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Ecologisme et vaccins : une méfiance persistante
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Bonnes Feuilles

Dans "Antivax", publié aux éditions Vendémiaire, Françoise Salvadori et Laurent Henri Vignaud sur trois siècles d'oppositions à une révolution médicale et font le point sur toutes les polémiques actuelles. Extrait 2/2.

Françoise Salvadori

Françoise Salvadori

Françoise Salvadiri est docteur en virologie/immunologie est maître de conférences à l'Université de Bourgogne. Ses travaux s'orientent vers les sciences humauines, en particulier les controverses sur la vaccination.

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Nous avons laissé l’histoire des mouvements écologistes français avec celui qui fit véritablement entrer l’écologie dans le jeu politique, René Dumont, qui se méfiait alors beaucoup, au début des années 1970, des dogmatiques et de leurs affirmations hâtives contre les vaccins. L’écologie politique reste une nébuleuse, et préciser un positionnement univoque de ses tenants sur la médecine et la vaccination est une tâche impossible. Antoine Waechter (Mouvement Écologiste indépendant), Brice Lalonde (Génération Écologie) et Corinne Lepage (Le Rassemblement citoyen-Cap21) partagent sur l’environnement l’opinion qu’il n’est ni de droite ni de gauche, ou de droite et de gauche, voire «au-delà de la gauche et la droite » ; ils s’expriment d’une seule voix contre les OGM et affichent des préoccupations environnementales diverses, mais le thème de la vaccination n’est pas obsessionnel chez eux, semble-t-il. Mme Lepage revendique une information transparente et éthique sur les effets secondaires, et souhaite de nouvelles recherches pour de meilleurs adjuvants. M. Waechter va plus loin, et peut paraître équivoque: il souhaite la liberté vaccinale, mais sa profession de foi en matière de santé en date de 2012 commence en rappelant que l’homme est le résultat d’une rude sélection naturelle, en résonance avec ses positions « malthusiennes réalistes » face à la «bombe démographique » rappelées à l’occasion de la présidentielle 2017160. Il vante par ailleurs une médecine globale, naturelle et alternative. Brice Lalonde, pour sa part, met plutôt en avant la responsabilité individuelle en matière de santé, en proposant l’abrogation de l’obligation vaccinale.

Les représentants des Verts, plus marqués à gauche, ont-ils des discours différents sur la santé et la vaccination? Le mouvement Europe Écologie-les Verts a diffusé sa position détaillée début 2016 sur internet: après rappel de l’utilité individuelle et collective des vaccins, la motion reprend la plupart des éléments des débats actuels sur le rapport bénéfices/risques, et souligne l’émergence des mouvements anti-vaccinaux contemporains. EELV précise en conclusion ses propositions, exigeant davantage d’individualisation des réflexions sur les différents vaccins, l’indépendance des comités de suivi, la mise à disposition de vaccins réduits aux seules obligations légales (les trois en vigueur alors) et sans adjuvant aluminique, ainsi qu’une véritable évaluation de la nécessité de l’obligation vaccinale. Un programme un peu plus mesuré que celui que Dominique Voynet, candidate à la présidentielle en 2007, avait adressé à la LNPLV: déjà favorables au débat sur l’obligation, luttant au Sénat contre le durcissement des peines à l’encontre des parents refusant la vaccination, les Verts défendaient alors clairement un «pluralisme thérapeutique» permettant le choix de «médecines non conventionnelles » (non précisées) et la « liberté vaccinale».

Michèle Rivasi était finaliste à la primaire des Verts pour la présidentielle de 2017, perdante face à Yannick Jadot. Son programme personnel sur la santé et la vaccination, ainsi que ses modes d’action beaucoup plus radicaux que ceux que le mouvement diffuse officiellement, lui ont valu des critiques virulentes venues de toutes parts. Agrégée de biologie, la combattante des Verts sur le nucléaire depuis 1986 – elle avait créé la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) suite à la catastrophe de Tchernobyl – se présente en spécialiste des problèmes de santé. Elle a pourfendu les ondes électromagnétiques – en fondant la CRIIREM (Commission de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques) sur le modèle de la CRIIRAD – mais ses plus grands ennemis semblent être l’industrie pharmaceutique et les conflits d’intérêts qu’elle dénonce régulièrement au Parlement européen depuis 2009 avec un ton et des méthodes qui frisent parfois au conspirationnisme. Elle s’est exprimée régulièrement contre la vaccination, en s’en défendant tout aussi régulièrement; bien qu’elle affirme sur son blog d’eurodéputée ne pas être antivaccin, mais plutôt « vaccin-critique », on peut lire par exemple sur une autre page : «Aujourd’hui, les vaccins créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent, il est temps de changer de paradigme sur la prévention161. » Mais c’est une véritable bavure qui a semé le trouble très récemment jusque chez les Verts et d’autres associations militantes telles que E3M quand elle a invité au Parlement de Bruxelles en février 2017 l’Anglais Andrew Wakefield pour la présentation de son film Vaxxed: from Cover-Up to Catastrophe162. Annoncé comme un débat sur la sûreté des vaccins et assorti du logo des Verts (rapidement retiré), l’événement qui a finalement été annulé ne brillait guère par sa scientificité et son impartialité : outre que la députée spécialisée dans les affaires de santé ne pouvait pas ignorer l’affaire Wakefield, dont il sera question plus loin, la militante «en lutte» contre les conflits d’intérêt s’apprêtait à débattre avec Augustin de Livois, lequel dirige l’Institut pour la protection de la santé naturelle (IPSN), organisme privé qui a contribué à diffuser la pétition antivax du Professeur Joyeux et qui sert de vitrine à des officines de promotion et commercialisation de médecines alternatives. Le film objet du scandale soutient la thèse controversée d’un lien entre autisme et vaccination, lien que Wakefield prétend avoir établi… par des expériences manipulées et dans le cadre d’un conflit d’intérêt largement démontré, dont nous reparlerons dans le chapitre suivant.

On voit ici que le discours sur la nature est assez loin, et que les arguments dépassent parfois la simple interrogation ou le désir d’information bien légitimes ; les cibles sont aussi voire surtout Big Pharma, ou un complot d’une alliance médico-scientificoétatique, et les conceptions éventuellement contre-nature de la vaccination sont reléguées en un arrière-plan très peu visible, sauf peut-être dans les liens avec les médecines alternatives, les OGM et les pesticides. Les écologistes « officiels » s’en tiennent toutefois à une exigence de précaution et de transparence, fondée sur une recherche indépendante, et mettent en avant la responsabilité de chacun (« le citoyen bien informé») dans la définition de ses besoins vitaux.

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