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Des sénateurs veulent restreindre la liberté d’expression sur Internet
©Reuters

Dangereux

Des sénateurs (François Pillet, LR du Cher, et Thani Mohamed Soilihi, socialiste de Mayotte) viennent de produire un rapport scélérat plaidant pour une restriction de la liberté d’expression sur Internet. En voici les passages les plus croustillants.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Des sénateurs (François Pillet, LR du Cher, et Thani Mohamed Soilihi, socialiste de Mayotte) viennent de produire un rapport scélérat plaidant pour une restriction de la liberté d’expression sur Internet. J’en décrypte ici les passages les plus croustillants :

De même, l’évolution du nombre d’utilisateurs d’Internet dans le monde montre qu’Internet est un mode de communication dont la diffusion est sans commune mesure avec les médias qui l’ont précédé. (…)

Traduction : Internet est un outil dangereux et difficile à maîtriser, qui permet à la société civile de diffuser des informations sans aucun contrôle.

Internet a eu également pour effet de modifier les équilibres actuels en matière de délits de presse, en réactualisant parfois paradoxalement des infractions tombées en désuétude ou au contraire en remettant en cause l’application de dispositions qui ne posaient jusqu’ici aucune difficulté.

Ainsi, les délits de presse sanctionnant la publication ou l’enregistrement d’images ou de paroles dans le cadre des audiences des juridictions administratives ou judiciaires40(*) ont été remis en cause par l’apparition des réseaux sociaux et en particulier de Twitter, permettant de rendre compte en temps réel d’un procès. Cette pratique, initiée en 2009 lors du procès Clearstream a conduit à des pratiques variées, allant de l’autorisation à l’interdiction par le chef de juridiction.

Mon Dieu ! Internet permet la transparence et bouleverse les règles du secret existant jusqu’ici ! Vite ! sanctionnons !

Symétriquement, des dispositions parfois tombées en désuétude ont fait l’objet d’une actualité nouvelle avec Internet, à l’instar de l’interdiction prévue à l’article 40 de la loi de 1881 de faire appel à une souscription publique pour acquitter les frais d’une condamnation pénale. En raison de l’effet de publicité et d’appel massif permis par Internet conjugué à l’anonymat du souscripteur, cette pratique a connu un renouveau avec Internet. Ce phénomène étant très présent dans les transports et concernant des transactions pénales non couvertes par la rédaction de l’article 40, la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs l’a en conséquence modifié.

Oups ! si les Internautes font appel à la générosité du public pour payer leurs peines… ils risquent de ne pas être effrayés par les sanctions. 

De même, les provocations à la discrimination ou les injures racistes ont fait l’objet d’une démultiplication par l’effet d’Internet, en permettant la circulation très rapide de contenus illicites, en particulier par le biais de réseaux sociaux. (…)

Bien entendu ! les expositions coloniales qui présentaient les Africains comme des bêtes sauvages ne faisaient pas l’objet de larges diffusions. Le racisme date d’Internet…

La place très circonscrite du juge nécessite aujourd’hui d’être revue : en effet, sur Internet, un délit de presse comporte un degré de gravité – en raison de son audience et de sa persistance – sans commune mesure avec les conséquences en matière de presse écrite ou audiovisuelle.

Cette place limitée du juge se justifiait pleinement en 1881 pour encourager la liberté d’expression et la liberté de la presse, mais le contexte a aujourd’hui évolué.

L’impossibilité pour le juge de requalifier les faits dont il est saisi ne se justifie plus aujourd’hui et contribue à affaiblir très substantiellement les mécanismes répressifs de la loi de 1881 : en effet, même s’il est mal qualifié, l’abus de la liberté d’expression existe bien.

Traduction : en 1881, il fallait encourager la liberté de la presse. Aujourd’hui, il faut la combattre car elle est, avec Internet, devenue excessive.

Rappelons tout l’intérêt qu’il y a à supprimer le Sénat… même si, sur ce sujet, l’Assemblée Nationale n’est pas en reste. Ce texte est à suivre.

Cet article a intialement été publié sur le blog d'Eric Verhaeghe 

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