Déplacements en jet du PSG : si Mbappé a ri, n’est-ce pas tout simplement parce que la question était risible ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Kylian Mbappé discute avec l'entraîneur Christophe Galtier à Tokyo, le 18 juillet 2022, dans le cadre de la tournée estivale de pré-saison de l'équipe du PSG au Japon.
Kylian Mbappé discute avec l'entraîneur Christophe Galtier à Tokyo, le 18 juillet 2022, dans le cadre de la tournée estivale de pré-saison de l'équipe du PSG au Japon.
©TOSHIFUMI KITAMURA / AFP

Exemplarité des sportifs

Lors d’une conférence de presse, le joueur du PSG Kylian Mbappé et son entraîneur ont rigolé à une question sur les déplacements en avions privés. L’entraîneur s’est même permis d’ironiser en disant qu’il envisageait de recourir aux chars à voile. S’il est clair que les joueurs de foot semblent peu concernés par les enjeux environnementaux, les réactions démesurées qui ont suivi illustrent le caractère transgressif de leur rire face aux nouveaux dogmes écologiques. Elles font surtout l’impasse sur les solutions qui pourraient être envisagées.

Michel Villard

Michel Villard

Michel Villard est universitaire. Il écrit sous pseudonyme.

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A quoi reconnaît-on l’apparition d’une nouvelle religion ? C’est simple : on ne peut plus en rire. Umberto Eco en avait fait la démonstration dans son grandiose roman historique Le nom de la rose, transformé en film par Jean-Jacques Annaud. Son message était aussi limpide qu’éternel : le sacré n’est pas compatible avec le rire. Salman Rushdie et Charlie Hebdo en savent quelque chose.

Le message d’Eco se vérifie d’autant mieux que de nouvelles religions apparaissent aujourd’hui, qui érigent de nouveaux totems. Essayez de faire une blague sur Black Lives Matter ou sur la cause trans, et vous verrez ce qui va vous arriver. JK Rowling a voulu plaisanter sur le fait qu’une femme a un utérus : elle a littéralement été excommuniée, telle une vile sorcière (tiens, curieusement, les féministes qui ne cessent de faire référence à la chasse aux sorcières n’ont pas songé à en voir une ici). Et pour un dessin jugé outrageusement transphobe, le dessinateur Xavier Gorce a été désavoué par le journal Le Monde et a préféré démissionner.

Parmi les adeptes des nouveaux cultes, force est de constater que les écologistes ne sont pas en reste. Avec eux, la nature a retrouvé la voie du sacré. Manger de la viande (surtout au barbecue) ou prendre sa voiture valent assurément la damnation éternelle. La culpabilité de l’homme moderne doit amener chacun à agir au mieux pour racheter ses fautes et sauver son âme en perdition.

L’attitude de Sandrine Rousseau ne trompe pas. Objet de moquerie via son compte parodique Sardine Ruisseau, elle s’émeut d’un tel manque de respect, elle qui porte une cause sacrée, et ajoute au passage qu’il ne faut pas caricaturer les « personnes noires » et les « personnes LBGT » car « c’est très humiliant ». Elle n’est pas allée jusqu’à demander la création d’un nouveau délit, comme elle l’a fait l’an dernier en prônant un délit de non-partage des tâches ménagères, mais on comprend que le cœur y est.

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Comme beaucoup d’autres, Sandrine Rousseau n’a pas aimé le rire de Kylian MBappé et de son entraîneur. Face au nouveau clergé, leur rire est apparu monstrueux, satanique, blasphématoire. La première ministre Elisabeth Borne elle-même a réagi. Comment peut-on oser rire sur un sujet pareil, alors que les nouveaux prophètes nous annoncent matin et soir que la fin du monde est toute proche et qu’elle sera là très vite si nous n’abandonnons pas sur-le-champ nos comportements jouissifs au profit d’une chaste et austère vertu ?

Il ne s’agit pas ici de prendre le parti des joueurs de foot. Eux aussi ont leurs obsessions religieuses, que ce soit avec l’islam ou avec diverses croyances ésotériques qu’ils semblent cultiver à grande échelle, comme vient de le montrer l’affaire Pogba, victime d’un curieux chantage de la part de son frère puisqu’il aurait menacé de diffuser une vidéo dans laquelle Paul Pogba demandait à un marabout de jeter un sort à son rival Mbappé.

Mbappé, justement : se pourrait-il que le sort jeté par ce marabout ait eu son effet, ce qui expliquerait l’origine de ce rire démoniaque, point de départ d’une chute finale que l’on devine prochaine pour cause de transgression ?

En tout cas, il est clair que les footballeurs sont à mille lieux des préoccupations sociétales ou écologiques qui font les délices de notre clergé actuel. Mais peut-on leur en vouloir ? On peut évidemment s’énerver face à tant d’indifférence, mais on doit aussi considérer que si Mbappé s’esclaffe, c’est tout simplement parce que la question qui lui est posée est absurde.

Les managers et les joueurs sont en effet des êtres rationnels. Ils font les choix qui sont les plus avantageux pour eux. Toute proportion gardée, demander à Mbappé de se déplacer autrement, c’est un peu comme demander à un chauffeur de camion comment il compte baisser son bilan carbone. Prendre un jet, quand on en a les moyens, est de toute évidence la solution optimale : vitesse, sécurité, tranquillité, tout y est.

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On peut s’en offusquer, hurler au sacrilège, appeler à la damnation éternelle, cela n’y changera rien. Bien sûr, Mbappé et son coach auraient pu répondre de façon plus subtile ou plus fourbe. Ils auraient pu dire qu’ils allaient y réfléchir, qu’ils feraient plus attention à l’avenir, qu’ils étaient « conscients du problème » comme aime à l’entendre la doxa contemporaine, mais cela n’aurait eu aucun effet tangible, et aurait juste été hypocrite.

Si l’on veut réellement changer cette situation, il faut agir sur les causes, ce qui implique notamment de rendre les déplacements en jet plus contraignants ou plus onéreux.

Or, le chœur des pleureuses qui a voué Mbappé et son entraîneur aux gémonies s’est bien gardé d’aller si loin. Personne n’a visiblement songé à questionner Elisabeth Borne sur ce qu’elle comptait faire pour ramener les brebis égarées au bercail. A-t-elle prévu d’interdire les jets privés ? De fermer les petits aéroports ? De taxer lourdement les déplacements en avion sur courte distance ? De limiter le budget des clubs ? De diminuer le nombre de matchs, ou que sait-on encore ?

Aucune de ces questions ne lui a été posées. On en est resté aux incantations et aux anathèmes. Telle est la limite des querelles théologiques : elles se complaisent en général dans les dénonciations et les incantations, se contentant de désigner celui qui doit être brûlé pour satisfaire la bonne conscience des braves ouailles.

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