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Les données personnelles des utilisateurs de Twitter peuvent-elles être livrées à la justice ?
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Vie privée ?

La justice américaine vient d’ordonner lundi au réseau social Twitter la communication de données personnelles permettant l’identification d’un de ses utilisateurs.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

Voir la bio »

Matthew Sciarrino, juge à la Criminal Court of the City of New York, soit le Tribunal de première instance connaissant des affaires pénales, a délivré une subpoena, à savoir une injonction de communiquer à l’encontre de Twitter, afin d’accéder aux tweets effacés, mais également aux données personnelles de leur auteur.

Le propriétaire du compte Twitter concerné est soupçonné d’avoir pris part à des débordements lors d’une manifestation en octobre 2011 dans le cadre du mouvement « Occupy Wall Street », qui est un mouvement de contestation contre les dérives du capitalisme boursier.

Jusqu’à présent, Twitter refuse de communiquer les informations considérant que le contenu du message tweeté est la propriété de son auteur et que par conséquent, afin de le saisir, il convient, comme pour toute propriété privée, d’obtenir un mandat conformément au 4e Amendement de la Constitution américaine.

Le tweet est un court message, limité à 140 caractères diffusé sur internet, sur le réseau social Tweeter. Il est ainsi accessible à des millions de personnes, c’est pourquoi il a un caractère public.

Or, comme tout message diffusé publiquement, son auteur peut être sanctionné si ce message est illicite (diffamation, incitation à la haine raciale ; etc.).

Il n’existe donc pas de protection particulière appliquée au tweets.  

Par ailleurs, en France comme aux Etats-Unis, le prestataire de services peut être contraint de communiquer les données personnelles de ses utilisateurs à la justice. 

Ainsi, conformément à la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) l’hébergeur du site, à savoir Tweeter, peut également voir sa responsabilité engagée au regard du contenu du message, si après avoir été informé de son caractère illicite, il n’a pas procédé à son retrait.

L’article 6.1.II. troisième alinéa de la LCEN prévoit également que « l’autorité judiciaire peut requérir communication auprès des prestataires de services (éditeurs et hébergeurs de sites internet) des données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ».

Le prestataire de services qui refuse de communiquer ces informations encourt un an d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

A ce titre, les conditions générales d’utilisation de Twitter indiquentqu’il pourra « conserver ou divulguer ces informations [s’il croit] que cela est raisonnablement nécessaire pour se conformer à une loi, une réglementation ou à des demandes juridiques/judiciaires ; pour protéger la sécurité d'une personne, pour réagir à des fraudes ou des problèmes de sécurité ou techniques ; ou pour protéger les droits et la propriété de Twitter. »

Par conséquent, même si la politique de Twitter consiste à refuser de communiquer les données concernant ses utilisateurs, il avertit néanmoins ses abonnés d’une telle possibilité.

Il en résulte que cette décision n’est pas réellement surprenante du point de vue des pouvoirs détenus par le juge afin d’accéder aux données personnelles des utilisateurs d’un service internet.

A l’image de Twitter, les autres réseaux sociaux tels que Facebook (lorsque les profils sont publics) ou les moteurs de recherches comme Google, ne sont pas à l’abri d’une ordonnance judiciaire ou de demandes émanant des autorités administratives voire même, de manière plus inquiétante, gouvernementales (voir notre article du 25 juin 2012).

Néanmoins, la décision du juge américain est préoccupante en ce qui concerne la question de la charge de la preuve.

En effet, les conditions d’utilisation de Twitter précisent que le contenu du site est la propriété de Twitter. Le juge en déduit que c’est à Twitter et non à l’auteur des messages d’éventuellement contester l’injonction de communiquer bien que ce soient les droits fondamentaux de ce dernier qui soient menacés.

Or, jusqu’à présent les juges new-yorkais ont toujours considérés que c’est à l’auteur de contester une telle injonction sur le fondement de 1er amendement de la Constitution américaine garantissant le droit à la vie privée (Liskula Cohen v. Google Inc., 25 Misc.3d 945, 887 N.Y.S.2d 424 (N.Y. Sup. 2009); Public Relations Society of America Inc. v. Road Runner High Speed Online, 8 Misc.3d 820, 799 N.Y.S.2d 847 (N.Y. Sup. 2005).

Ce revirement de jurisprudence est inquiétant car il annonce un flot de demandes concernant l’obtention de données personnelles à l’encontre des prestataires de services, à charge pour eux de contester chacune d’entre elles ce qui est en pratique impossible.

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