Des mauvais chiffres de la croissance aux régionales, François Hollande aura-t-il intérêt à garder Manuel Valls et a-t-il vraiment le choix ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement de Manuel Valls doit faire face à de sérieux obstacles.
Le gouvernement de Manuel Valls doit faire face à de sérieux obstacles.
©Reuters

Poker menteur

Perspectives d'élections régionales complexes, chiffres du chômage et de la croissance moroses, vives tensions au sein de la gauche... Le gouvernement de Manuel Valls doit faire face à de sérieux obstacles. Et les cartes à jouer sont peu nombreuses pour l’exécutif.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Une nouvelle fois, le gouvernement sera confronté à une rentrée délicate, notamment en ce qui concerne les chiffres décevants de la croissance, mais également un horizon noir relatif aux élections régionales. Or, le 14 juillet dernier, François Hollande indiquait que "Valls a vocation à rester premier ministre jusqu’en 2017". Le Président sera-t-il contraint de garder Manuel Valls, quoi qu’il arrive, ou dispose-t-il encore d’une marge de manœuvre afin de faire face à ces situations ?

Yves-Marie Cann : La rentrée politique constitue généralement une période risquée et donc délicate pour les gouvernants. D’abord parce qu’il s’agit d’une séquence marquée par de nombreux événements politiques (universités d’été, journées parlementaires, etc.) qui sont traditionnellement l’occasion pour les partis et leurs leaders de prendre la parole tout en bénéficiant d’une caisse de résonance appréciable dans les médias. Les opposants, les critiques, peuvent alors donner de la voix tout en s’assurant d’une visibilité optimale. La rentrée politique, c’est aussi la période pendant laquelle les orientations budgétaires du gouvernement pour l’année à venir se précisent. J’en veux pour preuve les récentes déclarations de l’exécutif sur les baisses d’impôts. A cette occasion, les revendications pour tenter d’influer sur la ligne gouvernementale se multiplient, ce qui est fréquemment source de tensions au sein des majorités présidentielles. Comme leurs prédécesseurs et à l’instar des précédentes rentrées, François Hollande et Manuel Valls n’y échapperont pas et devront s’adonner à un traditionnel exercice d’équilibristes.

L’impopularité de François Hollande qui reste à de très hauts niveaux, les tensions au sein de la majorité présidentielle avivées par la perspective de 2017 et le rendez-vous des élections régionales en fin d’année rendent toutefois la période qui s’ouvre encore plus périlleuse pour l’exécutif, alors que les perspectives économiques restent très incertaines, sur fond de chômage qui ne cesse de progresser.

L’avenir de Manuel Valls et son maintien à Matignon jusqu’en 2017 dépendront par conséquent pour beaucoup de cette nouvelle séquence. Si François Hollande a affirmé le 14 juillet que celui-ci "a vocation à rester Premier ministre jusqu’en 2017", le Président de la République n’est pas pour autant pieds et poings liés. Ainsi, même si cette hypothèse apparaît peu probable aujourd’hui, un changement de Premier ministre pourrait être envisagé début 2016 en cas d’élections régionales calamiteuses pour la gauche sur fond d’absence persistante de résultats sur le front économique et social.

Au début du mandat de François Hollande, Manuel Valls semblait être son atout. Est-ce toujours le cas ou Manuel Valls est-il aujoud'hui un handicap dans une optique de rassemblement de la gauche autour de François Hollande ? En utilisant Manuel Valls comme un fusible, le président de la République pourrait-il le transformer en premier opposant ?

La popularité de Manuel Valls est aujourd’hui sensiblement supérieure à celle du chef de l’Etat. Pour gouverner, le Premier ministre constitue donc plutôt un atout pour François Hollande, lequel peut s’appuyer sur un Premier ministre faisant office de bouclier pour mettre en oeuvre la politique qu’il a défini. Toutefois, le temps passant, Manuel Valls devient lui aussi de plus en plus comptable de l’absence de résultats économiques et surtout du chômage qui continue de progresser.

Pour conforter sa place à la tête du gouvernement, le Premier ministre a donc besoin de pouvoir rapidement se prévaloir de premiers résultats tangibles, ce qui n’est pas encore le cas. Une telle situation pourrait attiser les critiques à son encontre à gauche, le déstabiliser et constituer un handicap pour François Hollande. Mais, je le rappelle, tel n’est pas le cas aujourd’hui. Manuel Valls bénéficie d’ailleurs du soutien d’une large majorité de sympathisants socialistes (de l’ordre des trois quarts dans les enquêtes de popularité). A ce jour, les critiques restent pour l’essentiel circonscrites à la gauche du PS.

A l’inverse, Manuel Valls a-t-il intérêt à rester au gouvernement dans le cas où les résultats ne seraient pas à la hauteur des attentes ? N’existe t-il pas un risque de voir le Premier ministre se "Ayraultiser" ? 

C’est le grand risque pour Manuel Valls ! D’où l’impérieuse nécessité, pour lui comme pour le président de la République d'ailleurs, d’obtenir enfin des résultats sur le plan économique et social. Son implication et le volontarisme affiché sur ce terrain lui permettent aujourd’hui de bénéficier d’une relative bienveillance de l’opinion publique. Si les actions menées (notamment via la loi Macron pour laquelle il est resté au premier plan) sont reconnues des Français, encore faut-il que les promesses se concrétisent par un surcroît d’activité économique et donc une inversion de la courbe du chômage. A défaut, la capital politique de Manuel Valls et son leadership en pâtiront, au risque alors d’apparaître démonétisé aux yeux des électeurs… et de sa majorité parlementaire.

Pour Christophe Caresche, député PS de Paris : "L'état de la gauche est très inquiétant, pour ne pas dire catastrophique. On a une gauche très disloquée, avec des fractures plus fortes que jamais". Convaincu que tout se jouera à la fin de l'année, il ajoute : "Le paysage est éclaté. Y compris face au FN, nous sommes incapables de nous rassembler. La gauche est suicidaire". S'agit-il d'une réelle nouveauté pour la gauche ?

Au-delà de la nature même de la ligne économique et sociale retenue par François Hollande et dont Manuel Valls a fait sienne, c’est l’absence durable de résultats qui est source de tensions à gauche, favorisant cette dislocation à laquelle vous faites référence. Le plus inquiétant pour la gauche reste toutefois à mes yeux qu’il n’existe pas aujourd’hui de "désir" de gauche. J’en veux pour preuve le fait que la « gauche de la gauche » ne parvient à capitaliser dans un contexte où les récriminations et les déceptions sont pourtant fortes.
Dans la perspective des régionales de fin d’année, les scores obtenus par le FN aux élections intermédiaires changent pourtant significativement la donne, et ce d’autant plus que si l’extrême droite siphonne aujourd’hui une partie de l’électorat de Nicolas Sarkozy elle trouve aussi de nouveaux soutiens parmi ceux qui ont voté Hollande en 2012. Dès lors, les divisions pourraient coûter très cher à la gauche. Au-delà du risque de perdre un grand nombre de régions (déjà acté par beaucoup d’acteurs et d’observateurs), elle s’expose au risque de disparaître du paysage politique dans certaines d’entres elles ! Par exemple, quelle stratégie adopter au second tour des régionales s’il s’avère que son maintient à l’issue du premier tour peut permettre la victoire du Front national en PACA ou en Nord-Pas-de-Calais-Picardie ? Autant choisir entre la peste et le choléra : le maintien au risque de favoriser la victoire de l’extrême-droite, sinon se retirer mais n’avoir aucun représentant dans les assemblées régionales concernées.

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