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Education : les propositions du nouveau think-tank de gauche "Cartes sur tables" passées au crible
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Le nouveau think-tank proche du Parti socialiste, « Cartes sur tables », vient de publier cent propositions de politique publique, dont un certain nombre se concentre sur l’éducation. Sont-elles souhaitables ? Réalisables en pratique ? Retour sur ces 11 propositions.

Roger Célestin

Roger Célestin

Roger Célestin est journaliste.

Il écrit pour Atlantico sous pseudonyme.

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1) Une formation continue obligatoire des enseignants, 5 jours par an, prises sur le temps de vacances.

C'est une excellente idée et qui est tout à fait réalisable si les syndicats l’acceptent. La mesure avait d’ailleurs déjà été proposée par Claude Allègre en son temps – sans succès, du fait du refus des syndicats, justement. Il faudrait même aller au-delà, et considérer que toute la formation continue des enseignants, ainsi que leurs réunions, se font sur du temps de congé. Car les professeurs sont rarement remplacés durant les jours de réunion, et ce sont les élèves qui en pâtissent. Aussi, les enseignants devraient, par sens de déontologie, se réunir soit après les cours, soit pendant leurs congés.

Dans cette optique, la réunion de pré-rentrée pourrait être étendue à une semaine, et ce sur le temps libre des professeurs. Préparer sérieusement toute une année scolaire, faciliter l'intégration des jeunes enseignants et des nouveaux profs, favoriser avec le travail d'équipe, transmettre et bien comprendre les caractéristiques de l'établissement, s'approprier son projet : tout cela est indispensable et ne peut décemment pas être fait en seulement deux jours. C’est une question de management basique et même de bon sens : plusieurs dizaines de profs qui vont travailler ensemble ont besoin de se connaître, d'échanger, de partager. S'ils prennent le temps de le faire, des solidarités se créeront, des expériences se partageront, des idées se développeront. Les profs seront plus à l'aise dans leur métier et chacun s'en portera mieux : eux-mêmes, l'équipe de direction, les élèves et les parents.

2) Des ordinateurs portables  pour les élèves les plus défavorisés et des espaces WiFi publics, indépendants des établissements scolaires et proches des lieux d'habitation.

Cette mesure ne servirait à rien si les ordinateurs n'étaient pas intégrés dans le projet pédagogique de l’établissement. Or la majorité des enseignants ne souhaite pas travailler vraiment avec les outils numériques. C'est compréhensible car cela bouleverserait radicalement la manière d’enseigner. Mais c'est dommage : le fossé entre profs campant sur les anciennes modalités de transmission et d'un côté des élèves défavorisés ne comprenant pas ces modalités, et de l'autres des élèves ultra connectés ne les acceptant pas non plus, va continuer à se creuser, au détriment des élèves, et des enseignants.

Qui plus est, il est peu évident de déterminer des critères pour identifier les élèves qui pourraient bénéficier de cette mesure. Cela amènerait à désigner dans une classe qui est pauvre et qui est riche… On voit bien l'effet désastreux d'une telle mesure. Sans oublier la question du financement : qui va payer des ordinateurs portables à des élèves défavorisés, qui vont servir à tout sauf à étudier ?

Quant au Wifi public, très bien, mais qui va payer ? Cette mesure telle qu'elle est ici exprimée mériterait d’être précisée.

3) Le droit et la psychologie obligatoires en section L, les sciences économiques renforcées en section ES.

Les deux idées sont bonnes. La section ES gagnerait à se renforcer l’économie qui doit être au cœur des enseignements. Le droit et la psycho sont des débouchés courants après un bac L, autant y initier les élèves dès que possible.

4) Généralisation des « écoles ouvertes », soit les collèges et lycées ouverts pendant l’été pour organiser des pratiques culturelles et sportives.

C’est une excellente idée sous réserve que le financement soit assuré. Sont-ce les collectivités territoriales ou l’Education nationale qui vont payer ? Doit-on payer davantage les profs, en leur octroyant des primes pour leur présence pendant les vacances ? Ou bien les collectivités embaucheront-elles des animateurs ?

Une mesure très courageuse consisterait en un allongement du temps d’école et donc en une réduction des vacances des professeurs. Le temps dégagé permettrait à la fois de développer le soutien et l'enseignement en petits groupes, de former les profs et d’ouvrir les établissements pendant les vacances.

5) Stages en entreprise obligatoires pour les étudiants en faculté, rendus plus accessibles grâce à une bourse.

Les stages en entreprises sont toujours bénéfiques. Ils sont maintenant rémunérés dans la plupart des cas. S'ils deviennent obligatoires et qu'une bourse est accordée, c’est l’Etat qui les financera. Or il n'en a plus les moyens. Si ce sont les entreprises qui paient, on ne peut pas les obliger à prendre des stagiaires.

