Dans la tête des nouveaux barbares : mais que détestent vraiment ceux qui veulent planter des Blancs ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Une banderole en hommage à Thomas, tué en marge d'un bal à Crépol (Drôme). Romans-sur-Isère, 24 novembre 2023
Une banderole en hommage à Thomas, tué en marge d'un bal à Crépol (Drôme). Romans-sur-Isère, 24 novembre 2023
©NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP

Crépol

S’agit-il d’une haine de la France et de ses symboles ? De racisme brutal ? Ou encore de haine de soi-même chez des individus déstructurés ?

Sabrina Medjebeur

Sabrina Medjebeur

Sabrina Medjebeur est essayiste et sociologue. 

Voir la bio »
Jean-Marc Ben Kemoun

Jean-Marc Ben Kemoun

Jean-Marc Ben Kemoun est psychiatre des Hôpitaux, Pédopsychiatre, Médecin légiste, Responsable adjoint de l’Unité médico-judiciaire, Responsable de l’unité d’accueil des mineurs victimes des Yvelines, Chargé d’enseignement à l’Institut de Criminologie de Paris (Paris II), Expert auprès la Cour d’appel de Versailles

Voir la bio »

Atlantico : Dans un podcast diffusé par Le Dauphiné Libéré, de jeunes participants à la soirée sont revenus sur la nuit tragique de l'agression à Crépol et sur la mort de Thomas. Que détestent vraiment ceux qui "veulent planter des Blancs" ? Qu'est-ce qui a pu animer les auteurs de l'agression ? Que penser de leur attitude et de leur comportement ?

Jean-Marc Ben Kemoun : Le plus souvent d'ailleurs, ce sont des individus qui ont des passages à l'acte de type décharge émotionnelle. Il y a une immédiateté de l'action. Il n'y a pas de pensées, il n'y a pas de paroles, il n'y a pas de mots. C'est un passage à l'acte assez brutal. 

Maurice Berger dit que la parole ne vient pas faire tiers, ce qui veut dire que la parole ne vient pas se mettre ne joue pas ce rôle d’essai de résolution, de faire sens entre les protagonistes. Ce sont des personnes pour qui les mots n'ont pas de sens, ou pire il n’y a pas de mots. Ils sont dans une incapacité à élaborer, à mentaliser, à penser par soi-même. On parle de déstructuration psychique, c’est-à-dire d'incapacité à penser par soi-même, une dissolution de soi. S’ajoute à cela les modèles externalisés et non contrôlables de l'information par les réseaux sociaux qui viennent rajouter à cette incapacité à penser par soi-même. L’individu va penser par le biais du réseau social, par le biais de ce qu'on nous fait ingurgiter toute la journée.

Ce passage à l'acte ou plutôt cette absence de mots, cette absence de paroles ; ça rend l'autre déshumanisé comme s'il était un objet. L’individu se dit qu’il ne va pas s'attaquer à un humain. Il va s'attaquer à quelque chose de déshumanisé. On retrouve ces modalités de pensée indifférenciée dans le terrorisme.

Ces individus sont dans une décivilisation avec une déstructuration psychique et comportementale. Le groupe société ne fait plus sens pour eux. Il n'y a pas d'appartenance au groupe société. Il y a un sentiment majeur d'appartenance à un autre groupe qui entraîne le rejet de tout ce qui n'appartient pas à ce groupe. Si vous n’en faîtes pas partie, vous êtes déshumanisé. Il y a un sentiment supérieur d'appartenance au groupe qui est supérieur à l'appartenance au groupe nation, au groupe société, au groupe scolaire... à tous les groupes qui font notre identité. Ils sont dans une autre identité que l'identité de la société, il y a nous ou rien.

