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EDF : le combat de l’honneur contre l’étatisme
©REUTERS/Benoit Tessier

Scandale

Thomas Piquemal, ex-directeur financier d’EDF, le prouve : il reste des hommes d’honneur en France ! Des grandes figures capables de quitter leurs fonctions, même prestigieuses, lorsque la stratégie de leur président ne leur convient plus. Les bonnes nouvelles sont suffisamment rares en France pour ne pas être soulignées.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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EDF perd son directeur financier et sa valeur

Dans la série de calamités qui s’abat quotidiennement sur la France depuis de nombreux mois, la démission du directeur financier d’EDF est une sorte d’incident qui s’ajoute à une longue liste d’autres incidents. Sur le fond, tout le monde en connaît la cascade de raisons : EDF ne dispose pas de marges suffisantes pour financer les investissements indispensables à la filière énergétique. L’entreprise doit donc arbitrer entre différents scénarios qui sont tous imparfaits pour assurer son avenir. L’Etat veut imposer le sien, et le directeur financier a considéré qu’il ne pouvait le valider. Bel esprit ! Il est parti.

Ce faisant, l’Etat a laissé un mauvais signal partir dans la nature hostile du monde financier. Tous les observateurs supputent des difficultés financières à venir pour EDF. La démission de Piquemal confirme leurs craintes : il n’en fallait pas plus pour faire plonger le titre.

EDF et l’affaire Hinkley Point

L’un des points d’exaspération de Piquemal semble avoir porté sur l’étrange soumission du président du groupe, l’ancien patron de Renault, Jean-Bernard Lévy, aux volontés du Gouvernement dans le dossier Hinkley Point. Il s’agit de construire deux réacteurs EPR en Grande-Bretagne en laissant l’entreprise prendre le maximum de risques financiers.

Initialement, en effet, EDF ne devait pas assumer plus du tiers du projet. Mais le désintérêt des investisseurs pour cette opération risquée, qui pourrait se faire sans la garantie du Trésor britannique, a montré toutes les limites de l’exercice et laissé entrevoir un désastre aussi grand que celui connu par Areva.

Dans ce contexte tendu, l’insistance du Gouvernement à voir l’opération se réaliser laisse craindre le pire.

EDF et l’injonction paradoxale de l’Etat

La démission de Piquemal a un autre mérite : elle montre l’incohérence des positions de l’Etat face à cette entreprise publique qu’elle plume et déplume allègrement année après année.

D’un côté, l’Etat perçoit des dividendes colossaux de la part d’EDF : plus de 4 milliards d’euros en 2014, ce qui est une belle performance, tout de même. EDF assure aujourd’hui à elle seule plus de 1% des dépenses de l’Etat. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

D’un autre côté, l’Etat intervient régulièrement dans la vie de l’entreprise, notamment en imposant des dirigeants et… des tarifs. Il y a encore deux semaines, Ségolène Royal s’opposait à une hausse du prix de l’électricité demandée par EDF, en proposant plutôt de faire des gains de productivité par des investissements massifs dans les énergies renouvelables. Voilà une belle compréhension de la vie des entreprises de la part de la ministre de tutelle.

D’un troisième côté, l’Etat souhaite fixer lui-même, pour des motifs politiques, la stratégie de développement et d’investissement de l’entreprise. C’est le cas sur Hinkley Point : manifestement, le comité de direction de l’entreprise est dépouillé de sa fonction par des interventions gouvernementales qui poussent à des choix dangereux pour la pérennité de l’entreprise elle-même.

EDF en danger ?

Résultat de ces incohérences ? L’entreprise est désormais mise sous surveillance par les marchés, et plus personne ne parie un kopek sur sa capacité à financer les investissements nécessaires à la fermeture ou à la rénovation des centrales nucléaires. Cette brillante gestion du dossier par les apprentis sorciers gouvernementaux devrait tôt ou tard, après l’extraordinaire destin d’Areva conduit par "Atomic Anne" Lauvergeon, subir le sort peu enviable des canards boîteux.

Bravo l’Etat actionnaire, dont l’opacité des processus de décision et la connivence des dirigeants brise la rationalité économique.

Cet article a également été publié sur le site d'Eric Verhaeghe, à lire ici

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