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Déconfinement : petits conseils médicaux pour savoir si vous devez vous précipiter chez votre médecin... ou laisser la place à ceux qui en ont vraiment besoin
©JEFF PACHOUD / AFP

Cabinets médicaux

De très nombreux malades ont refusé de consulter les médecins généralistes ou de se rendre dans les hôpitaux lors de la période du confinement. Cette tendance va-t-elle se poursuivre avec la phase du déconfinement et face à la peur du virus ?

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris est médecin généraliste.

Enseignant à Paris, il participe à de nombreuses émissions de radio et de télévision sur les questions de santé. Il est l'auteur de plusieurs livres médicaux dont "Santé : la démolition programmée", aux Editions du Cherche Midi.

Il a écrit  "Médicaments génériques, la grande arnaque" aux Editions du Moment.

Son dernier livre s'intitule "La fabrique des malades" aux Editions du cherche midi.

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Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico.fr : Beaucoup de malades ont refusé de se rendre dans les hôpitaux ou chez leur médecin généraliste ces dernières semaines. Pensez-vous qu’il puisse y avoir un retour massif des patients avec le déconfinement ? 

Guy-André Pelouze : Il n'est pas possible de prédire ce qui va se passer car le nombre de paramètres qui déterminent la décision d’aller en consultation est considérable. Il faut tenir compte du fait qu’un certain nombre de restrictions à la liberté de circulation persistent et même si les dérogations sont prévues, elles compliquent par exemple les déplacements des membres d’une famille qui aident les personnes âgées ou bien handicapées et habitent loin. Ensuite la productivité des cabinets médicaux va diminuer compte tenu des mesures de prévention de la transmission et cette diminution peut-être très importante dans certaines spécialités. À ce sujet il faut rappeler que le respect des mesures de prévention de la transmission virale s'imposent à tous. La fréquentation des cabinets médicaux a chuté de manière considérable et rapide si bien qu’il est peu probable que le retour des patients se fasse avec la même vitesse. Enfin les patients craignent de se rendre aux urgences pour des motifs non urgents car tous les Français savent que l'épidémie n'est pas terminée. Ce phénomène est intéressant à observer et pourrait confirmer que l’organisation des services d’urgence avec un tri avant l’entrée par une infirmière clinicienne est la clé d’un fonctionnement fluide. Dans ces conditions il me semble que la reprise va être lente et progressive.

Sauveur Boukris : Nous constatons depuis à peu près lundi 4 mai, une progression du nombre de consultations. Depuis le confinement du 17 mars, nous avons vu une chute de près de 50, à 70%, des consultations. Pendant ces dernières semaines, nous avons essentiellement vu des patients qui souffrent des symptômes du Covid-19 : des gens qui toussent, qui ont de la fièvre et qui sont très fatigués. Tous les malades habituels ont fui le cabinet et effectivement, nous supposons qu'à partir du 11 mai, il y aura une reprise et que nous retrouverons le rythme habituel. Cependant, je ne sais pas si l'on va arriver à un grand rush, selon moi, cela va se faire progressivement. Ce qui faisait que des gens ne venaient pas au cabinet, c’était bien souvent par peur d’attraper le virus. Ils se disaient également qu’ils n’allaient pas embêter les médecins, qu’ils pouvaient attendre, et puis, quatrièmement, les pharmacies pouvaient renouveler les ordonnances pour les maladies chroniques, les hypertendus, les diabétiques… sans passer par le médecin.

Quels seraient les patients, selon vous, qui devraient se rendre assez rapidement dans les cabinets ? Quels conseils donneriez-vous aux patients qui s'y rendront dès la fin du confinement ?

Guy-André Pelouze : En dehors des cas urgents qui doivent être pris en charge avec les moyens appropriés, je conseille aux patients de se renseigner sur la possibilité de téléconsultations. Environ 50 % des consultations peuvent être effectuées à distance sans perte de fiabilité pour le diagnostic ou le traitement. En revanche avec un gain de temps considérable et ainsi une probabilité plus grande de pouvoir consulter dans un délai raisonnable. Ces téléconsultations sont particulièrement intéressantes pour le suivi des maladies chroniques. Mais les possibilités technologiques étendent les indications de la téléconsultation. En revanche je conseille la téléconsultation chez son médecin traitant car en l’absence de dossier médical électronique la téléconsultation sur des plateformes de contact avec d’autres médecins est peu efficace.

Sauveur Boukris : Tout d'abord, tous ceux qui n'ont pas eu de bilan pendant plusieurs mois, en particulier les cardiaques, les diabétiques hypertendus. Tous les patients que nous surveillions régulièrement, tous ceux qui faisaient des bilans réguliers. Ceux-là sont prioritaires. Et puis, tous ceux qui n'ont pas eu de contrôles de leur tension, de leur diabète, de leur insuffisance cardiaque et de leur asthme. Il y a également tous ceux qui ont des suivis psychologiques, des troubles du sommeil et les patients anxieux. Il faut vraiment faire un point sur les traitements, et constater s’il y a eu des phénomènes de rebond avec eux. Il faut que les patients continuent de respecter les gestes barrières. De notre côté, dans notre cabinet par exemple,  nous avons organisé un système depuis le 4 mai que nous allons prolonger. Nous prenons la température des patients, nous leur donnons du gel hydroalcoolique et on leur fait porter un masque. Dans la salle d'attente, on limite le nombre de patients. 