Sabrina Medjebeur : « L’oppression raciale » envers des populations dites « racisées », à savoir non blanche est un des facteurs qui déterminent les rapports sociaux dans les quartiers populaires depuis l’avènement de l’idéologie antiraciste née dans les années 1980 consécutivement à la marche des Beurs en 1983, homologuée par l’association SOS Racisme, initiée par Julien Dray, Malek Boutih et Harlem Désir. Cette idéologie victimaire s’est également propagée au sein du tissu social et économique des quartiers à travers un discours prônant la victimisation et la discrimination que « subiraient » les jeunes des quartiers par les responsables d’associations, certains imams et élus mais également dans l’Éducation Nationale. On se souvient tous des propos tenus par Madame Christiane Taubira, garde des Sceaux sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui souhaitait « taire » la traite arabo-musulmane (la plus longue et la plus meurtrière), dans les programmes pédagogiques, de peur de froisser les susceptibilités des élèves d’origine maghrébine ou d’Afrique subsaharienne. On se rend compte depuis toutes ces années qu’être une « victime », comme l’expliquent les sociologues américains Bradley Campbell et Jason Manning, est perçu comme un statut moral, et ceux qui peuvent s’en prévaloir sont hissés sur un piedéstal. Dans la société américaine et plus largement dans le monde anglo-saxon, dont on ne peut pas nier les influences des représentations culturelles en France, tout doit être désormais interprété selon le prisme de la couleur de la peau. La « blanchité », concept consacré par Robin Di Angelo dans son ouvrage « Fragilité blanche » publié en 2011, inspire largement la pensée indigéniste et la renforce dans son acception la plus divisionniste et malhonnête. Ce nouvel antiracisme devient furieusement un nouveau racisme qui tend à stratifier la société en deux : les « blancs » comme les oppresseurs et les minorités « racisées » comme les opprimés. Cette lecture victimaire et essentialisante des rapports sociaux forge, entre autres chez ces derniers, une doctrine revancharde, (qui s’appuie uniquement sur le lot de la frustration et du nihilisme), et qui s’accompagne dangereusement d’une violence de plus en plus désinhibée et de plus en plus radicalisée parmi des très jeunes adolescents. Autrefois, il y avait cette expression « gwer » ou « galoui » prononcée dans les quartiers envers ceux qui ne vivaient pas selon leurs mœurs et coutumes. L’assassinat du jeune Thomas révèle un nouveau paradigme. De l’expression insultante, on est passé à la culture de la mort du « blanc ». Ce qui va se passer d’un point de vue judiciaire va être un point de bascule. Soit la justice est ferme et caractérise la preuve d’un racisme anti-blanc et dans ce cas là, on peut espérer une conscientisation des actes de ces maîtres d’œuvres macabres par une peine de prison ferme, soit la justice rend une décision légère qui renforcera leur sentiment d’impunité, et là, on peut être surs que ces assassinats ethniques vont se reproduire. Les tensions identitaires sont telles dans notre pays que l’on peut imaginer que s’installe un système d’auto-défense et de droit milicien en raison d’une justice faible, d’une contre-société installée et d’un manque de volonté politique ferme. Rappelons ce que Baldassare Castiglione, écrivain et diplomate italien de la Renaissance, avait consigné dans son Livre du courtisan : « En pardonnant trop à qui a failli, on fait injustice à qui n’a pas failli ». Ce sentiment du deux-poids, deux-mesures se conscientise davantage parmi toutes les dynamiques sociales « urbanité/ruralité » et générationnelles.


Les auteurs de l'attaque à Crépol sont-ils animés par une haine de la France et de ses symboles ? Les jeunes auteurs de l'attaque font-ils preuve de racisme brutal ?

