Découplage entre émissions CO2 et croissance : les chiffres qui montrent que l’extrême-gauche activiste du climat ne comprend RIEN à la réalité du monde<!-- --> | Atlantico.fr
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©JASPER JACOBS / BELGA / AFP

Écologie

De récents travaux publiés par le Financial Times montrent que la croissance du PIB et l'augmentation des émissions de CO2 ne sont pas intimement liés, explications...

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico - Le Financial Times a publié des données comparant l’évolution du PIB et des émissions de CO2. Qu’observons-nous ?

Pierre Bentata - Les données montrent un phénomène observé depuis plusieurs années et qui semble se confirmer : le découplage entre la croissance économique et les émissions de carbone (et d’autres produits polluants). Il y a longtemps eu une incertitude économique sur le sujet : devait-on nécessairement avoir proportionnellement la même quantité d’input polluant pour continuer à promouvoir la croissance.  Une partie des économistes, notamment de l'environnement, disaient que c’était obligatoire. Cela a d’ailleurs motivé le rapport Meadow du club de Rome, et tous les rapports préconisant la décroissance ou la frugalité comme seul moyen d’endiguer les émissions. De l’autre côté des économistes tournés marchés croyaient à la théorie telle que pensée l’origine par Kuznets. Il disait qu’il y avait une évolution non linéaire entre croissance et émissions carbone, mais ne l’avait pas prouvé : d’abord des fortes émissions, plus fortes que les gains de PIB, puis un ralentissement et un découplage. Les raisons en étaient technologiques, mais aussi une conscience environnementale plus grande des populations. Donc les données du FT confirment la théorie de Kuznets. Ce qui est intéressant néanmoins, c’est qu’on observe que cela concerne non seulement les pays les plus riches mais qu’il y a un rattrapage très rapide des pays en développement. Le transfert technologique et les changements mentaux et sociaux opèrent même dans les pays où le niveau de recherche n’est pas le même que dans les pays développés. Les Emirats Arabes Unis, l’Afrique du Sud, le Mexique, sont concernés. Il n’y a pas encore de baisse des émissions, mais la hausse est bien plus faible que celle du PIB. Donc le découplage concerne aussi les pays émergents. Il est toutefois plus fort dans les pays développés. La France est un exemple très notable. Le découplage est arrivé plus tardivement que dans les pays cités en exemple. La Finlande voit ses émissions décroitre dès les années 1980-1990.  En France c’est bien plus tard, mais la baisse est très forte immédiatement. Le scénario est relativement similaire aux Pays-Bas. Les pays européens ont de très bons indicateurs de performance environnementale. Et la France est souvent dans le trio de tête. Essayer de faire mieux n’apportera pas grand-chose, et nous sommes déjà sur la bonne voie.

Est-il possible de dire aujourd’hui combien coûte écologiquement un point de croissance ?

Certains auteurs, comme William Nordhaus ou Michael Shellenberger ont tenté de le faire. C’est un débat infini car il est très difficile de savoir ou s’arrêter dans ce que l’on prend en compte. Mais ce qui est sûr c’est que l’on peut avoir une croissance tout en ayant une réduction des émissions. En France, c’est même valable pour les émissions par habitant comparativement aux PIB par habitant. C’est une différence entre pays développés et en développement. Les Etats-Unis demeurent une exception quant aux effets du découplage.

Dans quelle mesure ces données remettent-elles en cause les théories, notamment de la décroissance, défendues par une partie de la gauche ?

Ces données confirment que leurs positions sont idéologiques et non scientifiques. Mais c’est quelque chose que l’on connaît depuis les années 1950, donc difficile d’imaginer l’utiliser comme contre-argument. Mais les partisans de la décroissance sont les mêmes que ceux qui nous prédisaient une réduction de la population à un milliard d’habitants, en raison de trop de pollution, les mêmes qui ont prédit un conflit mondial ou l’arrivée d’une ère glaciaire. Donc ces militants se sont trompés sur tout.  Pourquoi ? Parce que c’est un dogme. Donc certes, scientifiquement cela montre qu’on peut avoir de la croissance sans émissions de CO2. Mais ça ne change rien car on vous répondra que la Terre est un espace clos soumis aux lois de la thermodynamique. Les faits leurs donnent tort mais je ne crois pas que cela les dérange. Ce que ça montre surtout, c’est que d’un point de vue scientifique, la question de la décroissance ne se pose pas pour les pays développés. La question se pose en revanche pour les pays en voie de développement de savoir quoi faire, il y a un vrai débat. Comment faire pour que ces pays accèdent le plus vite possible au découplage. Certains préconisent des transferts technologiques très rapides, quitte à perdre de l’argent. D’autres disent que cette méthode ne fonctionnera pas car la population ne sera pas d’accord pour accepter un ralentissement de la croissance à court terme pour incorporer ces nouvelles technologies. Ils préconisent donc de les amener rapidement au niveau de revenu qui les fera être d’accord avec l’idée d’un découplage. Ce qui implique de les laisser polluer beaucoup plus aujourd’hui, afin de rapidement entamer la transition écologique.

Comment faire entendre ce discours aux hésitants sur ces questions ?

Cela est difficile car on leur serine à longueur de journée qu’il ne leur reste que quelques années à vivre avant une trajectoire balistique vers la fin du monde. A tout le moins, il faut communiquer sur les graphiques eux-mêmes, qui sont très faciles à comprendre. Les médias et les politiques doivent moins faire de catastrophisme. Mais ces données ne sont pas très intuitives. Il faut donc faire de la pédagogie, en science et en économie, pour faire comprendre qu’on peut produire plus avec autant voire moins. Tant qu’il n’y aura pas de compréhension de cela, difficile de rassurer.

Le FT titre sur l’idée que l'économie pourrait amener les pays au « net zéro » d’émissions de CO2. Est-ce un objectif atteignable ? Et souhaitable ?

Le découplage ne nous fera pas arriver à zéro. Pour cela, il faut des changements structurels importants. Il faut une extension du nucléaire et le développement de technologies toujours plus propres. Atteindre zéro est difficile, mais on s’approche d’une forme d’asymptote où l’émission marginale est proche de zéro. Mais atteindre zéro, nous n’y arriverons pas avec le type d’énergie dont nous disposons aujourd’hui.  Est-ce qu’il faut en faire un objectif ? Un horizon oui, mais l’objectif ne doit pas être là.

Quels sont les plus gros facteurs du découplage ?

D’abord, une productivité qui a augmenté. Il y a aussi une transformation structurelle vers des économies plus dématérialisées. La globalisation est aussi de plus en plus mature, ce qui permet d’augmenter les gains tout en évitant les gaspillages. La concurrence mondiale a participé de ce fait. La globalisation a enrichi les pays qui ont transformé leur façon de consommer et favoriser le découplage.

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