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"La question des déserts médicaux doit devenir l'un des thèmes de la campagne présidentielle"
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La clé des champs

Une élue PS de Côte d'Or, Françoise Tenenbaum, a proposé de faire appel aux vétérinaires pour les soins urgents, dans les zones rurales qui souffrent d'un vrai manque de médecins. Comment a-t-on pu en arriver là ?

François Zocchetto

François Zocchetto

François Zocchetto est un homme politique français membre de l'Alliance centriste. Sénateur depuis 2001, il préside le groupe Union centriste depuis février 2011. Il est aussi vice-président de la commission des lois et président du groupe d'amitié France-Italie.

Il est par ailleurs conseiller municipal de Laval.

Il tient un blog où il évoque notamment les questions de désertification médicale.

 

 

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Atlantico : Françoise Tenenbaum, vice-présidente PS du Conseil régional de Bourgogne, propose de faire appel aux vétérinaires, dans le cas de secours d’urgence, pour pallier au manque de médecins en zone rurale. Comment peut-on en arriver là ?

François Zocchetto : Cette proposition est de la provocation pure. Il n’est évidemment pas question que des vétérinaires puissent se substituer aux médecins. Il ne s’agit pas de mettre en cause les compétences des vétérinaires, aussi importantes que celles des médecins mais dans un domaine différent. Dans le département qui est le mien, en Mayenne, et bien que les vétérinaires aient une grande disponibilité, on ne peut imaginer qu’il puisse y avoir une substitution avec les médecins. C’est une interpellation sur un problème réel, à savoir l’absence de médecins dans les zones rurales.

Où en est la situation dans les zones rurales, qu’on peut qualifier de « déserts médicaux » ?

La première réponse est bien sûr au niveau national. On ne forme pas suffisamment de médecins depuis quelques années. Le numérus clausus a été resserré inutilement et par erreur. D’ailleurs la tendance s’inverse et un desserrement est de plus en plus annoncé. On envisage quasiment de former deux fois plus de médecins qu’il y a trois ou quatre ans. Diminuer le nombre de médecins était une grave erreur, répondant à une logique comptable erronée, alors que la population augmentait et vieillissait. Le numérus clausus doit être revu nettement à la hausse.

En outre on doit mettre en place une deuxième réforme au niveau national, qui est d’instaurer une contrainte géographique à l’installation des médecins. En effet les études de médecine sont payées par la collectivité à 100%, tout comme le système de sécurité sociale. Ce constat donne un droit irréfragable aux élus, locaux et surtout nationaux, et au gouvernement, d’établir une régulation. On doit accepter ce principe, il n’y a pas d’autre solution. Il existe pour les pharmacies depuis longtemps et personne n’y a jamais rien trouvé à redire. Les infirmières aussi ont fini par accepter la régulation géographique. Pourquoi pas les médecins ? Par régulation on entend que les médecins, dont la formation a été prise en charge par les fonds d’une collectivité, exercent, du moins pendant quelques années, dans la zone géographique de cette collectivité.

D’ailleurs, si on prend l’exemple de la Mayenne, une zone particulièrement rurale, les médecins ne veulent pas y venir, mais dès lors qu’ils y sont installés ils ne souhaitent plus repartir. Parce que leur cadre de vie est hors-pair par rapport à leurs collègues citadins (coût de l’immobilier, déplacements, inscriptions scolaires des enfants…), mais aussi parce qu’ils gagnent très bien leur vie. Je rappelle que le revenu moyen d’un médecin en 2010 était de 180 000 euros, en bénéfice net. Et dans les régions rurales il est souvent supérieur à ce chiffre. Certes, il sous-entend une grosse activité, mais personne ne gagne tant d’argent sans travailler !

Et au niveau local, que peut-on envisager pour améliorer cette situation ?

Les praticiens d’aujourd’hui ne veulent plus exercer seuls, comme dans la plupart des corps de métiers. Ils préfèrent travailler en groupe, pour pouvoir se remplacer, pour pouvoir prendre des congés, et aussi pour échanger sur des dossiers difficiles. En effet les patients sont de plus en plus exigeants, leur responsabilité médicale est de plus en plus souvent mise en cause… Cette position est donc logique. On doit organiser, sur les territoires ruraux, un réseau de maisons de santé regroupant plusieurs praticiens (médecins, infirmières, kinés…), travaillant ensemble avec un secrétariat groupé et un partage de dossiers. Ces maisons fonctionnent elles-mêmes en réseau avec des hôpitaux, des CHU. C’est une idée qui est en bonne voie.

Dans le domaine législatif, ces propositions font-elles leur chemin ?

Je fais partie de ceux qui vont, régulièrement depuis quelques années, déposer des amendements au parlement. A chaque fois nous avons été battus, parfois in extremis : je ne désespère pas que la régulation géographique soit mise en place.

La médecine est une profession libérale. L’acte de de soigner est libéral. Nul ne doit pouvoir dire à un médecin ce qu’il doit faire. Lui, en son âme et conscience, en fonction des circonstances et de son diagnostic, sait quelle décision prendre. C’est l’aspect libéral. Quant à l’organisation et au financement de la profession, le fonctionnement n’est pas du tout libéral, puisque c’est un système de sécurité sociale financé par la collectivité.

Le chantier reste ouvert, mais je pense qu’il va évoluer assez vite. Et les candidats à la présidentielle doivent être interpelés là-dessus. Ils vont intégrer des propositions dans leur programme, j’en suis certain. 

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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