Sabrina Medjebeur : Les gangs ultra-violents savent très bien ce qu’est la République, son modèle d’organisation sociale, ses lois et sa culture. Sans doute même mieux que le camp républicain lui-même, empêtré dans sa tétanie, sa lâcheté et son hébétude. Lors des émeutes de juin 2023, par exemple, ils ont très bien su identifier tous les symboles de la République puisqu’ils ont brûlé ceux qui se trouvaient sur LEURS territoires ! L’école, le commissariat, le centre des impôts, la mairie, les policiers, les transports, les centres médicaux et bien d’autres ont été visés et détruits en raison de l’immixtion insupportable d’un clan rival sur leur territoire : celui de l’État. Et le problème est la réponse à tous ces pillages. l’État n’a pas agit comme il devait, à savoir comme « le Père de la Nation ». Comme un adulescent, l’État a été incapable d'être vertical autrement dit debout devant l'exaltation de la violence de ces irrédentismes alter-identitaires et infra-nationaux constitués depuis fort longtemps qui seront bientôt matérialisés par la combinaison du narco-banditisme et de la lutte confessionnelle. Nous l’avons vu, nous, citoyens français,  muré dans son silence, et son esquive à nommer le fond du problème, qui caractérise « l'enfant appeuré ». Tant que ces gouvernants ne comprendront pas qu’il s’agit de contrer un système de valeurs homologué par l’honneur de ces clans, en se dotant d’une politique ferme qui renverserait le rapport de force, cela continuera en vain. Les plans banlieues n’y changeront rien…L’organisation de ceux dont l’impulsivité n’a aucune barrière est montée psychiquement sur le modèle du clan et non sur celui de la famille nucléaire, encore moins sur celui de la société. La perte d’un de leurs membres n’est pas vécu sous la modalité du deuil, du chagrin, de la tristesse et de la dignité familiale mais sous la modalité de la haine, de la colère et de la vengeance. Ces clans ne sont pas structurés autour de la culpabilité, mais autour de l’honneur et de l’humiliation. Du narco-banditisme, aux assassinats, en passant pas les délits d’agressions et de harcèlement, nous avons besoin d’un État plus fort que la loi du plus fort.

Ce sont des individus déstructurés qui ne comprennent pas leurs gestes ou au contraire, sont-ils conscients de leurs actes ? 

Jean-Marc Ben Kemoun :Je ne crois pas qu'il y ait une abolition du contrôle des actes et du discernement. Je crois que ces individus savent ce qu'ils font dans une certaine logique. 

C’est une logique d'incapacité à ne pas passer par l'acte face à une frustration ou à ce qu’ils vont ressentir comme un sentiment d'injustice. Ils vont passer à l'acte avec le sentiment d’être dans leur bon droit. Une sorte de report de la faute sur l'autre. Si je l'ai tué, c'est de sa faute parce que c'est lui qui a fait que je le tue : il m’a regardé, il m’a provoqué. C’est une dimension quasi paranoïaque de projection sur l'autre. Il n’y a plus d’intégration de l’interdit, l’interdit n’est pas reconnu dans le groupe seulement la hiérarchisation, et l’absence de pensée autre que la pensée du groupe. C'est plus que de la haine. C’est le sentiment que l'autre n'est pas humain parce qu’il n’est pas avec nous, il n’est pas nous. Mais on sait qu'on fait quelque chose d'interdit, interdit qu’on ne reconnait pas. Cela entraine l’absence de sentiment de culpabilité. Dans le lot, il y a probablement des individus qui sont atteints de troubles psychopathologiques. Mais là, on n'est pas dans une dimension de troubles psychiatriques. La majorité du temps, on n'est pas dans ce type d'individus.

C'est plus une question de déshumanisation par la désappartenance au groupe société. Le nouveau groupe, auquel on appartient, vient penser à notre place. Ce groupe va nous donner un sens, une réalité à ce qu’on est et l’individu va agir dans cette dynamique de groupe. 

Qu'est-ce qui pousse un jeune à se munir d'une lame de couteau de 20 cm pour aller tuer un autre adolescent ? De la folie ? De la haine ?  

Jean-Marc Ben Kemoun :Il n'y a pas toujours préméditation. Un jeune peut porter un couteau parce que dans son groupe, il est classique d'avoir un couteau, outre les rituels de passage. L'arme donne aussi un sentiment de puissance. 

