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Du rose au vert : comment Benoît Hamon est en train d’obtenir un score inespéré pour un candidat Europe Écologie les Verts
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Alerte enlèvement, PS disparu

Benoit Hamon se rapprocherait de plus en plus des écologistes. Son clip de campagne évoque l'écologie, son rapprochement avec Yannick Jadot, ex-candidat d'Europe Ecologie-Les Verts en témoigne également. Cette orientation de la campagne du candidat socialiste ne semble pas séduire les Français puisqu'il ne recueillerait plus que 8% des voix au premier tour.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Depuis l'issue de la primaire socialiste, Benoit Hamon a fait le choix d'orienter fortement sa campagne sur des thèmes écologistes, notamment sur la question des perturbateurs endocriniens, ce qui peut également se voir au travers de ses différents clips de campagne. Après son accord avec Yannick Jadot, ne peut on pas considérer que Benoît Hamon en a trop fait sur ces questions, au détriment d'autres thèmes plus porteurs, ce qui a pu transformer le candidats PS en un candidat EELV aux yeux des électeurs ? En quoi son score actuel dans les sondages peut il également refléter une telle situation ?

Christophe Bouillaud : Certes, le choix des thèmes de campagne a peut-être été trop marqué par la conversion écologique du candidat et par son alliance avec Europe Ecologie-Les Verts, et du coup pas assez compréhensible par tout un chacun. Il est vrai de ce point de vue que la mise en avant de la question des perturbateurs endocriniens, déjà présente lors du débat de l’élection primaire de la " Belle Alliance populaire ", n’est sans doute pas de nature à mobiliser toute la masse des citoyens. La même remarque vaut pour la plupart des thèmes écologistes qui, malgré leur importance bien réelle pour notre santé ou l’avenir de la planète, n’arrivent décidément pas à structurer le débat politique. Mais, plus encore, il me semble surtout que Benoit Hamon n’a pas su innover lors de sa campagne comme il l’avait fait lors de sa campagne pour les primaires. Il a ainsi édulcoré sa proposition de revenu universel, à la fois pour des questions de coûts, mais aussi sans doute parce qu’elle donnait un peu l’impression qu’il ne voulait plus lutter contre le chômage de masse. Or, s’il est bien une chose que les Français de toute obédience et de toute génération valorisent, c’est justement le travail. L’idée que tout le monde ne puisse pas avoir au final un travail rémunéré apparait choquante, et elle n’est pas en l’état défendable. Je remarque d’ailleurs que, dans ses tracts de campagne distribué par ses partisans, Benoit Hamon présente le revenu universel essentiellement comme un surcroit de pouvoir d’achat pour les personnes gagnant moins de 2200 euros par mois – autrement dit comme un " impôt négatif " plutôt que comme la réponse à un changement de civilisation comme certains de ses propos lors la primaire avaient pu le laisser penser. Surtout, il me semble que la difficulté du "hamonisme" dans cette campagne a été de présenter des idées assez radicales de changement – comme en témoignent de fait leur rejet par le MEDEF – sous un emballage bien trop modéré qui ne désignait pas clairement l’ennemi. La démarche de Jean-Luc Mélenchon qui consiste à désigner l’ennemi – si j’ose dire presque avant même d’avoir quelque proposition que ce soit – a de fait mieux fonctionné. Il faut noter en effet que ce dernier a aussi écologisé son offre politique, mais il lui a donné une valeur politique en désignant des ennemis et des amis de l’écologisation qu’il propose.

Quels sont les autres facteurs qui ont pu conduire Benoit Hamon à une telle situation, notamment sur son rapport au gouvernement de Bernard Cazeneuve, ou de ses positions européennes ?

