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Du "Yes we can" d'Obama au "Make America Great Again" de Trump : comment le milliardaire a conquis l'Amérique avec le slogan recyclé de Reagan
©Reuters

Bonnes feuilles

Les auteurs ont travaillé ensemble à partir de sources premières, exclusivement américaines, et les ont confrontées à leurs regards d’Européens. Selon eux, Donald Trump a puisé son pouvoir dévastateur dans les nouvelles technologies dont l’impact sur les démocraties marque la mutation du populisme classique vers son incontrôlable avatar numérique. Extrait de "#Trump, de la démagogie en Amérique", de Stéphane Bussard et Philippe Mottaz, aux éditions Slatkine & cie 1/2

Stéphane Bussard

Stéphane Bussard

Correspondant du quotidien suisse Le Temps à New York depuis 2011 et du quotidien belge Le Soir de 2011 à 2013, Stéphane Bussard est un spécialiste des Etats-Unis et a vécu en direct la fabrication du trumpisme.

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Philippe Mottaz

Philippe Mottaz

Accrédité dix ans à la Maison-Blanche, ancien Directeur de l'information de la Télévision Suisse Romande, Philippe Mottaz a couvert toutes les élections présidentielles américaines, de Jimmy Carter à Barack Obama ; il est spécialiste des nouvelles technologies. 

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Ce n’est pas par manque d’imagination mais par flair que Donald Trump a choisi de recycler le "Make America Great Again" de Ronald Reagan. Alors même qu’il fait exploser le Parti républicain en mettant à vif ses divisions, il n’hésite pas à se poser en héritier de celui qui reste le héros incontesté des conservateurs américains. "It’s the economy, stupid". Affichée sur les murs de la "War Room", le QG de campagne de Bill Clinton en 1992, immortalisée dans un documentaire du même nom, cette petite phrase est devenue célèbre dans le monde entier. Elle est aujourd’hui encore recyclée par les communicants de toutes les campagnes et par les médias quand, sur fond de croissance anémique, un candidat décide d’entrer dans l’arène. En lançant sa campagne électorale en juin 2015, Donald Trump n’a pas fait autre chose : "Je serai le plus grand président de l’emploi que Dieu ait jamais créé", a-t-il déclaré avec la modestie qui le caractérise. Aujourd’hui, le slogan "Je serai le président de l’emploi" se décline dans toutes les langues. Aujourd’hui, s’y ajoute malheureusement "Je serai le président de la sécurité". Or, on ne crée pas l’emploi par décret ni la sécurité par des états d’urgence. Du coup, la désillusion de l’électeur face à la vacuité des promesses alimente le désenchantement général, créant un cercle vicieux dont on ne sait pas comment sortir. Dans une critique extrêmement sévère de Barack Obama qu’il accuse de s’être systématiquement commis avec Wall Street et d’avoir ainsi profondément renié les valeurs démocrates, le journaliste américain progressiste Thomas Franck analyse : "Il y a des conséquences à prêcher l’espoir de manière excessive, de la même manière qu’il y en a l’ivrognerie. La première est la désillusion, la seconde est la colère".

Pour en revenir à Bill Clinton, l’équipe du jeune gouverneur de l’Arkansas était par ces quelques mots parvenue à définir les enjeux de sa bataille contre George H. Bush. Le président sortant n’était pas concerné par le sort des Américains, trop occupé, selon son adversaire par la politique étrangère. Lors d’un passage à l’épicerie pour rallier ses partisans, il s’était arrêté, stupéfait, devant le lecteur de code barre de la caisse, le premier qu’il ait jamais vu. La scène confirmait l’image d’un président enfermé dans sa bulle. S’il fallait une preuve supplémentaire, elle était bien là : "It’s the economy, stupid". Peu importe ce qui se passe à l’étranger, peu importe qu’avec son secrétaire d’État James Baker, Bush père fût en train à ce moment-là d’éviter que le monde ne bascule après la chute du Mur de Berlin en 1989. Peu importe qu’en 1991 à Madrid, on ait réussi à réunir autour d’une même table tous les acteurs du conflit israélo-palestinien et entamé des discussions qui ont débouché sur des pistes qui restent pertinentes aujourd’hui pour trouver une solution durable. Les sondages menés par la campagne de Bill Clinton le disaient unanimement: les Américains étaient préoccupés par leur pouvoir d’achat. "It’s the economy, stupid".

Le "Yes we can" de Barack Obama, n’avait lui aussi qu’un seul but : offrir un contraste saisissant avec l’atmosphère lourde de la fin du deuxième mandat de George W. Bush. Il y a avait eu les attaques du 11 septembre 2001, la guerre en Irak, la torture à Abu Ghraib, à Bagram, à Guantanamo. "Yes we can", sous-entendu "oui nous pouvons faire mieux", "oui nous pouvons être meilleurs". Emprunté à Dolores Huerta, une militante des droits civiques dans les années 1960 que Barack Obama remercia lorsqu’il lui remit une haute distinction, le slogan avait aussi surgi de ce que révélaient, à l’époque, les sondages. Pour la première fois l’Amérique allait élire un président noir, jeune, porteur de l’espoir d’un changement radical dans la définition du vivre-ensemble de la société américaine. Un président réconciliateur, lui-même façonné par un héritage mixte. Mais ce n’était au départ pas joué d’avance, loin de là. Pour beaucoup, à commencer par le camp républicain, l’élection d’un Noir était inconcevable, même si elle marquait en réalité l’évolution inéluctable d’une société américaine de moins en moins blanche. Sans une machine électorale hautement sophistiquée, le défi de convaincre et de rassembler la plus large des coalitions pour battre le ticket républicain John McCain-Sarah Palin semblait impossible. La puissance du réseau fut mobilisée.

Après d’innombrables expériences menées une quinzaine d’années auparavant, l’écosystème numérique s’est stabilisé. L’image d’une campagne durant laquelle un candidat, accompagné d’un stratège, utilisant essentiellement des sondages et des focus-groups avec des électeurs pour évaluer sa performance et, le cas échéant, corriger le tir, est désormais obsolète. Si les candidats l’entretiennent encore parfois, c’est pour masquer le degré de sophistication technique qui pourrait en effrayer certains derrière les machines de campagne. Tous les candidats ont évidemment leur garde rapprochée, leurs proches et leurs confi- dents. Qu’à l’instar de David Axelrod, "Axe", le premier gardien de l’image de Barack Obama, ils puissent marteler la ligne du parti et du candidat sur les plateaux de TV est une chose. Mais leur influence sur la stratégie de campagne est, elle, nulle. Comme dans d’innombrables autres domaines, les codeurs ont remplacé les " artistes ", la machine et les algorithmes, le flair.

Extrait de ""#Trump, de la démagogie en Amérique", de Stéphane Bussard et Philippe Mottaz, aux éditions Slatkine & ciePour acheter ce livre, cliquez ici

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