Très souvent, ces individus se regroupent dans des dynamiques de rejet de l'autre et notamment de rejet de l'autre féminin. Dans la façon dont ces gens ont été éduqués, on retrouve très souvent l'asymétrie entre l'homme et la femme, le rejet de la femme par l'homme, la femme objectivée par l'homme etc. D'ailleurs, si vous regardez les pays dictatoriaux, très souvent, la femme a une position d'objet ou de sous-humain. Donc, on retrouve souvent ces modalités de déséquilibre entre la valeur de l'homme et la valeur de la femme, avec le besoin de montrer sa puissance. L’analyse de la biographie de ces personnes fait le plus souvent ressortir qu’ils sont été confronté très jeunes à la violence conjugale, la maltraitance, la violence comme résolution des conflits, mais aussi le repli, la fermeture sur l’extérieur vécu comme mauvais ou hostile. Il y a une sorte d’internalisation de l’agresseur, de la violence comme mode de fonctionnement au-delà des mots. Le niveau socio culturel n’est pas le facteur de risque prégnant dans la recherche des facteurs de risque de ces violences, mais plutôt la qualité de l’attachement primaire tel que le définissait Bowlby.

Il a aussi une perte du rapport à l’histoire, l’histoire de sa famille, de son groupe historique, de son pays voir souvent une histoire erronée, manipulée, reconstruite autour de la frustration et de l’injustice qui vient stigmatiser le rejet de l’autre.

Le couteau, c'est l'objet phallique par excellence. L'objet pointu qui pique, qui pénètre, qui peut être à l'origine de ce sentiment de puissance. Le fait qu'on est capable de mettre l'autre à terre, de le planter ou de le tuer ; c'est le rendre dans une soumission totale. 


Selon la rédaction du Parisien, en garde à vue, les suspects du meurtre de Thomas ont commencé à donner leur version de cette soirée. Certains évoquent une première altercation liée à des moqueries sur la chevelure de l’un d’entre eux à l’intérieur de la salle des fêtes. La futilité des prétextes de cette agression et de ce basculement dans la violence ont-ils été les catalyseurs d’une haine non maîtrisée ou déjà présente ?

Sabrina Medjebeur : En 2018, une enquête de l’Insee a indiqué une violence gratuite « toutes les 44 secondes en France ». Cette violence se manifeste très souvent par des prétextes : un mauvais regard, une cigarette que l’on ne veut pas donner, une critique sur le physique, des avances sexuelles refusées, des bousculades qui peuvent survenir et bien d’autres soubassements. Ces prétextes ne sont pas les catalyseurs, ils sont l’expression de leur volonté de créer des altercations verbales qui légitimeraient leurs violences physiques. C’est un habitus dont font les frais toutes personnes qui les rencontrent et très souvent ils agissent en meute, bien qu’il y ait des cas de personnes isolées comme le samedi 25 novembre dans le RER A à l’arrêt Nanterre-Préfecture où un jeune homme d’origine étrangère a insulté une jeune fille de « pute » en tentant à deux reprises de l’agresser physiquement. C’est révélateur, comme vous le souligniez, d’une haine non maîtrisée, simplement parce qu’ils agissent systématiquement dans le débordement pulsionnel sans élaboration mentale du « bien et du mal ». De nombreuse études pédopsychiatriques soulignent l’absence totale d’empathie de ces profils pervers qui sont dans la négation de l’altérité. Ces comportements sont, une fois de plus, le résultat d’une éducation violente et clanique déresponsabilisée qui considère que l’autre (la société française) mérite ces châtiments et que les individus qui la composent doivent en payer le prix. Il s’agit toujours de démontrer qui est le leader, « le boss » qui doit les « terminer » pour reprendre leurs expressions que je connais bien. Il y a un normatif sociologique dont on ne parle jamais et qui, pourtant, est bien installé dans ces quartiers c’est la « Hagra », ce qui veut dire « faire la misère ». On l’a d’ailleurs observé sur les affiches de la dernière manifestation « justice pour Nahël » où l était indiqué : «  de la hagra à l’intifada », ce qui veut dire : « faire la misère à la guerre ». Il faut le comprendre et urgemment. 


La haine ou la colère des auteurs présumés peut-elle être liée à la frustration sexuelle ? Une partie de ces jeunes déstructurés qui passent à l’acte de manière violente, et qui sont souvent rejetés par les femmes, ne manifestent-ils pas leur haine et leurs frustrations à travers leurs agressions ? 

