Derrière la multiplication des ruptures de connexion Internet, une réglementation française inadaptée ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les problèmes de rupture de connexion Internet se multiplient. La fibre est particulièrement touchée.
Les problèmes de rupture de connexion Internet se multiplient. La fibre est particulièrement touchée.
©BERTRAND LANGLOIS / AFP

T’as plus la fibre

Les interventions rapides des techniciens payés à la tâche et employés par des sous-traitants peu précautionneux entraînent une hausse des ruptures de connexion Internet. Ces difficultés sont en réalité bien plus structurelles et liées à un choix de régulation hors sol, imposé contre l'avis des opérateurs.

Alexandre Archambault

Alexandre Archambault

Maître Alexandre Archambault est avocat au barreau de Paris depuis 2016, et intervient dans le droit du numérique.

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Atlantico : En Ile-de-France, région la plus fibrée de France, comme dans les autres régions, les problèmes de rupture de connexion Internet se multiplient. On attribue ce phénomène à un problème de sous-traitance mais, selon vous, le problème est bien plus structurel et est une erreur de régulation. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il en est ?

Alexandre Archambault : Comme souvent, lorsqu’on montre la lune nombreux sont ceux qui regardent le doigt. La cascade de sous-traitance est une réponse à un problème structurel. Ceci dit, il faut rappeler que dans 80 % des cas, le raccordement à la fibre se passe bien. Il y a quinze ans, lorsque la fibre a commencé à se développer, les pouvoirs publics ont émis de nombreuses injonctions contradictoires. Il fallait déployer la fibre partout, y compris dans les zones les plus reculées, sans que ça entraîne de frais supplémentaires pour le monde de l’immobilier ou pour l’utilisateur final. C’est la seule industrie de réseau dans ce cas. Dans le même temps, un choc de régulation a été imposé aux opérateurs. Les opérateurs proposaient comme pour l’ADSL, d’installer leurs équipements dans les centraux (environ 13000 en France dont une quarantaine à Paris). Le régulateur de l’époque a considéré qu’il fallait aller plus loin, à Paris et dans les principales villes il fallait que cela soit au niveau de chaque immeuble. Cette décision est difficilement tenable dans la durée si l’équipement est à la charge des opérateurs sans pouvoir le répercuter sur les clients. On reproche souvent au secteur de ne penser qu’à l’argent mais c’est le 1er investisseur dans l’économie, sans lui pas de télétravail, éducation à distance et téléprocédures en situation de confinement, et n’a guère de leçons d’intérêt général à recevoir. Le problème est que si l’on ne peut pas réduire sur le quantitatif et qu’on ne peut augmenter les prix, on réduit sur le qualitatif. Le taux d’échec d’installation passe de 5 à 20-25% pour l’utilisateur final. On a fait appel à des sous-traitants rapidement car ils sont plus polyvalents, car une fois la fibre installée on n’aurait pas su quoi faire d’eux. C’est un peu ce qui s’est passé du temps du monopole public qui lui aussi a eu recours à la sous-traitance pour une part significative. Cette demande de multiplier les points d’interventions n'émanait pas des opérateurs et n’en avantageait qu’un seul, à très court terme, Orange qui a voulu profiter de sa situation historique et de sa présence dans chaque immeuble. A moyen et long terme, cela pose de très gros problèmes d’exploitation.

Dans quelle mesure les problèmes actuels de sous-traitance sont-ils la conséquence de ce phénomène ?

La rémunération de la sous traitance se fait à la ligne connectée, peu importe comment elle est réalisée. Dans certains cas, des exécutants peu scrupuleux effectuent mal le travail pour rentrer dans leurs frais. Ces derniers ont augmenté : on doit utiliser une nacelle et non plus une échelle pour éviter les accidents par exemple. La tentation est parfois grande de bâcler le travail. Pour gagner du temps, certains intervenants qui doivent réaliser une connexion vont préférer débrancher un abonné existant pour réutiliser la liaison existante et la rebrancher sur le nouvel abonné à produire. L’objectif purement quantitatif est rempli. Et puisque les choses sont totalement déresponsabilisées, on observe un phénomène de la vitre brisée. Une mauvaise pratique observée qui n’est pas systématiquement et très rapidement corrigée légitime les suivantes. Car pour un intervenant, dans le modèle actuel, réparer un ancien abonné, c’est un coût difficilement recouvrable. Le système est vicié et la responsabilité est ici collective, pouvoirs publics compris.

Quelles solutions pourrait-il y avoir ?

D’abord, à court terme, arrêter l’objectif purement quantitatif et tenter de rééquilibrer avec le qualitatif. Pour autant, la sous-traitance est le seul moyen d’atteindre les objectifs de raccordement fixés par les pouvoirs publics . Pour une meilleure qualité, il faut aussi des cadres contractuels plus rigoureux sur toute la chaine. Ensuite, il y aura un enjeu financier. La Cour des Comptes a calculé qu’il manquait 15 milliards d’euros pour financer le raccordement final sur la fibre. Enfin, il faut une décision forte des pouvoirs publics pour remonter les opérations de mutualisation  dans des endroits moins nombreux et plus sûrs, tels que les nœuds de raccordement d’abonnés. Cela permettrait de générer des économies d’échelle pour investir dans une meilleure formation et rémunération des sous-traitants.

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