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Décision sur GM&S : ce dont l'industrie française aurait vraiment besoin pour ne plus enchaîner des cas d'entreprises intraitables isolément
©REUTERS/Stephane Mahe

Industrial Blues

Le mois d’Aout et les conflits sociaux s’essoufflent, l’affaire GMS parait entamer sa dernière ligne droite, le président du Tribunal de Commerce regrettant tout fort l’extrême médiatisation du site de La Souterraine qui aurait retardé la solution.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Le mois d’Aout et les conflits sociaux s’essoufflent, l’affaire GMS parait entamer sa dernière ligne droite, le président du Tribunal de Commerce regrettant tout fort l’extrême médiatisation du site de La Souterraine qui aurait retardé la solution. On a d’ailleurs une issue classique « à l’ancienne », une reprise avec maintien de 43% de l’effectif, des promesses d’investissements et de commandes des deux grands constructeurs automobiles nationaux, à savoir Peugeot et Renault. Il ne sert à rien d’incriminer les nouveaux Ministres, le repreneur et les patrons clients de GMS, l’échec collectif date de bien longtemps et les derniers acteurs du drame ont essayé de faire avec ce dont ils disposaient. On hésite entre « c’est toujours ça de pris «   ou » ça ne résout rien «, mais les pauvres gens qui se sont battus pour faire survivre leur site garderont un gout amer de ces mois d’angoisse et de désespoir. 

J’ai bien conscience de déranger les commentaires habituels mais je pense d’abord aux salariés de l’entreprise qui ont été ballotés pendant au moins quinze années, ils ont tenté l’impossible et pour moi, industriel ,cela prouve une volonté, une ténacité, un dynamisme, une imagination, un attachement à l’entreprise qu’il est absurde de ne pouvoir utiliser. Ils auraient accepté sans broncher leur triste sort je n’aurais pas le même sentiment, car pour moi  ces mouvements vigoureux qu’ils ont animés, cette détermination, cette cohésion me conduisent à dire qu’il y avait là les capacités à innover, créer, entreprendre et qu’une grande partie de ce personnel ne puisse pas être utilisé à des taches industrielles est un gâchis.

Le deuxième élément à prendre en compte est celui de ce petit village de la Creuse qui ne vit que de cette activité industrielle depuis des dizaines d’années, la compression du site est un drame, il illustre bien la faillite de la politique industrielle française  qui n’a pas suffisamment pris en compte les territoires de l’ensemble du pays. 

Les enseignements que nous devrions en tirer sont de plusieurs ordres, mais je prendrai les principaux 

Tout d’abord, puisque dans notre pays c’est toujours à l’Etat que l’on demande de dénouer les situations de crise, il faut qu’il organise mieux l’anticipation et la reconversion des sites industriels. Cela ne veut pas dire que tout doit être centralisé et fonctionnarisé, bien au contraire, une affaire comme celle de la Creuse aurait dû se régler en amont il y a au moins une dizaine d’années avec la participation d’acteurs économiques locaux en évitant les fausses reprises de sites par de faux repreneurs . Lorsque vous traversez les villages industriels de Vendée vous comprenez comment un tissu industriel peut vivre et prospérer en « encaissant » les déclins ou morts d’activités devenues non compétitives ou obsolètes. Lorsque le carnet de commandes baisse, il est nécessaire d’avoir une mobilisation locale pour savoir si c’est un problème structurel ou une incapacité du dirigeant,  et cela peut se régler avec des reconversions et l’accueil de nouvelles activités. Il existe des Maires qui ont ainsi cru très tôt aux écosystèmes locaux et régionaux et qui ont assuré le succès de leurs cités, je pense à Nantes ou à Vitré par exemple. Ailleurs des édiles locaux se sont orientés vers les maisons de retraites, c’était leur droit, mais les résultats sont là !  Il fallait croire à l’industrie au bon moment …et il est encore temps ! 

Mais on observe aussi que bon nombre d’épargnants aimeraient soutenir l’activité économique dans un secteur d’activité et dans un territoire bien défini pour « préparer l’avenir de leurs enfants et petits-enfants «  qui voudraient rester dans leur région. Ils sont orientés indistinctement vers l’assurance-vie qui n’intervient pas du tout dans l’activité industrielle mais seulement dans l’immobilier ! C’est aussi cela la réalité de l’appauvrissement industriel de nos territoires ! 

Cette affaire GMS, apparue opportunément en période électorale et parfaitement médiatisée pourrait se transformer en symbole de notre compréhension nouvelle des maux dont nous souffrons 

Il nous faut anticiper, les évolutions et les révolutions industrielles sont le fonctionnement normal de notre économie. Les sinistres sont prévisibles, ils tiennent au progrès scientifique et technique permanent et en accélération constante. Et souvent les politiciens s’en mêlent ! Qui s’interroge sur les conséquences de la généralisation souhaitée du véhicule électrique en France sur l’activité d’emboutissage du secteur automobile et de l’usine de La Souterraine en particulier ? Qui questionne la technique d’imprimante 3D au sujet de l’emboutissage ? Laissons donc aux industriels le soin de savoir ce qui va arriver à leur secteur d’activité et demandons leur d’anticiper les transformations sans les « commander » de façon irresponsable ! L’industrie automobile française c’est 16% des emplois industriels, avant de « décider » du futur…français regardons quel est le futur…mondial et essayons de nous y préparer…avec humilité et sans idéologie !

La reconversion industrielle est une activité à part entière où  les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer , c’est ainsi que l’on a pu traiter au mieux les sinistres industriels de la précédente révolution industrielle, celle des automatismes. La suivante, celle d’aujourd’hui,  celle du numérique et des robots est en route, elle n’a pas été préparée !( Mais les pouvoirs publics ne doit pas s’entendre par le pouvoir Parisien, ni les fonctionnaires parisiens.)

Des difficultés comme celle de La Souterraine ne devraient jamais être traitées au niveau national, l’écosystème local et régional devrait fonctionner, y compris dans la Creuse ! 

Les banquiers régionaux devraient être des acteurs de premier plan pour alerter et prendre en charge les ébauches de solutions, ils le font dans certaines régions, ils pourraient encore le faire mieux si de l’argent local pouvait être mobilisé pour soutenir l’industrie locale . 

La mobilisation extrême, les tentatives désespérées, même si elles sont condamnées par ceux qui en subissent les désagréments devraient être mieux interprétées, elles sont aussi un signe de volonté, de combativité et d’initiative, notre industrie en a cruellement manqué !  

L’industrie c’est une des écoles du risque, les patrons des entreprises ont cette responsabilité, de prendre des risques, scientifiques, techniques, industriels et financiers, dans un environnement de plus en plus turbulent. Lorsque les résultats ne sont pas bons, il faut redoubler de prises de risques, ce qui fait du chef d’entreprise industrielle un aventurier moderne. Plus les salariés sont informés, consultés, mobilisés, et plus il y a acceptation du personnel de la stratégie choisie et mieux sont acceptées les conséquences. Dans la triste histoire des dernières années de La Souterraine il y a eu absence de chef d’entreprise et les salariés ont tout subi, ce n’est pas ma conception du fonctionnement de la majorité des entreprises, du moins de celles qui réussissent.    

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