Sabrina Medjebeur : « L’Autre vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir. Le sexe est la plus grande misère du “monde d’Allah” », écrivait Kamel Daoud dans Le Monde du 5 février 2016, au lendemain des agressions sexuelles qui s’étaient déroulées à Cologne, le soir de la Saint-Sylvestre, impliquant de jeunes migrants.

La violence est précisément le passage à l’acte depuis l’intolérance à la frustration. Cette intolérance à la frustration désinhibée conduit inéluctablement à l’impulsivité et donc à la violence. Lorsque je discute avec des psychologues, je me rends compte que c’est toujours le même diagnostic, à savoir des profils psychopathiques, narcissiques plongés dans le clivage et la projection, sans structure névrotique, sans sur-moi. Ils n’est donc pas étonnant que ces profils incapables de décoder les émotions de l’autre, agissent de manière immédiate et radicale.  

Concernant le couteau, il est devenu le prolongement du poing ou du coup de poing. Pour quelle raison? Parce qu’il est par excellence l’outil qui tranche dans la matière, il revêt une propriété symbolique très forte. Bien au-delà du psychisme, c’est l’image de l’esprit qui entre dans la matière pour la subordonner. C'est une arme à forte charge symbolique. Une arme facile à utiliser et à transporter. Dans le discours analytique, le couteau est le symbole phallique par excellence. Il pénètre dans le corps et son utilisateur peut ressentir des sensations de puissance dans le geste.

Et la violence envers les femmes est pour ainsi dire, consubstantielle à la mentalité de ces meutes ultra-violentes. C’est même une condition d’appartenance et de reconnaissance entre pairs. Précisons tout de même que par violence, on ne désigne pas ici celle des « stéréotypes de genre » mais bien celle des insultes, des menaces et des coups. Des menaces qui en restent rarement au stade de la menace et des coups qui sont parfois mortels. La violence de ces mineurs est plus fréquente dans les cultures patriarcales qui incluent une inégalité homme-femme et des violences intra-familiales qui en découlent. L’étude du professeur Maurice Berger dans son ouvrage « Faire face à la violence en France » démontre que 62 à 69% des jeunes ultra-violents ont assistés à des scènes de violence conjugale. Et l’éducation en plus d’être clanique se désigne par une filiation au marquage corporel et psychique qui se transmet de générations en générations (au lieu de la transmission de valeurs). La violence exercée sur leurs mères ou leurs sœurs devient une donc référence identitaire immuable.

Ces jeunes hommes ont vécu dans un milieu qui ne leur a pas permis d’intégrer la nécessité d’accepter les lois collectives pour parvenir à vivre en société, et ils ne connaissent que la loi du plus fort, la leur, celle des membres de leurs familles ou celle du leader du groupe. L’art de la galanterie française n’existe pas, le jeu de séduction n’existe pas ou s’il existe, il s’exerce souvent dans une modalité prédatrice car il est toujours question de l’exaltation de la virilité toxique comme décrite précédemment qui doit s’affirmer pour prendre le pouvoir. La question du refus d’une jeune fille à céder aux avances s’explique entre autre par la peur des représailles si jamais la relation tournait mal. Il y a une kyrielle d’exemples : Sohane brûlée vive à Vitry-sur-Seine en 2002, Shaïna, poignardée et brûlée en 2023, Anissa, frappé de 52 coups de tessons en 2023 et bien d’autres dramatiques délits et crimes d’honneur. 


Le modèle d'intégration est-il en cause ? Quelles solutions apporter face à cette dérive d'une partie de la jeunesse et à ce basculement dans la violence gratuite ?

