Éducation nationale : Pap Ndiaye, l'homme de la situation ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Passation de pouvoir entre Jean-Michel Blanquer et Pap Ndiaye, le 20 mai 2022
Passation de pouvoir entre Jean-Michel Blanquer et Pap Ndiaye, le 20 mai 2022
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Nouveau gouvernement

Les épreuves de spécialités du baccalauréat 2022 qui se sont tenues il y a une dizaine de jours ont ramené la question de l’enseignement des mathématiques et des sciences sur le devant de la scène éducative

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Les épreuves de spécialités du baccalauréat 2022 qui se sont tenues il y a une dizaine de jours ont ramené la question de l’enseignement des mathématiques et des sciences sur le devant de la scène éducative.

Si vous vous souvenez, au début de l’année, les sociétés savantes de mathématiques s’étaient alarmées du fait qu’au nouveau lycée, seuls 59 % des élèves de terminale générale suivaient un enseignement de maths contre 90 % avant la réforme du lycée de 2019. À peu près au même moment, le Medef réclamait d’urgence une réintroduction massive des enseignements mathématique, scientifique et technologique à l’école afin de former ensuite beaucoup plus d’ingénieurs diplômés.

Ne mélangeons pas tout, avait alors rétorqué Jean-Michel Blanquer, le ministre en poste à l’époque. Avec ma réforme du lycée, il ne s’agit plus d’enseigner les maths au plus grand nombre d’élèves possible, mais de renforcer le niveau des élèves qui choisissent la spécialité maths après la seconde afin de les voir s’orienter ensuite plus massivement vers des études scientifiques.

Il avait cependant admis qu’un accroissement des heures de maths dans le tronc commun du lycée était envisageable afin de fortifier « la culture mathématique de l’ensemble des élèves ». Et de confier illico l’examen de cette question à un comité créé pour l’occasion. Suite à quoi, le ministre a confirmé récemment que « l’enseignement scientifique » du tronc commun serait renommé « enseignement scientifique et mathématique » dès la rentrée 2022 (très original) et que le volume horaire dispensé en classe de première passerait (surprise, surprise) de 2 h à 3 h 30 hebdomadaires.

Le rapport du comité n’aura toutefois pas été complètement inutile, car dans le fil de ses analyses et constats, il met en évidence plusieurs éléments essentiels qui ne manqueront pas d’intéresser prodigieusement le nouveau ministre de l’Éducation nationale. J’en retiens trois :

Le premier est archi connu, archi préoccupant et archi ressassé depuis des années :

« Le niveau moyen de compétences en mathématiques en France est en baisse depuis près de 40 ans. »

De façon beaucoup plus inquiétante, c’est le niveau moyen en tout qui est en baisse perpétuelle depuis des années, le classement international TIMSS en mathématiques de 2019 n’étant que le dernier d’une longue liste de PISA et autres PIRLS qui tous sans exception, en sciences comme dans les matières littéraires, placent la France dans les derniers rangs des pays comparables.

Le second point, portant sur le renforcement du niveau scientifique des élèves ayant choisi des spécialités et des options scientifiques, est plus réjouissant :

« La réforme améliore sensiblement la formation des futurs scientifiques et dégage une élite mathématique. »

De plus, par rapport à l’ancienne série S (avant la réforme de 2019), les élèves sont proportionnellement plus nombreux à s’orienter vers des prépas et des études scientifiques après le bac. Un bon résultat que le comité comme le ministre attribuent au caractère « à la carte » du nouveau lycée : ayant le choix de composer leur cursus, les élèves font jouer leur goût pour les sciences plutôt que la réputation de l’ex-filière S qui était censée « mener à tout ».

Le comité souligne néanmoins – troisième élément, et le plus important selon moi – que si l’on juge trop faible le niveau scientifique et mathématique des lycéens qui ne se spécialisent pas dans ces matières, la faute en revient à l’ensemble du parcours scolaire depuis les premiers niveaux de l’école et du collège :

« Le lycée est le dernier maillon de la formation scolaire. Il ne peut résoudre à lui seul le problème d’ampleur lié à la baisse du niveau moyen de compétences en mathématiques des élèves français depuis près de 40 ans. »

Une remarque de bon sens que l’on peut élargir sans problème à l’ensemble des matières.

Dans ce contexte extrêmement critique et hautement stratégique pour l’avenir du pays à un moment de l’histoire où beaucoup se joue sur les savoirs et les techniques, le nouveau ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye peut-il être l’homme de la situation ?

Pour commencer, il y a dans sa nomination (au sein d’un gouvernement par ailleurs assez terne et fort peu marqué au sceau du renouveau) une dimension politicienne tellement voyante, un appel du pied si peu discret en direction des électeurs férus de diversité et d’intersectionnalité de Jean-Luc Mélenchon, qu’il est particulièrement difficile d’y voir une prise en compte sérieuse des cruciaux enjeux inhérents à l’Éducation nationale.

