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Titanic : certains signes annonçaient le drame
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Mauvaise étoile

Le 15 avril 1912, le Titanic coulait. 100 ans plus tard Philippe Masson reconstitue "Le drame du Titanic" et éclaire d’une lumière inédite le plus grand fait divers du XXe siècle. Avant le choc avec l'iceberg, bien des signes annonçaient le malheur qui allait s'abattre sur le paquebot...(Extrait 2/2)

Philippe Masson

Philippe Masson

Philippe Masson (1928-2005) est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages remarqués sur l’histoire maritime. Agrégé 
d’histoire, il a dirigé de nombreuses années la section historique de la Marine à Vincennes

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En marge d’un effort de réflexion d’une qualité bien souvent douteuse, l’irrationnel s’en mêle. Une légende ou plutôt des légendes se tissent autour du Titanic. Le géant des mers n’était-il pas le bateau de la mauvaise chance, l’instrument d’un génie malfaisant ? Au lendemain même du naufrage, une rumeur prend naissance et ne cesse de s’amplifier. Nombre de rescapés affirment avoir été assaillis dès l’appareillage de signes prémonitoires et inquiétants. Le dimanche soir, en particulier, l’atmosphère aurait été singulièrement oppressante.

Un élément bizarre semble, en effet, commander le départ. Le Titanic quitte l’Europe à moitié vide, à un moment où la grève des mineurs anglais paralyse pourtant nombre de grandes unités transatlantiques. Situation normale, en réalité, à la mesure d’une vieille superstition. Beaucoup de passagers hésitent à embarquer sur un navire effectuant une traversée inaugurale. Un employé de la White Star n’hésite pas à reconnaître le phénomène devant Lawrence Beesley, au moment où celui-ci achète son billet.

A Southampton encore, un étrange climat aurait régné à bord. Nombre de stewards affichent des visages funèbres. Beaucoup viennent de l’Olympic, victime d’un abordage quelques mois plus tôt. Ils prétendent que les deux géants sont placés sous le signe de la mauvaise chance. Ils n’hésitent pas à les appeler les « bateaux de la mort ».

Au moment même de l’appareillage, un incident renforce cette conviction. Alors qu’il vient de quitter le bassin de l’Océan, le Titanic défile devant un vétéran de l’Atlantique, le New York, à couple avec l’Oceanic. Le déplacement de la masse du Titanic, les battements de ses hélices provoquent un effet de succion. Le New York est littéralement aspiré en direction du géant des mers. Il rompt ses amarres qui s’abattent en sifflant sur une foule de curieux qui reflue précipitamment. Une femme est emportée inanimée. […]

Au cours de la traversée, le dernier jour en particulier, bien des passagers éprouvent un malaise ranimé ou provoqué par la partition musicale des Comtes d’Hoffmann jouée par l’orchestre. Pour ceux qui s’aventurent sur les ponts, la nuit glaciale, le ciel constellé d’étoiles et surtout cette mer forte, funèbre, sans une ride, contribuent encore à aggraver un sentiment d’oppression.

Dans son lit, une passagère de première classe, Elizabeth W. Shutes, ne peut trouver le sommeil. Une odeur froide, de mort, pénètresa cabine, qui lui rappelle celle qu’elle a rencontrée quelques années plus tôt dans une grotte d’un glacier de l’Eiger. Cette odeur la hantera jusqu’à la fin de ses jours. Depuis le départ, une autre passagère est assaillie de sombres pressentiments. Elle refuse de se mettre au lit. Un bateau prétendu incoulable ne peut être qu’une injure envers Dieu.

A l’annonce du désastre, comment ne pas se livrer à un rapprochement, évoquer l’ouvrage de l’écrivain américain Robertson, appelé Futility, paru en 1898. L’histoire ressemble, à s’y méprendre, à celle du Titanic. Elle repose sur un géant des mers, le Titan, lui aussi le plus grand paquebot du monde. Ce Léviathan dépasse 270 mètres et file 25 nœuds. Il transporte 2000 passagers. Les aménagements sont somptueux. On ne compte pas moins de deux orchestres et deux formations de musique légère. Le Titan passe également pour incoulable. Grâce à ses 19 cloisons étanches, il peut rester à flot avec 9 compartiments envahis. Aussi ne possède-t-il qu’un nombre réduit d’embarcations.

[…]En plein brouillard, le Titan heurte un iceberg et disparaît dans les profondeurs. La moitié seulement des passagers trouvent refuge dans les embarcations. C’est le plus grand drame maritime de l’histoire. Seule différence, le Titan n’accomplit pas son voyage inaugural. Il en est à sa troisième traversée. Il ne navigue pas vers New York, mais d’ouest en est. Le choc est brutal et la disparition extrêmement rapide.

Comment ne pas évoquer encore un autre ouvrage ou plutôt un article dû à la plume de W. Stead disparu à bord du Titanic ? Paru dans la Review of Reviews en décembre 1896, cet article appelé Du vieux monde au Nouveau met en scène non pas un bateau imaginaire mais un des plus beaux paquebots alors en service de la White Star, le Majestic. Le commandant n’est autre que le capitaine Smith … Lui aussi disparaît après avoir heurté un iceberg. Grâce à la télépathie, un groupe de rescapés finit par être retrouvé sur un bloc de glace. La conclusion de Stead apparaît singulièrement lugubre : « Les océans parcourus par de rapides paquebots sont jonchés des os blanchis de ceux qui ont embarqué comme nous et qui ne sont jamais arrivés à bon port. »

Tout au long de la traversée du Titanic, Stead devait être, lui aussi, assailli de sombres pressentiments. Il ne pouvait se libérer des images d’un affreux cauchemar : une armée de chats se jetant de la terrasse d’un énorme building envahi par les flammes. Au cours d’interminables séances de bridge, le célèbre publiciste, d’un pacifisme à toute épreuve, ne cessait de dire et de répéter à ses partenaires que le Titanic pouvait fort bien disparaître.

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Extrait de Le drame du Titanic - édition Tallandier (5 avril 2012)

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