Sabrina Medjebeur : Il n’y a plus d’intégration possible. C’est trop tard. La question n’est plus de savoir si l’on intègre ou l’assimile, elle est aujourd’hui de savoir comment contenir les différents affrontements ethniques et identitaires dans ces quartiers. Ce qui s’est passé samedi 24 novembre dans la cité de la monnaie à Romans-sur-Isère révèle ce que redoutait le défunt ministre Gérard Collomb : « Aujourd’hui, on vit côte-à-côte, demain, on vivra face-à-face ». Les différents hommes politiques, depuis des dizaines d’années, ont su qualifier cette fracturation anthropologique. Des « fractures françaises » de Jacques Chirac, en passant par les « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement ou les « racailles » de Nicolas Sarkozy en terminant par les « émeutiers » de Gérald Darmanin, ils n’ont toujours pas compris que la nature clinique de la violence a changée mais nullement leur volonté à adapter notre arsenal juridique. Nous sommes désarmés de deux manières. Moralement avec un sentiment de plus en plus partagé de dépossession identitaire et de peur ainsi que physiquement par l’absence de volonté de construire des lieux qui contiennent cette violence. Les éternelles déclarations indignées et les rodomontades des politiciens ne suffisent plus. Nous devons passer maintenant du logos au drasteos, de la parole à l’action efficace. Dans le cadre de la violence gratuite des jeunes, il est urgent de changer le dispositif du Code de justice pénale des mineurs de 2021. Au-delà de la nécessité de rendre publiques les peines, il convient urgemment de changer l’article L11-1 sur la présomption de discernement au-dessous de 13 ans et l’article 334-4 sur le contrôle judiciaire sur l’incarcération après le non respect de celui-ci (on encourage donc de ne pas respecter la loi) et bien d’autres dispositifs. Avec la remise en place immédiate de la police de proximité, Il convient urgemment d’infliger des peines courtes et immédiates afin qu’ils n’intègrent pas un sentiment d’impunité et un mode vie choisi, APPLIQUER l’article 227-17 du Code pénal sur la responsabilité parentale et en finir avec l’individualisation des peines. Dans un spectre plus large, il convient à mon sens de rendre obligatoire le service militaire, de supprimer le regroupement familial pour au moins deux générations (celui-ci permettant le déplacement et les retrouvailles de clans ethnico-religieux), exécuter sans négociations les OQTF, s’extraire des traités européens concernant l’espace justice et liberté de l’Union Européenne, s’inspirer du Danemark sur leurs lois sur des « sociétés parallèles », faire de la construction de prisons et de CEF (centre d’éducations fermés) une urgence absolue et bien d’autres encore. 

Ces jeunes sont-ils récupérables ? Peut-on leur inculquer d'autres valeurs que la violence ? 

Jean-Marc Ben Kemoun :Au-delà d'un certain âge, c'est compliqué. Plus la violence a été inculquée jeune, plus on a laissé la violence être le seul moyen de communication, et plus il va être difficile de récupérer ces individus.

Un enfant en dessous de 2/3 ans n'a pas les mots. Toute la violence qu'il va observer ou qu'il va recevoir, c'est une violence qui va s'intégrer à l'intérieur de lui sans qu'il puisse y mettre des mots, c’est-à-dire pourvoir le repenser. Le souvenir s’impose brut, non élaboré. C'est quelque chose qui va pouvoir être rejoué dans certaines situations sans qu'il puisse le penser. Plus on va laisser la violence s'installer dans leurs comportements et plus il va être difficile de les récupérer.

Pour aider ces individus, il faudrait prévenir la maltraitance, aider à la parentalité, repérer cette dynamique de violence, cette faillite de la capacité à penser par soi-même, cette déstructuration psychique souvent en rapport avec la maltraitance et la violence conjugale qu’il subissent dans leur éducation. Il faudrait mettre en place des politiques préventives effectives très tôt dans le développement, ce qu'on ne fait pas dans notre pays, pour remettre du rapport à la loi et à l’autorité, les règles du vivre ensemble et de l’altérité. Il faudrait redonner les moyens à l’école de ce rôle d’apprentissage social, du droit au libre arbitre, à la confrontation à l’autre pensant et agissant, à sa pensée propre et différenciée. Il faudrait redonner à la justice/ au tiers père ou substitut paternel, ce rôle de tiers, d’autorité et de sanction, pour éviter le sentiment d’impunité qui règne encore actuellement, et en restituant toute sa place à l’éducatif pour qu’il soit effectif pour accompagner la sanction, par des moyens alloués et des professionnels formés. Il faudrait repenser la protection de l’enfance défaillante dans notre pays et la placer sous la tutelle d’un ministère de l’enfance

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !