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Crise des migrants : pourquoi il ne faut pas penser le droit d’asile par rapport à 65 millions de Français mais relativement aux habitants des zones de crispations
©Reuters

Victimes collatérales

Cette semaine, à Paris et à Calais, les tentatives des migrants de rejoindre le Royaume-Uni se sont multipliées, parfois au péril de leur vie, créant une situation de vive tensions dans les territoires concernés. En guise de réponse, la France a envoyé 120 gendarmes et CRS supplémentaires.

Eric Lejoindre

Eric Lejoindre

Eric Lejoindre est maire du 18ème arrondissement à Paris

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Pierre-Yves Bournazel

Pierre-Yves Bournazel

Pierre-Yves Bournazel est conseiller de Paris, conseiller régional et secrétaire national de l’UMP chargé des grandes métropoles.

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Atlantico : L'approche générale des questions migratoires consiste à expliquer que le nombre de migrants peut être "facilement assimilé" par une population de 65 millions de personnes. Or, un raisonnement par la moyenne semble invalide en raison des points de concentrations des zones concernées par l'accueil des migrants. Comment répondre à ce décalage entre un discours généraliste et une réalité plus complexe sur le terrain ?

Pierre-Yves Bournazel : C’est un sujet extrêmement complexe car cela touche à la vie et à la mort d’hommes et de femmes. Face au développement des populations migratoires qui fuient des régimes politiques qui les pourchassent, il faut avoir des principes. Le premier d’entre eux est un devoir d’accueil avec humanité une fois que le migrant est sur notre territoire car un migrant est un homme ou une femme égale aux autres. Pour autant, il faut être extrêmement ferme vis-à-vis des filières, des réseaux et des mafias qui prospèrent sur la misère humaine. J’interroge le gouvernement sur sa politique en la matière. On ne sait pas ce qu’il fait et quels sont les résultats escomptés. Enfin, il faut assurer la tranquillité des riverains. Nous avons vu dans le quartier de la Chapelle-Pajol à Paris ou à Calais des riverains victimes de l’inertie des pouvoirs publics.

Une fois ces principes définis, il faut agir. A court terme, en donnant des moyens à Frontex à l’échelle européenne.Il faut raccourcir le temps de réponse de l’obtention du droit d’asile, accueillir dignement les personnes qui obtiennent le droit de rester en France et reconduire dans leur pays celles qui ne bénéficient pas du droit d’asile. Il faut s’interroger à moyen et à long terme sur la politique de coopération. La France et l’Union européenne n’ont plus de politique de coopération. Il n’y a plus de développement dans les pays africains notamment ne serait-ce que l’accès à l’eau, à la nourriture, à l’école et à la formation qui permettent à ces populations de se développer dignement dans leur pays d’origine. Ce sont des populations délaissées aujourd’hui.

Dans les zones qui connaissent un fort afflux de migrants, quel est l'impact de cette présence sur la vie des habitants ?

Pierre-Yves Bournazel : Malheureusement les pouvoirs publics n’ont pas géré la question de la présence des migrants comme à Pajol. Je rappelle que sur le boulevard de la Chapelle cela fait plus d’un an qu’il y a eu des dizaines puis des centaines de migrants qui se sont installés. Ni la préfecture de police, ni la ville de Paris ne s’en sont occupés. Ces personnes ont vécu dans des conditions absolument inhumaines. C’est un problème d’abord pour les migrants eux-mêmes. C’est aussi un problème pour les riverains en raison de la nuisance très importante et d’autres problèmes qui peuvent se greffer au phénomène migratoire. Des associations font un travail humanitaire formidable, mais il faut que cela soit suivi par les municipalités pour l’hébergement et par l’Etat pour assurer les conditions de sécurité. Une réponse rapide pour le droit d’asile est primordiale car c'est dans l'attente que s’installent des campements de la honte.

Eric Lejoindre : Cela dépend des situations, du type de migration, de l’objectif des personnes en France (si elles considèrent notre pays pour s’y installer ou si c’est uniquement un lieu de transit). Il y a beaucoup de facteurs différents. La réalité géographique joue beaucoup également. En tant que maire du XVIII arrondissement dans lequel vivent 200 000 personnes, le phénomène est très différent d’un quartier à l’autre, voire d’une rue à l’autre. Généralement, l'impact pour les riverains est moindre même s'il peut y en avoir comme ce fut le cas sur l’esplanade Nathalie Sarraute à la halle Pajol. 

Que fait l'Etat pour les quelques zones confrontées à cet afflux de migrants ?

Pierre-Yves Bournazel : On agit toujours en urgence. Il y a bien sûr des politiques d’urgence à mener, mais il faut aussi avoir une vision de moyen-long terme. Trouver un logement pour ceux qui bénéficient du droit d’asile, reconduire à la frontière les autres, remonter les filières mafieuses et les démanteler et avoir une politique de coopération comme je le disais.

La question des pays qui sont aujourd’hui en guerre comme la Syrie reste sans réponse. Les populations fuient et là il faut aussi une action diplomatique et politique de la France. On a trop l’impression que la France subit ce qui est en train de se passer. Le pays doit pouvoir jouer de son influence pour éviter l’augmentation de personnes qui fuient la misère et la guerre.

Eric Lejoindre : Personne ne laisse des zones confrontées à l’afflux des migrants. Le déplacement des migrants suit une certaine logique. Pourquoi les migrants sont-ils plus dans le XVIIIe que dans d’autres arrondissements de Paris ? C’est sans doute en raison de la proximité avec la gare du Nord, un endroit par lequel certains arrivent et certains souhaitent repartir.

Les associations, la ville de Paris et l’Etat ont été présents tout au long de cette période et le sont encore actuellement. J’ai senti qu’il y avait beaucoup de travail à faire. On l’a fait ensemble avec la préfecture de région, la préfecture de police, la ville de Paris, et les grandes associations. Et ce phénomène est amené à durer encore. 

Quelles seraient les solutions concrètes à apporter à ce phénomène ?

Pierre-Yves Bournazel : Si les migrants sont élligibles au droit d’asile, alors ils doivent être accueillis dignement. Mais on doit avoir une vraie politique vis-à-vis de l’apprentissage de la langue française car sans elle il n’y a pas d’intégration possible. On doit également agir sur la possibilité de les intégrer par l’emploi car sans activité économique il n’y a pas de dignité pour ces personnes.

Il faut une action très concrète pour le respect des institutions et des valeurs de la République française. C’est essentiel pour l’adhésion de la communauté nationale si ces migrants doivent rester.

Eric Lejoindre :Il faut d’abord avancer sur les discussions européennes en cours. C’est important dans la mesure où ce problème dépasse les frontières de la France. Je me réjouis par ailleurs que le Parlement ait adopté la loi sur la ville qui permettra une meilleure répartition des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire.

Les structures qui traitent ces questions comme les associations (France Terre d’Asile, Emmaüs,etc), les institutions ou enore les collectivités font un travail formidable. Elles permettent un traitement humain des personnes qui sont sur notre territoire – en conformité avec les valeurs de la France. On veille aussi à ce que chaque situation soit traitée de manière individuelle comme l’exige à la loi. Bien évidement cela est compliqué à mettre en œuvre. 

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