Derrière "Flowers", le mega hit de Miley Cyrus, l’autruiphobie contemporaine ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Miley Cyrus lors d'un concert à Los Angeles en 2019.
Miley Cyrus lors d'un concert à Los Angeles en 2019.
©FRAZER HARRISON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

I can buy myself flowers

« Je peux m’acheter des fleurs toute seule / Écrire mon nom dans le sable / Je peux m’aimer mieux que tu ne sais le faire », dit la chanson.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

Voir la bio »

Atlantico : « Je peux m’acheter des fleurs toute seule /Écrire mon nom dans le sable / Je peux m’aimer mieux que tu ne sais le faire », chante Miley Cyrus dans son tube « Flowers  ». Faut-il voir des paroles d’affirmation de soi et d’indépendance ? Ou d’allergie au compromis que suppose l’engagement ?

Pascal Neveu : Savez-vous que 10% des femmes s’offrent des fleurs le jour de la Saint Valentin ?

J’ai attentivement regardé le clip officiel de Miley Cyrus et lu les paroles. En dehors d’un environnement très favorisé (superbe villa, piscine, vêtements, sport, soleil…), elle explore selon moi le fait de s’autosatisfaire, de s’apprécier, de penser à soi sans être dépendant voire addict à l’autre.

Elle l’écrit après sa séparation, son ex-mari menaçant de déposer plainte pour diffamation, dans un contexte de règlements de compte !

Même si nous ne pouvons pas nous passer de l’autre qui nous reflète ce que nous sommes et ne sommes pas, se faire plaisir est un acte gratuit qui nous mène sur la voie si ce n’est du bonheur, en tout cas d’émotions positives. Les études montrent que ces moments sont bons pour la santé, le moral et le psychisme.

A l’heure où nombre de femmes sont victimes de violences et d’homicides, continuent à se faire harceler… cette chanson rythmée est un hymne à l’amour de soi qu’on doit se porter.

Ce sont des petits cadeaux qu’on peut s’offrir et apportent de la joie dans un quotidien tendu et de plus en plus sombre.

Que nous disent les données sur l’isolement, la solitude, la difficulté de s’engager etc. de la mentalité actuelle ?

À Lire Aussi

Les hommes ont de moins en moins d’amis et cela nuit à leur santé

La solitude est un sujet extrêmement tabou dans notre société. Nous n’osons pas dire que nous souffrons d’isolement, de solitude, de célibat. A Paris 50% des logements sont occupés par des célibataires, En France il s’agit de 44% de célibataires qui se sentent hors norme, différents, perdent confiance et ne se font pas plaisir.

Même si le pourcentage de séparations/divorces au bout de 6 ans de relation est de 50%, la question de l’engagement et de l’indépendance est de plus en plus vive. Même si mes patients sont parisiens, j’entends également des auditeurs de la France entière dans l’émission de Brigitte Lahaie, toutes tranches d’âge confondues. Il apparaît une crainte grandissante et des questionnements multiples au sein des couples. Faut-il des mots ou des actes d’amour ? L’être humain ne supporte pas de vivre seul ou alors se protège de cette « pathologie » qu’est l’amour. On pense donc davantage à soi, et l’autre peut passer au second plan.

Une « Autruiphobie » à comprendre comme phobie de l’autre, au sens « intime »/individuel, est-elle en train de se développer ?

Il existe déjà l’anthropophobie, la peur de l’autre et la blemmophobie (ou scopophobie) qui est la peur du regard de l’autre.

Il peut s’agir d’une anxiété liée à la timidité, le trac, un handicap, un trouble narcissique. Ces troubles ont augmenté depuis la pandémie. D’une part car il y avait pour certains ce fameux isolement, la peur d’être contaminé, le discours quotidien angoissant d’un « Monsieur Mort » qui comptabilisait le nombre de décès à 19h, mais aussi le port du masque qui a en quelque sorte déshumanisé notre société, puisque les expressions non verbales n’étaient plus possibles et nous nous contentions de regards « suspects », et l’absence de sourires. 

À Lire Aussi

Et l’homme qui dirige la plus longue étude scientifique jamais réalisée sur le bonheur a quelques leçons clés à prodiguer

Qu’est-ce qui peut amener à ces tendances ?

Un chiffre : la chanson a été vue 100 millions de fois en une semaine !

Un extrait : « J'ai construit une maison et je l'ai regardé brûler. »

Une tentative d’explication : tout le monde s’auto évalue dans le cadre de ses propres réalisations, projets, fantasmes personnels, professionnels, affectifs… Et le succès de cette chanson n’est certainement que le reflet de nos déceptions, nos incertitudes, un goût d’inachevé dans nos vies dont nous confions peut-être davantage les clés à un autre plutôt qu’à nous même.

C’est une sorte de rappel à l’ordre de notre cœur envers nous-même. S’aimer et se faire plaisir.

Mais il ne faut pas pour autant en devenir égoïste. Il faut panser ses plaies, penser à soi mais ne pas oublier l’autre. Car l’entourage et les amis sont des rappels à l’ordre de ne pas nous négliger.

Même si elle règle ses comptes avec son ex, Miley Cyrus nous rappelle à nos propres devoirs de nous aimer, tout comme l’autre peut nous aimer (et inversement), avec humilité, tact afin de parvenir au soin de soi.

J’avais un patient qui s’offrait un cadeau le jour de Noël, pour son anniversaire.

Noël c’est tous les jours, et s’aimer c’est se faire plaisir autant que possible… sans oublier les autres.

À Lire Aussi

Les vidéos virales de moments de gentillesse sont en plein boom sur les réseaux sociaux. Elles ont aussi un côté sombre

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !