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Des Paroles aux Actes : l’impuissance structurelle du quinquennat Macron
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Big Bang ?

Sébastien Laye décrypte et analyse la politique menée par Emmanuel Macron depuis le début de son quinquennat et son arrivée à l'Elysée. Le projet politique d'Emmanuel Macron va-t-il sauver le mandat du chef de l'Etat après la crise du Covid-19 et pour le monde d'après ?

Avant même l’élection d’Emmanuel Macron, alors qu’une cohorte de mes amis dans les milieux d’affaires et les médias s’agglutinaient avec un certain instinct grégaire autour du vague projet d’Emmanuel Macron, je mettais en garde contre ce qui était pour moi le principal risque de cette expérience politique : celui de l’immobilisme. J’assénai alors, dans les colonnes de nos amis de l’Opinion, la sentence suivante : « le macronisme est un gattopardisme », par allusion à ce terme de la science politique italienne, reprenant le thème du roman le Guépard, où des dirigeants s’évertuent à donner l’illusion du changement pour mieux masquer leur manque d’idées et leur acceptation du status quo : si on avait dit d’Hollande qu’il était un nouveau petit père Queuille, Macron me semblait un Renzi en puissance pour poursuivre dans la veine de l’analogie italienne. Elie Cohen avait beau dans la loge de BFM Business me susurrait que Macron savait ce qu’il faisait, que tout était basé sur un nouveau compromis avec l’Allemagne à laquelle il arracherait tant, je ne me suis jamais départi de l’idée que le Réel n’intéressait pas cette nouvelle équipe et en premier lieu le Président. 

Bien loin des pratiques managériales et empiriques qu’on lui prête, Macron conçoit son quinquennat comme une épopée lyrique ou balzacienne dont il est le Héros, endossant dès son élection de multiples costumes (aviateur, footballeur, président jupitérien) sans s’intéresser vraiment aux réformes. Le premier budget, pluri annuel et intégrant une croissance de 2% par an chaque année du quinquennat était déjà une vaste fumisterie intellectuelle : qui fait cela dans le monde de l’entreprise ? Choqué comme nous tous par l’effondrement de notre souveraineté sanitaire lors de la crise du Covid, je publiais récemment pour mon think tank, l’Institut Thomas More, une note précise sur comment relocaliser la production de médicaments en France, avec 7 propositions spécifiques, sur laquelle Atlantico m’interviewera le 16 Juin. Le même jour, nous nous attendions au plan Macron en la matière lors de sa visite sur le site de vaccins de Sanofi : que nenni, outre de grandes envolées lyriques et le contentement de soi grâce aux investissements massifs d’une entreprise privée, Macron n’avait rien à annoncer : avec toutes ses ressources, ses hordes de conseillers et malgré l’urgence, ce gouvernement ne peut même pas se hisser au niveau de deux analystes d’un think tank de taille modeste…ou le veut-il seulement ? 

Quand la genèse d’un projet politique est de capitaliser sur l’image et de refuser un programme précis, d’aucuns attendaient que Macron abatte ses cartes. Trois ans après, le roi est nu et comme le disait le cardinal de Retz, si on ne sort de l’ambiguïté qua ses dépens, Macron ne cesse pas de ne point choisir : sa dernière allocution, meilleure que ses précédentes dans la forme, ne contenaient aucune annonce majeure. Ce leitmotiv se répète inlassablement depuis le quinquennat : de longs discours avec beaucoup de concepts et d’orientations, à la manière d’une dissertation de Sciences Po, qui ne donnent jamais lieu à une vraie exécution au-delà des quelques mesures -souvent en contradiction avec ce premier discours généraliste- prises par le gouvernement. Car il y a de facto deux gouvernements de la Cité, au sens politique du terme, qui coexistent depuis 2017 ; le premier, présidentiel, boursouflé de ses mots et qui croit que le Verbe vaut Action (mais ce n’est pas le premier dans l’histoire politicienne tant s’en faut) croit qu’il est possible à la fois de prétendre régler tout problème et de se cantonner dans la généralité ; le second, celui d’Edouard Philippe, tente au jour le jour de proposer quelques mesures sans grande envergure, traduisant parfois maladroitement en lois et décrets la pensée présidentielle.

On pourrait égrener ici la litanie des moments manqués : l’emploi du terme Big Bang pour parler de quelques ordonnances du droit du travail  qui pour être utiles, ne constituent pas un changement systémique de notre droit social sclérosé ; les digressions sur le modèle scandinave et la flexisécurité, qui n’ont donné presque rien en matières de formation, apprentissage ou mobilité sociale ; les discours agressifs sur la fiscalité, alors que le ratio prélèvements obligatoires sur PIB est resté au même niveau (une petite baisse de l’ISF en IFI d’un côté, une forte hausse de la CSG de l’autre) ; un enthousiasme sur la réforme de l’assurance chômage qui concrètement accouche d’une souris : le basculement d’une partie des cotisations sociales salariales sur l’impôt et la CSG avec quasi étatisation du système au passage ;une réforme des retraites présentée comme la mère des réformes, alors que le passage au point, confus et remis aux calendes grecques, ne résout rien des déséquilibres financiers du système ; une réforme de la SNCF qui sera un boulet pour les gouvernements futurs avec la reprise de la dette du réseau pour obtenir quelques concessions symboliques de la part des syndicats ; les grandes déclarations du Grand Débat qui auraient du donner lieu à un Acte II du quinquennat, dont nous n’avons jamais compris les contours alors qu’on nous annonce l’Acte III.

In fine, Macron aura démonétisé les termes de réformes et de changements, en en parlant sans cesse jusqu’à l’ivresse pour masquer son absence d’idées. A dire le vrai, il n’y avait pas de génie caché derrière l’élection de Macron : juste une ambition brutale qui n’a trouvé à se déployer que par la naïveté et le manque de courage de beaucoup de Français. Je n’en suis pas et n’en serai jamais, comme beaucoup des lecteurs d’Atlantico.

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