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Double motion de censure : l’affaire Benalla marque-t-elle le début d’une nouvelle ère du quinquennat pour l’opposition ?
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Ordre de bataille

Ce lundi, Les Républicains et le Parti Socialiste déposeront une motion de censure. Un signe que l'opposition semble s'être revigorée.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : L'affaire Benalla n'est-elle pas en train de faire bouger les lignes. On a vu le PS s'aligner sur la France Insoumise, les LR se distinguer nettement de LREM... Les anciens partis de gouvernement ont-ils trouvé les bases d'une forme d'opposition au pouvoir ?

Jérôme Fourquet : Jusqu'à présent les oppositions s'opposaient à Macron pour des raisons opposées. Sur l'immigration la droite pensait que les mesures n'étaient pas assez sécuritaires et la gauche que l'on était proche du fascisme par exemple. C'était une bonne chose pour LREM qui pouvait alors se définir et se présenter aux Français comme étant dans le cercle de la raison et étant dans le juste point d'équilibre entre deux formes de radicalités. En début d'affaire Benalla on a eu l'union sacrée des oppositions pour demander une commission d'enquête, souligner les errements du pouvoir, les non dits et elles se donnaient à voir comme étant les garants de la transparence et du respect des institutions de la République. Là dessus tout le monde était d'accord et le président a été mis en difficulté. Mais le fait que l'on s'achemine vers deux motions de censure montre que l'on revient aux deux oppositions de gauche et de droite. Du coup à nouveau les oppositions s'affaiblissent. Autant on peut comprendre que sur la loi asile immigration les oppositions étaient motivées par des raisons antagonistes, autant là on ne voit pas pourquoi il devrait y avoir deux motions de censure. On retombe dans la tambouille politicienne et j'ai le sentiment (même s'il ne faut pas minimiser le phénomène) que la cote de popularité d'Emmmanuel Macron n'a pas baissé autant que ses opposants l'aurait souhaité. Je pense qu'il a plutôt bien géré la fin de séquence et du coup, une fois la crise passée, il se posera encore la question du projet alternatif. L'affaire a vraiment duré une semaine, les Français ont considéré que les oppositions étaient dans leur rôle (seulement 41% estiment que les oppositions en ont « trop fait ». Si l'on peut parodier un titre de livre devenu célèbre, les opposants peuvent dire à Macron « Merci pour ce moment » mais on reviendra aux réalités ensuite.

Toutefois sur un certain nombre de traits d'image, on voit que le président a perdu des plumes dans cette bataille. Mais de là à croire qu'il allait être durablement affaibli ou déstabilisé, clairement on y est pas.

Qu'en est-il des électeurs ? Peut-on voir un alignement sur la dynamique des partis décrites ci-dessus ?

Je pense encore une fois qu'on est juste là dans des manœuvres et un jeu parlementaire. Je suis déjà surpris qu'ils ont fait deux motions de censure mais ce n'est pas parce que M. Vallaud et M. Faure vont dîner avec M. Mélenchon qu'il va se passer des choses derrière.

Aujourd'hui il n'y a aucun signe que ce rapprochement, si tenté qu'il se concrétise entre les partis se répercute chez les électeurs. SI vous prenez les élections européennes qui auront lieu l'année prochaine, il n'y a aujourd'hui aucun signe avant coureur de constitution d'une plateforme entre les insoumis et le PS ou entre la droite et le RN. D'autant plus qu'il n'y a jamais eu autant de luttes de pouvoir au sein des partis pour en prendre le leadership alors il y a peu de chance que l'on aille vers une convergence des luttes ou des oppositions plus simplement.

A qui la question de la pratique du pouvoir, qui est centrale pour les Français qui critiquent Emmanuel Macron peut-elle profiter ?

Éventuellement cette crise et ses conséquences peuvent bénéficier aux corps intermédiaires. Je pense aux partenaires sociaux ou aux élus locaux. Ce que tout cela montre ce sont les limites d'un exercice du pouvoir solitaire et d'un mode de fonctionnement « commando » (une équipe ramassée qui colonise le sommet de l’État et qui compte bousculer tout et tout le monde). On voit que la haute hiérarchie policière n'a pas apprécié ces méthodes, on avait eu vent de tensions entre l'Elysée et la hiérarchie militaire quelques jours avant l'affaire Benalla. Autre exemple, quelques jours avant son discours au Congrès, Emmanuel Macron avait parlé de redéfinir le modèle social français. Il avait invité dans cette optique les partenaires sociaux pour une grande discussion collective. Il y a eu sans doute, à chaque fois dans des registres différents, pas mal de signaux qui sont remontés jusqu'au sommet du pouvoir macronien qui disaient qu'à jouer trop en solitaire et à présager un peu de ses forces on risquait d'y perdre des plumes.

Ce que cette crise a montré aussi c'est malgré tout les qualités de meneur d'homme du président. Quand on verra dans les prochains jours que sa cote de popularité n'a pas été si érodée que cela, il pourra renvoyer les médias dans les cordes. Tout de même cela a montré les limites de son mode de fonctionnement et peut-être se dira-t-il qu'il serait de bon ton de « réduire la voilure » et de ne pas « avoir les yeux plus gros que le ventre ».

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