Défibrillateurs à domicile : bonne ou inutile idée ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une initiation aux premiers secours
Une initiation aux premiers secours
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Choc électrique

Le défibrillateur a domicile pourrait, à terme, se démocratiser. Ce petit appareil permet après tout de sauver des vies ! Mais est-il toujours nécessaire d'en avoir un directement chez soi ? La réponse de l'expert.

Alexandre Bensaid

Alexandre Bensaid

Alexandre Bensaid est cardiologue à Paris.

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Atlantico : Parce qu’elle gardait avec elle un défibrillateur, une citoyenne américaine a eu l’occasion de sauver une vie en 2021 ; alors que tout laissait penser que la victime allait y rester. Ce genre d’expérience illustre un état de fait simple : la démocratisation de tels appareils pourrait potentiellement sauver des vies. Les défibrillateurs sont-ils suffisamment accessibles en France ?

Alexandre Bensaid : Chaque année, il y a environ 60000 morts par arrêt cardiaque, dont 95% des victimes vont décéder. L’intérêt du défibrillateur, mis à disposition précocément, en cas d’arrêt cardio-respiratoire est indiscutable. C’est une évidence. Dans 50% des cas, l’arrêt cardio-respiratoire est provoqué par un infarctus du myocarde, qui s’associent à des troubles du rythme du cœur. Le plus souvent, il est possible de les corriger au moyen d’un choc électrique. Bien sûr, il existe différentes anomalies rythmiques susceptibles de provoquer un arrêt cardiaque, mais la plupart d’entre elles demeurent accessibles à une défibrillation, qui permet alors de restaurer un rythme normal. 

Autre point majeur à mentionner : le temps d’intervention est l’élément pronostic principal dans la prise en charge d’un arrêt cardio-respiratoire. Autrement dit, les gestes de premier secours comme l’accessibilité du défibrillateur constituent des éléments majeurs dans le pronostic du patient pris en charge. Au-delà de trois minutes d’arrêt cardio-respiratoire non récupéré, les séquelles cérébrales commencent à s’installer. Au bout de 8 minutes, les séquelles sont irréversibles. Une intervention précoce, c’est davantage de chances de retrouver un patient dans son état initial après avoir prodigué les soins. Dès lors, il est évident que nous avons besoin de plus de défibrillateurs et de défibrillateurs de proximité.

Fort heureusement, ces derniers commencent à être de plus en plus répandus dans l’Hexagone, particulièrement dans les établissements qui accueillent du public, comme les mairies ou les complexes sportifs, par exemple. L’idéal, cependant, ce serait d’avoir un défibrillateur à tous les coins de rues et dans chaque café.

Les Français sont-ils suffisamment formés ? 

Il y a, en France, de quoi être enthousiaste à ce sujet : la vulgarisation concernant les gestes de premier secours et le développement de réseaux de premiers secours, notamment à l’aide d’applications de plus en plus populaires, permettent des interventions beaucoup plus nombreuses. C’est un effort à saluer et force est de constater que des progrès ont été faits ces dernières années.

Pour autant, cela reste hautement insuffisant. Ces réflexes doivent se démocratiser davantage, plus vite. Certes, la tendance que l’on peut observer est positive, mais nous sommes encore loin de toucher du doigt l’idéal auquel nous tendons.

La démocratisation de ces appareils devrait-elle aller jusqu’à ce que tous les foyers de France devraient en être équipés ?

Cette question est complexe et c’est parce qu’elle touche à la nature même de certains défibrillateurs. Un tel appareil, rappelons-le, doit être utilisé correctement.

Aujourd’hui, il existe deux types de défibrillateurs. Le premier, manuel, doit être réservé aux individus qui ont été dûment formés aux premiers secours ainsi qu’au personnel de santé.

Le second, que l’on trouve notamment dans les stades et dans les autres lieux publics, est semi-automatique. Il intègre, dans son fonctionnement, une analyse intégrée du rythme cardiaque. Cela lui permet d’identifier s’il est utile ou non de produire un choc électrique.

De ce fait, les défibrillateurs sont devenus assez facilement utilisables ; même sans avoir nécessairement eu recours à une formation spécialisée. Le problème est autant le nombre de défibrillateurs disponibles que leur utilisation : il faut savoir les localiser et inciter le grand public à les utiliser. Pour autant, serait-il justifié et utile de voir chaque foyer de France équipé d’un appareil semi-automatique ? D’aucuns argumenteraient sans doute que cela serait un peu excessif. A titre personnel, en tant que cardiologue, je ne peux que le souhaiter. 

Les délais d’intervention à domicile du Samu, ne l’oublions pas, est en moyenne de 13 minutes pour prendre en charge un arrêt cardiaque. On peut donc tout à fait imaginer qu’avec un défibrillateur à domicile, un certain nombre de patients en auraient tiré un grand bénéfice.

De tels appareils peuvent s’avérer très onéreux et, dans certains cas, ne seraient pas toujours très utiles. Ainsi, à en croire le New-York Times, un nombre conséquent de victimes d’arrêts cardiaques, pourtant équipées, n’ont pas pu être sauvées. Comment expliquer cette situation ? Ces éléments remettent-ils en cause l’utilité des défibrillateurs domestiques ?

Pour répondre à cette question, il faut prendre en compte plusieurs réalités, me semble-t-il.

Un individu vivant seul à son domicile, par exemple, ne saurait profiter de la présence d’un défibrillateur semi-automatique dans son logement s’il ne peut pas lui-même réaliser l’opération. Or, en état d’arrêt cardio-respiratoire, il en sera évidemment incapable. 

Du reste, tous les arrêts cardio-respiratoires ne peuvent pas être récupérés par la défibrillation. Dans ce cas de figure, le défibrillateur ne s’avèrera donc pas utile.

En outre, il ne faut pas sous-estimer l’état de panique et de sidération dans lequel l’entourage peut être plongé, quand il fait face à l’arrêt cardio-respiratoire d’un proche. Se faisant, il arrive parfois que l’on en oublie, au moins un temps, les gestes à appliquer : massage cardiaque, appel au Samu, utilisation du défibrillateur. A cet égard, il n’existe qu’une seule réponse : la formation.

Bien sûr, la question de la faillibilité de l’appareil peut-être soulevée. Mais les défibrillateurs étant de plus en plus souvent automatisés, ils permettent désormais de s’affranchir le plus souvent de toute analyse humaine.

Enfin, le coût d’installation du défibrillateur, que l'on estime entre 1000 et 2000 euros, hors maintenance, peut aussi constituer un obstacle à son installation dans certains foyers.

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