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Derrière l'enquête sur les comptes de campagne de Sarkozy, les vides juridiques du financement des partis politiques
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Pas si simple

Ce lundi 7 juillet le parquet de Paris a indiqué avoir ouvert une enquête préliminaire le 2 juillet sur le paiement par l’UMP des pénalités infligées à Nicolas Sarkozy après l'invalidation des comptes de sa campagne présidentielle de 2012. Les enquêteurs veulent savoir si un "abus de confiance" au préjudice de l'UMP, qui avait réglé la facture à la place du candidat, a eu lieu.

Laurent  Vidal

Laurent Vidal

Laurent Vidal est enseignant-chercheur en droit public des affaires, et avocat.

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Atlantico : Le parquet de Paris a annoncé ce lundi matin l’ouverture d’une enquête préliminaire sur le paiement par le parti des pénalités infligées à Nicolas Sarkozy après l’invalidation de ses comptes de campagne de la présidentielle de 2012. L’UMP avait-elle le droit de payer l’amende infligée à Nicolas Sarkozy, et est-ce donc vraiment illégal ?

Laurent Vidal : La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques indique que dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépendes électorales est constaté, elle fixe une somme égale au montant du dépassement, que le candidat est tenu de verser au Trésor public. En tout état de cause il semble bien que la prise en charge du remboursement soit d’ordre personnel. Autrement dit, il semble problématique, et même difficilement envisageable pour l’UMP de prendre en charge ces dépenses. Ceci dit, le texte dit que le candidat est tenu de verser la somme, mais ne dit rien sur la possibilité du parti de mobiliser  ou non des fonds publics. Tout dépend du statut de la dette du candidat vis-à-vis de l’Etat, et il est fort probable que l’UMP ait mis ses avocats sur le coup pour y voir plus clair.

Si le parquet ouvre une enquête c’est sans doute parce que la provenance de l’argent, récolté par l’UMP au travers de dons, est problématique. En effet lorsqu’on fait un don, on a théoriquement droit à une réduction d’impôt égale à 66 % des sommes versées, dans la limite des 20 % du revenu imposable, et jusqu’à 15 000 euros par an et par foyer fiscal. Donc lorsque des gens font des dons pour payer la dette de Nicolas Sarkozy parce qu’il a dépassé le plafond des comptes de campagne, ce sont les contribuables qui payent ladite exonération fiscale, soit 66% des quelques millions de dettes qui ont été financés par les dons.

En juillet 2013, le Conseil constitutionnel avait estimé que l'ex-président devait restituer au Trésor public l'avance forfaitaire de 150 000 euros qui lui avait été versée pour sa campagne, et payer les 363 615 euros correspondant au dépassement du plafond légal des dépenses. Pourquoi cette affaire ne sort-elle que maintenant ?

Jusqu’à présent on n’avait pas eu connaissance du prêt par le groupe parlementaire au parti politique, et on ne savait pas non plus comment s’étaient organisés entre l’UMP et Nicolas Sarkozy les remboursements de la dette pour dépassement de ses comptes de campagne. Si tout cela ressort aujourd’hui c’est parce que personne n’en savait rien, et que c’est à la suite de l’affaire Bygmalion que les informations sortent ces jours-ci : les nouveaux dirigeants sont en train de découvrir des choses que jusqu’ici ils ignoraient.

On s’aperçoit que la logique de personnalisation de la campagne présidentielle est poussée au maximum, aussi bien au niveau politique que juridique désormais. N’est-il pas hypocrite de tout faire peser sur le candidat, alors que celui-ci est l’émanation du parti ?

Supposons qu’il soit illogique de demander au candidat qu’il rembourse parce que l'UMP a été créé pour porter un candidat au pouvoir. Si ce n’est pas lui, qui doit le faire ? Le parti, le groupe politique ?

Cependant, les Français ont voté pour un homme, et non pour un parti. Et dans cette logique-là, c’est à lui de rendre des comptes. Mais comment distinguer ce qui relève de la campagne du candidat, et ce qui relève de sa fonction en tant que président ? Il est difficile de poser le curseur sur ce qui en 2012 relevait de la présidence et ce qui relevait des dépenses du candidat. Le président de la Commission des comptes de campagne lui-même, François Logerot, saisi dès fin 2011 par le PS, avouait qu’il aurait du mal à trancher certains cas, et qu’il était "quasiment impossible de distinguer son activité de président de la République de celle de futur et encore éventuel candidat, dans la période actuelle" (Libération, 1er décembre 2011).

Quelles peuvent être les suites judiciaires données à cette affaire ? Quelles peuvent être les conséquences pour l’UMP et pour Nicolas Sarkozy ? 

Si on considère que les créances de l’Etat qui pèsent sur lui doivent être remboursées par lui-même, alors Nicolas Sarkozy fera l’objet d’une enquête et d'un redressement fiscal. L’UMP, quant à lui, a payé une somme avec l’argent des militants : le député UMP Pierre Morel-A-L’Huissier a porté plainte contre X au nom des militants.  On ne sait pas encore à quelles suites cela pourrait donner lieu, car la chaîne des responsabilités est très compliquée : 518 millions d’euros sont versés par l’Assemblée nationale et au Sénat pour leur fonctionnement, une partie de cet argent public est reversés aux groupes parlementaires, lesquels font des prêts avec cet argent à un parti politique qui lui-même rembourse des frais de campagne excessifs, avec les dons de ses militants… On comprend que le Parquet veuille y voir plus clair.

Se pose une autre question, qui n’est pas encore réglée juridiquement : le statut des groupes politiques n’est pas du tout clair ; depuis 1924 le règlement de la chambre des députés précise que les groupes parlementaires n’ont pas de personnalité juridique et morale. Leur statut est "bâtard", et contribue à rendre plus obscure la chaîne des responsabilités. Quelle est la sanction pour un prêt accordé par un groupe parlementaire à un parti politique, si le premier n’a pas de personnalité juridique et morale ? Personne ne peut vous dire s’il a ou non le droit de procéder à un tel prêt.  Il faut savoir que dans leur fonctionnement, ce ne sont pas les groupes parlementaires qui passent des contrats avec les collaborateurs des membres desdits groupes, mais l’Association des présidents de groupes.

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