Mais si le stage est obligatoire pour les étudiants, l’entreprise pourra craindre d’embaucher un stagiaire peu motivé, qui aura été forcé par son cursus de faire ce stage. Le caractère obligatoire d'un tel stage paraît donc difficile. Il serait mieux d’inciter l’étudiant à faire un stage, par exemple en le valorisant dans une UV.

D'une manière générale, notre pays croule déjà sous trop d'obligations diverses et totalement contre productives.

6) Une allocation culture annuelle

En soi, ce serait très bien. Mais l’Etat n’a plus les moyens. L'accès à la culture est déjà facilité par la carte étudiant, divers pass culture créés par les collectivités, l'accès gratuit aux musées, sans parler de festivals gratuits ou très peu chers. Un étudiant qui veut consommer de la culture peut aussi arrêter de fumer pour aller plus souvent au cinéma !

7) Renforcement de l’enseignement de la langue française, y compris dans les lycées, par du tutorat ou des projets comme la mise en scène de pièces de théâtre.

Oui ! Toutes les méthodes et tous les supports, sont bons pour travailler la langue, intéresser les élèves, ne pas en faire une punition : du théâtre à la bande dessinée en passant la dictée, peu importe le flacon pourvu que les élèves découvrent l'ivresse de la langue !

8) Améliorer la qualité des enseignements de langue en faisant des cours en demi-groupes.

Il faudrait même aller plus loin et dispenser certaines matières totalement en langue étrangère. L’enseignement actuel est insuffisant. Mais cela devrait être fait à moyens constants, donc en augmentant le temps d'enseignement des professeurs.

9) Rendre toutes les licences bi-disciplinaires, avec deux disciplines enseignées à part égale, issues de domaines très différents (par exemple lettres et économie, biologie et finance) 

Cela rappelle ce qui se fait aux Etats-Unis. En France, on souffre de la spécialisation précoce. Avec des diplômes bi-spécialisés, le culte français du diplôme pourrait peut-être diminuer. Et tout cela est bénéfique pour l’ouverture d’esprit de l’étudiant.

Une des erreurs de Nicolas Sarkozy a été de supprimer la bivalence créée par Gilles de Robien, qui permettait aux professeurs d’enseigner deux matières. C'était une excellente initiative de Gilles de Robien, qui décloisonnait et donnait de la souplesse de fonctionnement aux établissements.

10) Promotion des diplômes français auprès des employeurs européens.

Bien sûr. Et justement, des diplômés français en bi-licence intéresseraient encore plus les employeurs européens, prouvant leur esprit d’adaptation.

11) Favoriser la recherche fondamentale en allongeant la durée des contrats des jeunes chercheurs, créant des postes d’enseignant-chercheurs sans profil imposé par les « priorités nationales et européennes », et obligeant les fondations privées finançant la recherche à consacrer une partie de leurs activités à la recherche fondamentale.

Je suis, encore une fois, sceptique dès lors qu’on parle d’obligation à imposer à des organisations privées. C'est un réflexe du passé, de la part de personnes évoluant dans la sphère publique et méconnaissant totalement l'état d'esprit du secteur privé, qui déteste la contrainte. Nous avons besoin d’incitations. Si les fondations privées ne veulent pas financer la recherche fondamentale, elles ne le feront pas. Vraiment, il faut arrêter de penser que créer une obligation, et souvent l'impôt qui va avec, est une manière efficace de résoudre les problèmes. Cela ne sert à rien, si ce n'est à justifier l'existence des administrations chargées de vérifier le respect de l'obligation, et de collecter les sous. C'est une logique obsolète et asphixiante qu'il est regrettable de voir brandie par de jeunes esprits !

En revanche, il est très souhaitable que la politique publique permette d’allonger les contrats des jeunes chercheurs. En période de crise, le risque est grand de voir la recherche fondamentale délaissée. Or la distinction entre recherches fondamentale et appliquée est parfois floue. De plus, les grandes ruptures technologiques ont procédé de la recherche fondamentale. Sécuriser les jeunes chercheurs, développer les investissements publics dans la recherche, est évidemment un investissement pour le pays. Il existe des tas de secteurs et de sujets dans lesquels l'Etat n'a rien à faire, n'apporte aucune plus-value, voire détruit de la valeur par son incompétence ou son inadaptation aux structures concernées. L'Etat doit concentrer son action et ses moyens sur des sujets clefs, dont la recherche.

Vous trouverez l’intégralité des propositions de Cartes sur tables sur http://cst2012.free.fr/

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