine Flahault : Les vaccins du Covid font l’objet d’une très grande attention, comme tous les produits de santé, mais encore plus ici tant les yeux de la planète sont tournés vers eux. Les discussions sur le rapport bénéfices/risques des vaccins n’ont jamais cessé dans les agences de sécurité sanitaire nationales et internationales. Ces débats scientifiques sont sereins et rationnels. Votre question est intéressante car elle appelle peut-être à ce que ces débats entre experts descendent davantage dans l’arène publique. Mais c’est en réalité déjà le cas, les agences tiennent des auditions publiques sur ces questions, accessibles aux journalistes. Les experts s’expriment aussi beaucoup, sur les réseaux sociaux, dans la presse écrite et audiovisuelle, donc je ne suis pas sûr qu’il y ait un grand déficit de communication dans ce domaine.

Le ministre allemand de la santé a demandé aux entreprises pharmaceutiques qui ont fait des « profits financiers considérables » de prendre part au programme de soutien aux personnes vaccinées souffrant d’effets indésirables. Cela impute-t-il une responsabilité ?

Antoine Flahault : La responsabilité des risques des vaccins Covid est clairement du côté des gouvernements selon les contrats passés avec les fabricants en Europe. C’était très clair dès le départ. Maintenant, les fabricants sont des entreprises multinationales responsables et elles suivent ces questions évidemment de très près. Le ministre allemand faisait donc appel, dans l’entretien que vous évoquez, à leur responsabilité civique et morale, mais pas à leur responsabilité juridique. Les énormes profits qu’ils ont réalisé grâce à des vaccins dont on estime qu’ils ont sauvé plus de vingt millions de vies ne sont pas contestés en tant que tels par le ministre de la santé allemand. Il suggère cependant que ces laboratoires pharmaceutiques contribuent spontanément davantage à l’effort collectif visant une meilleure prise en charge de ces contreparties liés à ces mêmes vaccins.

Comment mieux prendre en charge les Covids longs et les conséquences à long terme d'une vaccination corona ?

Antoine Flahault : Les industriels du médicament sont des entreprises privées libres des programmes de recherche et développement qu’ils conduisent. On apprécierait que certains des fabricants bénéficiaires des dividendes du Covid s’impliquent dans la recherche et le développement des traitements du Covid long, mais on n’a aucun moyen pour les y contraindre. Ce n’est d’ailleurs pas une avenue toute tracée. Le chemin est semé d’embûches et comme dans toutes recherches les risques industriels à prendre en se lançant sur ce terrain peuvent être très importants. On peut comprendre qu’ils les mesurent avant de s’y engager. Mais ce serait un juste retour des choses que de les voir conduire davantage d’essais cliniques dans ce domaine.

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