Que conseilleriez-vous aux autres patients, qui n’ont pas de traitement régulier ou de bilan à effectuer ?

Guy-André Pelouze : Ces patients ne sont pas dans l’imense majorité des malades.  Si on fait l’expérience non d’une maladie mais des petits inconvénients de la vie qui vont du rhume, au mal de tête, à des nausées en passant par des troubles digestifs banals, un lumbago, une douleur des épaules après deux jours de reprise de l’entretien du jardin, il est peut-être utile d'attendre la résolution spontanée qui est la probabilité la plus élevée de ces manifestations cliniques. S’il s’agit de signes graves comme des douleurs dans la poitrine, une paralysie même transitoire, une fièvre forte et durable, du sang dans les selles ou dans les crachats bref rien qui ne ressemble à ce que l’on a déjà eu par le passé et qui inquiète ou le patient ou l’entourage il faut soit entrer en contact avec son médecin par téléphone ou en téléconsultation soit appeler le 15. Si la vie d’une personne est menacée par des troubles de la conscience, une chute majeure, une syncope, bref un évènement grave et inattendu il faut appeler le 15. 

Revenons aux petits inconvénients de la vie, dans ces cas il est possible que la consultation avec pour objectif une prescription médicamenteuse ne contribue pas à la santé. Et dans ce contexte une demande inutile est quelque part un petit obstacle à la consultation des malades sérieux ou en difficulté. Cette épidémie nous renvoit à l’essentiel. Rappelons que les antibiotiques sont inutiles dans les infections virales (rhumes, grippe, angine rouge…) et ne diminuent en rien la période d'inconfort, que les anti-acides ne sont pas indiqués pour une indigestion pas plus que les antiseptiques intestinaux, que les douleurs ne doivent être traitées par un antalgique que quand elles deviennent sévères et que l'automédication n'est pas sans danger y compris des complication graves. La liste est longue et c’est l’occasion de la revisiter. Consulter devient alors inutile. En revanche, et c’est toute la difficulté, les témoignages sont concordants, certains patients arrivent actuellement avec des signes cliniques déjà anciens et évolués et des diagnostics y compris de la Covid-19 sont faits bien après le début des signes. 

L'idée pour tous ceux qui n’ont pas de signe menaçant leur santé, est plutôt de renforcer son immunité et donc de choisir précisément son alimentation (c’est simple plus de 90% d’aliments entiers non transformés) et de faire de l'activité physique (c’est aussi très simple porter des petits poids et faire de la gymnastique sur un tapis même 10’) chaque jour. Pour ceux et celles qui sont concernés arrêter le tabac est probablement la décision la plus efficace du point de vue de sa santé personnelle en France aujourd’hui, loin devant toutes les autres. Il y a ainsi des choses très simples qui sont extrêmement utiles dans des situations de risque comme celle que nous connaissons.

Sauveur Boukris : Je pars du principe que la vie doit reprendre progressivement. Tout individu gêné par quelconque raison doit être traité. Nous les traitons comme avant. Effectivement, nous allons vivre avec des masques et du gel pendant quelques temps, mais c’est le prix à payer pour qu’il y ait une disparition de cette maladie. Je pense qu’à présent, la période aigüe où il fallait intervenir de façon urgente, comme les pompiers, est dépassée.

Que dire à celles et ceux qui redoutent le retour dans les cabinets ? 

Guy-André Pelouze : Tout rassemblement est un lieu de transmission. C'est pourquoi il faut s'organiser afin d'éviter les salles d'attente et y séjourner le moins de temps possible avec un masque. Pour cela il y a un changement organisationnel, les rendez-vous doivent être fixes et on peut comme certains médecins le font déjà appeler le patient qui attend dehors ou dans sa voiture à proximité. Ces changements ne sont pas là pour quelques semaines mais probablement pour plusieurs mois. Il est donc important de consacrer l'effort organisationnel nécessaire pour que les cabinets médicaux fonctionnent tout en évitant la transmission du SARS-Cov-2 mais aussi d’autres maladies infectieuses. Il est probable qu’à l’avenir même pour les infections saisonnières comme la grippe, des mesures de ce type et le port d’un masque soit pratiqués. Oui, ce serait un effet positif de cette épidémie. Certes la grippe est moins mortelle que la Covid-19 mais pourquoi la transmettre à mon voisin de salle d’attente, chez mon médecin ou au laboratoire d’analyse?  Surtout que j’ignore ses facteurs de risque, s’il a été transplanté récemment par exemple, s’il prend un traitement pour une maladie auto-immune, s’il est diabétique et puis j’avais oublié à côté de moi à gauche il y avait aussi une patiente de 93 ans... Ce civisme pourrait arriver à se produire.

Sauveur Boukris : Je pense qu’il est bon de faire des bilans après cette période, pour toutes les personnes qui ont été exposées à des personnes atteintes du Covid-19 ou toutes celles directement touchées. Aller chez son médecin pour voir les globules rouges et blancs. Nous venons de traverser une crise avec des personnes symptomatiques et asymptomatiques. Si nous faisons un état des lieux de tout le monde, avec des tests non sérologiques mais par prise de sang, cela permettrait de rassurer les patients. 

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