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Déchéance de nationalité : pourquoi Manuel Valls a décidé d’aller seul au combat
©Reuters

Allô docteur Freud

Manuel Valls a décidé de porter seul la réforme sur la déchéance de nationalité. Une stratégie politique de sa part, adoubée par l'Elysée, mais pas seulement. Les attentats ont personnellement affecté le Premier ministre dans ses convictions ainsi que dans son action publique. Cette révision est à la fois un combat politique et intime.

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus est un journaliste politique français. Spécialiste des questions de l'Elysée et du Gouvernement pour i-Télé, il a déjà publié divers ouvrages dont Tir à vue: La folle histoire des présidentielles, avec Frédérique Bredin, aux édtions Fayard, 2011 (disponible ici). 

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Atlantico : Pourquoi Manuel Valls est en première ligne pour cette réforme constitutionnelle ? 

Jean-Jérôme  BertolusManuel Valls est en première ligne pour plusieurs raisons. Depuis quelques semaines, on note un partage des rôles entre le Président et le Premier ministre. Le chef d’Etat rarifie ses prises de parole contrairement il y a quelques mois où il recherchait les micros. Aujourd’hui, même ses discours à l’Elysée ne sont pas toujours retransmis par le pool communication et a fortiori par les autres chaines d’info. À l’inverse, Manuel Valls est sur toutes les ondes. Mais au delà de la communication, il y a une raison plus politique. La stratégie de l’exécutif était que le projet de loi sur la déchéance de la nationalité devait être bloquée par le conseil d’Etat. En tout cas, lorsque le Président l’annonce, il pensait que le conseil d’Etat servirait de butoir mais cela n’a pas été le cas. Pour Manuel Valls, la déchéance de la nationalité permet de répondre au désir d’union nationale après les attentats terroriste. Mais c’est également une réponse politique donnée à la droite. Valls pense qu’il est possible, avant même les élections, de faire des ponts entre une certaine gauche et une certaine droite et de se détourner de la gauche du PS et de ses alliés traditionnels. 

Vous pensez à Christiane Taubira?

Christiane Taubira bénéficie d’un statut véritablement à part. On connait les passes d’arme entre Manuel Valls et Christiane Taubira et les déclarations critiques des proches du premier ministre  et d’autres parlementaires à son égard. Certes, il est inhabituel que la Garde des sceaux ne présente pas ce projet de loi. Mais dans la perspectives des présidentielles, elle représente peut-être un point ou deux du vote PS. On ne sait pas combien d’électeurs elle peut rassembler mais chaque point compte pour François Hollande qui a la main sur le gouvernement. Cela m’étonnerait beaucoup que Christiane Taubira soit débarquée lors du prochain remaniement. Lors du conseil de rentrée, le chef d’Etat lui a rendue hommage notamment pour son projet de loi sur la justice du 21e siècle et lui a donné lune fenêtre de tire parlementaire.  Elle va avoir deux projets de loi à gérer : la reforme pénale dans le cadre du projet de loi du financement anti-terroriste et la justice du 21 e siècle. Sa réforme de la justice des mineurs est toujours inscrite à l’agenda 2016 même si il y a peu de chance qu’elle soit menée à quelques trimestres des présidentielles. Christiane Taubira justifie donc d’un bilan important qui justifie son statut particulier.

Qu’est ce qui motive Manuel Valls? L’émotion personnelle ou l’intérêt politique? 

Manuel Valls a été très affecté par les attentats. Lorsque Manuel Valls était ministre de l’Intérieur, il se souciait déjà de ces Français qui partaient faire le djihad en Syrie. Dès 2013, il savait que ce problème allait devenir central et qu’il fallait déjà s’en préoccuper alors qu’à l’époque personne n’en parlait. Manuel Valls a une vision tragique de l’histoire et ne manque pas de le rappeler. Mais si il a un vécu personnel des attentats, c’est aussi la position régalienne que Valls met en avant avec un Etat qui ne plie pas. En revanche, en dehors de l’hypothèse de sa candidature potentielle aux présidentielles de 2017, Manuel Valls a une haute estime de ses fonctions. Valls est un anti-Raffarin. Il a subi un petit passage à vide il y a quelques mois où il ne parvenait plus à trouver sa place au sein du duo de l’exécutif.  François Hollande est un as pour manier la stratégie de l’édredon. Il ne tue pas mais asphyxie et Manuel Valls s’est trouvé à un moment étouffé par les plumes hollandaises. Or, Manuel Valls a besoin d’exister et de montrer qu’être Premier ministre ce n’est pas être collaborateur. D’ailleurs, il fait des voyages officiels à l’étranger, domaine réservé normalement au chef de l’Etat. Et puis, la recomposition politique actuelle vient de Matignon. C’est son idée et son projet qu’il travaille et qu’il porte pour l’après 2017.

Manuel Valls n’est-il pas en train de se forger une image trans courant pour 2022?

Le coté transpartisan de Valls n’est pas seulement une question d’image mais imprègne sa stratégie politique. Il n’a pas franchement peur des grandes coalitions.  Il aimerait bien que le Ps se transforme en un parti social démocrate et fasse scission avec la gauche de la gauche. Et, si Hollande parvient, grâce à un tour de force, au deuxième tour et gagne les présidentielles, les législatives vont être compliquées pour dégager une majorité. Il est donc intéressant de jeter des ponts à droite dès maintenant. Mais vu la complexité de la situation politique et les bouleversements que la France traverse en ce moment, les projections sur 2022 me semblent bien risibles.

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