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Discours de Trump sur l'islam à Riyad : tout ça pour ça... ?
©JIM WATSON / AFP

Chacun sa vision

En choisissant de prononcer son discours sur l'islam dans la capitale du wahhabisme, Donald Trump suscite un certain scepticisme chez certains, de même que son entreprise plus largement, la réforme de l'islam ne pouvant venir que de l'intérieur.

Malik Bezouh

Malik Bezouh

Malik Bezouh est président de l'association Mémoire et Renaissance, qui travaille à une meilleure connaissance de l'histoire de France à des fins intégrationnistes. Il est l'auteur des livres Crise de la conscience arabo-musulmane, pour la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol),  France-Islam le choc des préjugés (éditions Plon) et Je vais dire à tout le monde que tu es juif (Jourdan éditions, 2021). Physicien de formation, Malik Bezouh est un spécialiste de la question de l'islam de France, de ses représentations sociales dans la société française et des processus historiques à l’origine de l’émergence de l’islamisme.

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Que dire de la visite du président des États-Unis à Ryad ?  Avant toute chose, relevons l’inflexion du discours de Donald Trump qui, on s’en souvient, par sa brutalité, avait heurté, pour le moins, le monde islamique. Cela dit, on n’imaginait guère le chef d’État américain réitérer, à nouveau, ses réflexions à l’emporte-pièce devant un parterre de dirigeants musulmans. Pragmatisme oblige !

Venons-en au fond à présent. En premier lieu, notons que Donald Trump, fort de ses sources de renseignements, a avancé un chiffre à méditer profondément : 95% des victimes mondiales du takfirisme professé par Daech et consorts sont de confession musulmane ! Une donnée constituant un véritable camouflet pour les théoriciens du prétendu choc des civilisations qui, à l’instar des Zemmour, Rioufol et autres prophètes de la peur, diffusent à longueur de temps des informations faisant fi de cette donnée fondamentale. Et pour cause !  Celle-ci contredit, et de quelle façon !, leur thèse marquée au coin du simplisme intellectuel.

Au-delà, on reprochera au président américain - et c’est bien là le plus lourd des griefs qu’on peut lui faire - l’absence d’une réflexion globale sur les causes du terrorisme international. Certes, il convient, bien évidemment, de neutraliser ceux qui sèment l’épouvante et la mort au nom de leur lecture mortifère de la religion. Mais qui peut croire un seul instant que l’option militaire, seule, pourra endiguer un phénomène aux origines protéiformes ?

Or, l’une d’elles est le despotisme politique arabe qui afflige les masses arabo-musulmanes et, partant, fait le lit de toutes les radicalités. Car ces pouvoirs arabes, en confisquant la parole citoyenne, en étouffant toute tentative de discussion démocratique, en écrasant systématiquement les oppositions, par la violence, la torture, le crime politique, n’ont pas permis l’émergence durable de réformistes musulmans susceptibles d’offrir une lecture plus humaniste des Textes saints de l’islam, dont une partie - il faut le reconnaitre - contient des passages belliqueux dès lors que ceux-ci sont lus sans un travail de contextualisation et de distanciation. Pis encore : la politique ultra-répressive de ces régimes a favorisé l’apparition, dans les années 1970, du takfirisme, courant musulman extrémiste, inquisiteur et porteur d’une violence exacerbée, qu’un pluralisme démocratique arabe aurait pu absorber puis dissoudre dans la confrontation des idées si on avait laissé à ce pluralisme la possibilité de s’exprimer. Car la culture démocratique ne se décrète pas, mais s’apprend, se renforce, se cultive, pour devenir, au gré des alternances politiques, cette sève ardente et civilisatrice qui infuse dans toute la société l’acceptation de l’altérité, qu’elle soit politique, philosophique ou religieuse. Mais de tout cela, hélas !, le monde-arabo-musulman en a été privé. Les régimes arabes, foncièrement antidémocratiques, ont, de ce point de vue-là, une très lourde responsabilité dans l’irruption de la violence religieuse qui défraie la chronique.

Les chancelleries occidentales sont loin d’être exemptes de tout reproche. En soutenant, parfois ouvertement, ces modes de gouvernance marqués au coin du totalitarisme, elles ont contribué à faire resurgir, des tréfonds de l’histoire arabo-musulmane, ce mouvement éminemment fanatique, le takfirisme, qui ne connaît que le rapport de force brutal. A ce sinistre tableau, il faut ajouter l’interventionnisme soviétique en Afghanistan et américain en Irak qui sèma les ferments du jihadisme contemporain. Enfin, comment éteindre le feu du jihadisme takfiriste sans penser la question sunnite en Irak, le drame du peuple syrien victime du boucher de Damas, la guerre dévastatrice au Yémen et le conflit israélo-palestinien, enfin, à grande portée symbolique ?

Bref, c’est poursuivre une vaine chimère que de croire que l’on viendra à bout du jihadisme takfiriste en continuant à jeter un voile discret sur les causes profondes qui le nourrissent. Justice, liberté, transparence, souveraineté, alternance politique ! Voilà ce que clament désespérément, de temps immémorial, les sociétés civiles arabo-musulmanes ! Mais qui les entend ? Certainement pas Donald Trump. Soucieux de ne pas allumer le courroux de ses hôtes saoudiens, ce dernier a sacrifié sur l’autel des intérêts commerciaux le seul remède capable, à moyen terme, d’en finir avec le terrorisme : la démocratie !

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