A ces considérations générales de positionnement, il faut ajouter la situation paradoxale de Benoit Hamon. Il a été un " frondeur " sous le gouvernement Valls. Il a nettement battu ce dernier lors de la primaire de la Belle Alliance Populaire. Il n’est d’ailleurs pas au final soutenu par ce dernier et ses proches partisans. Mais il est tout de même le candidat officiel du PS, et des ministres socialistes encore en poste, dont l’actuel Premier Ministre Bernard Cazeneuve, le soutiennent. Il représente de ce fait le parti sortant et le gouvernement en place. Emmanuel Macron a eu de son côté le génie de quitter le navire gouvernemental au bon moment, de trahir François Hollande et de ne pas s’associer à la marque PS même si ses premiers partisans sont issus de ce même PS. Il peut donc faire comme s’il n’était en rien responsable de ce qui a été fait les cinq dernières années. Bien sûr, Jean-Luc Mélenchon bénéficie aujourd’hui de son opposition constante aux décisions prises depuis cinq ans par François Hollande. Bref, Benoit Hamon subit aussi l’héritage socialiste qu’il endosse par loyauté envers son parti. Il aurait été sans doute mieux inspiré de franchir le Rubicon et de dire que François Hollande était le principal responsable des malheurs du peuple de gauche depuis 2012 et par conséquent de rompre avec tous les ministres le servant encore. C’est à peu de choses près le même problème pour l’Union européenne ou la zone Euro : il critique son fonctionnement actuel, tout en ne voulant surtout pas la quitter ou même la mettre en danger, il veut, dit-il, que ses enfants vivent dans un cadre européen, et, de fait, il reprend donc la position qui fut affichée par François Hollande à la veille de son élection en 2012 d’une négociation avec les partenaires européens pour changer la donne dans l’Union européenne pour aller vers l’abandon de l’austérité. Or, vu les tergiversations du SPD allemand, il est difficile de voir avec quel allié il pourrait faire avancer l’Union européenne en son sens. Et surtout sa position de négociation parait faible dès le départ, parce qu’il veut convaincre ses partenaires au nom de considérations générales sur la légitimité de l’Union auprès des citoyens. A ce stade, les positions respectives de Jean-Luc Mélenchon ou d'Emmanuel Macron paraissent de fait plus cohérentes. Le premier propose en effet d’aller immédiatement au rapport de force avec l’Allemagne conservatrice et ses alliés, et le second d’y aller seulement dans un second temps après avoir rétabli la situation française en un sens ordo-libéral – ce qui peut certes être vu comme une capitulation, mais aussi comme la poursuite de la ruse habituelle des élites françaises depuis les années 1960 face à l’Allemagne. Au-delà de leurs différences de stratégie, les deux autres candidats à l’affut de l’électorat socialiste pensent rapports de force avec l’Allemagne conservatrice, convergence ou divergence d’intérêts nationaux, et non pas discussion entre gens de bonne compagnie. Là encore, Benoit Hamon ne semble pas avoir tiré toutes les conclusions de la Présidence Hollande, alors même qu’il en fut l’un des critiques.

Dans l'hypothèse de plus en plus probable de l'absence du PS au second tour, quel pourrait être l'impact d'une telle campagne sur l'avenir du parti, et du cas personnel de Benoît Hamon ? 

Tout dépendra de la configuration finale que prendra cette élection. En particulier, si Emmanuel Macron réussit à être élu Président, le PS va s’éparpiller façon puzzle au moment de l’élection législative. Dans ce cas-là, Benoit Hamon dispose de quelques chances de récupérer l’usage de la marque " PS ", ou, du moins, de jouer un rôle dans le parti maintenu qui ne se ralliera pas à Emmanuel Macron. Il me semble toutefois que l’actuelle maire de Paris se prépare elle aussi pour ce rôle de gardien de la vieille maison socialiste. Bien sûr, il faut pour que Benoit Hamon puisse rester important que son score ne soit pas encore pire que celui que lui prédisent les sondages. Un score en deçà des 5% serait bien sûr une pierre tombale sur toutes ses ambitions. Au cas où c’est François Fillon qui serait finalement élu, le macronisme s’évanouirait en un instant au profit d’une droite et d’un centre communiant dans la victoire inespérée, le PS resterait probablement uni, et Benoit Hamon serait renvoyé à sa marginalité dans un contexte où il s’agirait de sauver le PS d’une totale déroute électorale. Quant aux hypothèses Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, largement improbables par ailleurs au vu des sondages, inutile d’en parler, tant elles ouvrent des scénarios imprévisibles. Dans ces deux derniers cas, le procès de François Hollande ne manquerait cependant pas d’être instruit en détail, et l’on reprocherait sans doute à Benoit Hamon comme à d’autres responsables de gauche d’avoir été trop indulgent avec le responsable de la faillite finale de la Vème République.

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