Pap Ndiaye est certes agrégé d’histoire et il fut professeur dans l’enseignement supérieur, mais il ne fait de doute pour personne que ce sont ses engagements à gauche, ses travaux sur la condition noire, ses liens passés avec le Conseil représentatif des associations noires (CRAN), ses appels à la discrimination positive (rebaptisée égalité des chances dans le langage du pédagogisme) et son expérience de directeur du musée de l’Histoire de l’immigration qui ont été jetés dans les pattes de la gauche à trois semaines des élections législatives.

Dans les pattes de la gauche ou dans les pattes de l’universalisme à la française ? Toute la question est là.

Autant Jean-Michel Blanquer, grand pourfendeur de la « cancel culture », du « wokisme » et de l’islamogauchisme rampant de l’université (comme on l’a vu à l’œuvre à Sciences Po Grenoble) était devenu l’homme à abattre dans les rangs insoumis, autant il sera difficile à l’extrême-gauche d’adresser les mêmes reproches à son successeur. Au-delà de la manœuvre électorale de court terme, peut-être est-ce précisément ce qu’Emmanuel Macron a souhaité : avoir un ministre de l’Éducation que les syndicats d’enseignants, très marqués à gauche, vont avoir du mal à critiquer sans se renier eux-mêmes sur bien des points. 

À noter que dans son discours de passation de pouvoir, Pap Ndiaye s’est immédiatement placé sous le signe de la tradition universaliste de la République française, rendant hommage à Samuel Paty, professeur d’histoire comme lui et victime du communautarisme islamiste, et se décrivant lui-même comme étant peut-être le double symbole de la méritocratie et de la diversité, ajoutant (vidéo, 05′ 38″) :

« Je n’en tire nulle fierté, mais plutôt le sens du devoir et des responsabilités qui sont désormais les miennes. » 

On aimerait beaucoup savoir comment le Président a réussi à le convaincre d’accepter ce portefeuille particulièrement difficile et exposé. Après tout, à la tête du musée de l’Immigration, l’historien disposait d’un poste idéal, en alignement parfait avec ses travaux universitaires, sans les désagréments d’une visibilité quotidienne auprès de millions de Français parents, élèves ou enseignants.

D’autre part, et ceci n’est pas limité à la question de l’Éducation, où finit la feuille de route déterminée par le Président de la République et où commence l’autonomie des ministres, Première ministre comprise ?

Sur le plan éducatif, on avait cru comprendre qu’Emmanuel Macron souhaitait poursuivre à l’échelon national ce qu’il avait annoncé en septembre dernier pour les écoles de Marseille. 

Il se proposait alors de transformer cinquante écoles marseillaises en laboratoires de « l’école du futur » dès la rentrée 2022. Première étape : donner aux directeurs d’école la liberté de composer eux-mêmes leur équipe éducative plutôt que d’être tributaires des allocations administratives de postes venues du ministère.

Seconde étape : 

Dans ces écoles, « on pourra donc adapter, repenser les projets d’apprentissage, les rythmes scolaires, les récréations, la durée des cours, les façons d’enseigner, et (je veux) qu’on puisse commencer dès la rentrée 2022-2023. Et évaluer ensuite ces résultats et, s’ils sont concluants, les généraliser (…) Au fond, l’idée est simple : donner plus de liberté pour obtenir plus de résultats. » (Macron, Marseille, 02/09/21)

Ne nous emballons pas. Il est clair que la « liberté » qu’Emmanuel Macron est disposé à accorder à l’enseignement scolaire doit impérativement rester dans le giron étroit du monopole pachydermique de l’Éducation nationale, vouant de fait ce projet à être perpétuellement encadré par une administration plus que récalcitrante sur le plan idéologique comme sur le plan opérationnel. 

Mais évidemment, pour les syndicats d’enseignants, c’est déjà trop, beaucoup trop. Autrement dit, odieusement ultra-libéral, comme nous l’a rapidement confirmé Jean-Luc Mélenchon, déjà moins élogieux sur le nouveau ministre à peine deux jours après la surprise de sa nomination :

Serait-ce là, finalement, le rôle dévolu à Pap Ndiaye ? Amadouer l’administration, amadouer les syndicats, les rassurer sur les ancrages à gauche et sur la défense du service public de l’Éducation, flatter un certain nombre de totems éducatifs égalitaristes, afin de parvenir in fine, et de façon presque subreptice, à introduire une mini-dose de liberté dans les rouages de l’école ?

Quoi qu’il en soit, Pap Ndiaye doit absolument savoir une chose : diversité ou pas, black studies ou pas, même dans les cités, les familles soucieuses de l’éducation et de l’intégration de leurs enfants se mettent à fuir l’école publique. De nombreux parents des quartiers défavorisés font de plus en plus souvent le choix de l’école privée catholique située à proximité de chez eux pour éviter à leurs enfants l’enfermement communautaire et la violence quotidienne de certaines cours de récréation.

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