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Des diamants produits en laboratoire : finie la culpabilité liée aux trafics sanglants mais la magie peut-elle opérer avec des pierres artificielles ?
©Flickr / Jürg

L’éternité pour tous ?

Des diamants crées en laboratoire : c'est ce que propose la maison "Diamond Foudery" aux Etats-Unis. Un procédé qui pourrait attirer de nouveaux consommateurs réticents à alimenter le marché opaque des diamants naturels, même si ces derniers ont toujours le vent en poupe.

Diane Rondouin

Diane Rondouin

Formée à l'Institut national de gemmologie, ainsi qu'en joaillerie à l'Ecole Boule, Diane Rondouin est aujourd'hui gemmologiste. Elle a monté sa société il y maintenant 7 ans, conseillant ses clients sur les pierres et les montures de leurs bagues. 

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Atlantico : La maison "Diamond Foudery", installée en Californie, vend des diamants créés de toute pièce dans leur laboratoire. Comment cela est-il possible ?

Diane RondouinTechniquement parlant, c'est très simple car le diamant est constitué uniquement de carbone - en tout cas pour le diamant blanc - qui a une structure cristallographique assez particulière due à une température et à une pression extrêmement élevées. Ceci s'explique par le fait qu'il y a une forte température dans le centre de la Terre, à laquelle s'ajoute au forte pression de la matière au-dessus. Il s'agit là des deux conditions qui permettent la cristallisation parfaite des atomes de carbone dans une structure qui devient ensuite du diamant. Il y a un certain nombre de structures de carbone qui ne sont pas complètes comme le charbon ou le graphite ; mais lorsqu'elle est parfaite et complète, on obtient du diamant.

Le diamant est dont le résultat d'une température et d'une pression très élevées qu'il est facile de reproduire en laboratoire. Le seul inconvénient, c'est qu'il s'agit de température et de pression vraiment très élevées. On dispose des capacités techniques pour faire augmenter significativement la température, mais pour la pression, c'est beaucoup plus compliqué. Néanmoins, depuis plusieurs années, on arrive à obtenir des pressions suffisantes pour permettre la cristallisation du carbone. 

Le marché d'un diamant "artificiel" pourrait-il attirer une nouvelle manne de consommateurs jusque là réticents à alimenter un marché opaque, exploitant des enfants ou des hommes dans des conditions indignes ?

Dans l'absolu, oui, mais c'est en même temps se voiler un peu la face. Il faut tout d'abord comprendre que les stocks de diamants extraits tous les ans par les sociétés minières sont assez élevés. Nous n'en avons qu'une petite partie uniquement pour des raisons économiques : il s'agit de mettre à disposition sur le marché des petites quantités afin de garder des prix élevés.  C'est une pratique répandue depuis le XIXème siècle.

Pour ce qui est de l'aspect plus écologique, il faut comprendre que cette technique de pression élevée abordée plus haut nécessite une énergie absolument phénoménale. De ce fait, l'électricité provient du nucléaire. Ainsi, ces diamants produits en laboratoire ne seront pas extraits de la Terre, ne mettant pas en œuvre le travail humain (même s'il est de plus en plus guidé par les machines), mais vont devoir faire appel à une centrale nucléaire pour générer la pression nécessaire. Il faut donc réfléchir à cela également : soit c'est l'environnement, soit c'est le travail humain. 

Ce marché, dont les exploitations minières ne sont, par ailleurs, pas toujours respectueuse de l'environnement, a-t-il également trouvé dans ce nouveau processus de fabrication du diamant sa version écologique? 

Non je ne pense pas pour les raisons invoquées plus haut. Il est vrai qu'il y a peu, Leonardo di Caprio a investi dans une entreprise fabriquant des diamants en laboratoire, faisant ainsi de la publicité autour de cette méthode et de son caractère "écologique".  Tout d'abord, il faut savoir que la maison "Diamond Foudery" n'est absolument pas la première à proposer cette technique : voilà maintenant 10 ans qu'un laboratoire en Suisse propose la même chose, à la différence près que cette société propose la fabrication de diamants en laboratoire à partir des cendres de votre mari ou de votre animal domestique défunts ! Il y a clairement un effet de mode.

Concernant le volet environnemental, il y a des mines d'extraction qui sont extrêmement propres.  Au cours des années 2000, des mines d'extraction de diamant blanc et de couleurs ont été découvertes au Canada ; et vous pensez bien qu'au Canada, il n'est pas question de faire travailler les enfants dans ces mines !

Ces diamants de synthèse posent un problème pour les gemmologues et les joailliers car il est très difficile de les reconnaître : cristallographiquement et physiquement, ils sont absolument identiques à un véritable diamant. La différence réside dans le processus de cristallisation car le laboratoire ne peut pas reproduire exactement les mêmes conditions que la Terre. Il y a donc une très légère différence dans la forme de la molécule qui, du coup, est composée d'atomes de carbone. Il n'y a qu'une poignée de laboratoires capables de faire la différence entre un diamant de synthèse et un diamant naturel.  

Equitable, écolo, mais "accessible", le diamant élaboré de manière artificielle peut-il avoir la même valeur symbolique qu'un diamant qu'il fallait aller chercher au fond de la terre ? Que restera-t-il de l'idée de préciosité à laquelle il est attaché dans notre imaginaire ?

Pour l'instant, sur le plan pécuniaire, c'est à peu près la même chose, en raison de cette histoire de température et de pression élevées qui font que les coûts de fabrication sont très élevés. Il n'est donc pas plus intéressant économiquement parlant d'acheter un diamant de synthèse par rapport à un diamant naturel. La différence est "idéologique" : encore faut-il ne pas avoir de problèmes avec le nucléaire car ce ne sont certainement pas des éoliennes qui vont fournir les besoins en électricité nécessaires à la fabrication de diamants de synthèse.

Pour ce qui est de la préciosité, la part symbolique du naturel demeurera : son caractère unique, exceptionnel, l'histoire de la pierre. La constitution naturelle d'un diamant, sur des milliers d'années, c'est quand même plus romantique que le fait d'appuyer sur un bouton et de voir apparaître un diamant. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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