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Crise de légitimité : le sondage choc qui va doucher les espoirs de tous ceux qui pensaient que les primaires seraient une machine à produire des candidats incontestés
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Selon un sondage exclusif IFOP pour Atlantico, 74% des sympathisants LR se disent prêts à voter en 2017 pour un candidat non inscrit à la primaire de la droite, et 70% pour un candidat battu lors de cette primaire. Alors que les résultats sont relativement similaires parmi les sympathisants PS pour ce qui est de la primaire de la gauche (66 et 63%), la question de la pertinence des primaires est aujourd'hui posée.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Quel est selon vous le principal enseignement de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : La primaire semble être aujourd'hui une procédure entrée dans les mœurs en France (repensons ici au succès de la primaire socialiste en 2011 et à la diffusion de cette pratique à d'autres échelles que nationales). La consécration de ce mécanisme, c'est le fait que la droite, très critique à l'époque, décide de se doter elle aussi de la primaire. Enfin, cerise sur le gâteau, le Parti socialiste, qui est aux responsabilités aujourd'hui avec le cas particulier d'un président sortant qui envisage très certainement de se représenter, a lui aussi décidé malgré tout de réorganiser une primaire pour désigner son candidat de 2017. On a vu le succès en termes de participation à la primaire socialiste de 2011. Aujourd'hui, nous mesurons potentiellement une participation du même ordre voire plus importante pour la primaire de la droite. On peut donc penser que la greffe a pris.

Or, nos résultats montrent que si la primaire fait partie du paysage et que les électeurs les plus politisés sont disposés à jouer le jeu, beaucoup de sympathisants de droite ou de gauche ne se sentent pas aujourd'hui contraints par cette primaire et pourraient envisager de voter pour quelqu'un qui ne respecterait pas le code de bonne conduite de la primaire : se présenter directement à la présidentielle sans passer par la primaire (pensons au cas de Jean-Luc Mélenchon pour la gauche), ou décider de maintenir sa candidature malgré une défaite à la primaire.

Dans les deux cas, nous avons deux tiers, voire trois quarts des électeurs de gauche et de droite qui pourraient envisager de voter pour ce type de candidat. Si la primaire est dans les mœurs, il y a donc encore du jeu, au sens mécanique du terme, qui existe encore au moment où l'on parle. Une frange de l'électorat ne se sent pas engagée personnellement et pourrait envisager de soutenir un candidat non désigné à l'issue d'une primaire.

Pourtant, plusieurs sondages ont pu révéler le soutien des Français au système des primaires. Comment expliquer ce paradoxe ? Peut-on estimer que la multiplication des candidatures nuit à la légitimité des primaires ? 

Jérôme Fourquet : Je ne pense pas forcément que ce soit le bon argument à invoquer ici. Au contraire, plus il y a de candidats, plus on pourrait se dire que ce serait un comble d'aller en chercher d'autres au vu de toute la panoplie à disposition.

Ce n'est pas forcément le nombre de candidats qui importe, mais le profil et le discours tenu par ces derniers. Manifestement, un certain nombre d'électeurs estiment qu'au moment où ils se prononcent, les candidats proposés ne correspondent pas totalement à leurs attentes. Si d'aventure quelqu'un d'autre (hors primaire) se présentait, c'est peut-être plutôt vers lui qu'on souhaiterait se tourner. C'est très clair à gauche pour le cas de Jean-Luc Mélenchon. Il peut y avoir un point d'interrogation également pour quelqu'un comme Arnaud Montebourg. À droite, une partie de l'électorat pourrait envisager de voter pour Nicolas Dupont-Aignan ou Marine Le Pen.

Pour nuancer un peu ce constat, il faut bien voir que si l'on regarde les noyaux durs (ceux qui se disent certainement prêts à le faire), les chiffres sont moins spectaculaires. Pour le PS, nous sommes à 24% et 19%, et à droite c'est un peu plus fort (un tiers). Ceux-là sont très motivés aujourd'hui à passer outre.

Les autres, c'est en fonction de ce qu'il se passera. C'est très important, puisque nous les avons mis face à un scénario hypothétique. Nous ne mesurons pas au moment de l'enquête le psychodrame possiblement créé par le pire scénario : un candidat battu qui décide d'y aller malgré tout.

Dans leur tête, les électeurs ne sont pas encore rentrés dans la primaire, on ne connaît pas encore l'offre effective. Je m'avance peut-être un peu, mais si l'on repose exactement cette question dans trois ou quatre mois en pleine campagne, je ne suis pas convaincu qu'il y ait la même proportion d'électeurs de droite qui se disent qu'ils pourront certainement passer outre le résultat final. La campagne va laisser des traces et marquer les esprits, ce qu'on ne mesure pas encore.

Ce qui peut aussi expliquer ces scores élevés, ce n'est pas forcément la multiplicité des candidatures, mais leur incapacité à couvrir l'ensemble du spectre de la gauche ou de la droite, ce qui expliquerait que certains électeurs souhaitent aller regarder ailleurs.

Jean Petaux : Le paradoxe semble, apparemment, évident. Comment concevoir, d’un côté, l’adhésion à un processus de sélection du candidat à la présidentielle prochaine au sein du "bloc" politique auquel on appartient, au point d’envisager de se déplacer à deux reprises pour participer à cette consultation-compétition et, d’un autre côté, ne pas reconnaître la légitimité de ce "jeu" jusqu’à se déclarer disposé à voter soit pour un "candidat solitaire" soit pour un "battu-dissident ? Quels peuvent être les ressorts d’une telle attitude constatée aussi bien chez les sympathisants socialistes que chez ceux se reconnaissant dans "Les Républicains" ?

Ecartons d’emblée et pour gagner du temps, l’hypothèse selon laquelle les personnes interrogées n’ont, majoritairement, rien compris à la question ou à la situation qui était imaginée dans les deux questions. Ecartons cette réponse même si on peut concevoir qu’elle n’est pas inexistante.

Retenons comme première hypothèse que les personnes sondées ne reconnaissent pas les primaires comme légitimes ou suffisamment garanties contre les fraudes et tricheries de toute sorte pour être incontestables et gagner ainsi leur brevet de respectabilité démocratique. En d’autres termes parce qu’elles sont organisées par les partis eux-mêmes et pas par une instance réputée indépendante, neutre, voire impartiale (telle que les collectivités locales en charge de l’organisation de l’espace matériel du vote, comme cela se fait pour toute élection, des municipales aux présidentielles), les primaires seraient porteuses d’une "maladie congénitale" propre à tous les partis politiques dans leur fonctionnement : elles seraient forcément entachées de fraude et de magouilles. A partir de ce faible degré d’adhésion, la légitimité politique des primaires est très fragile et sa quasi-absence autorise immédiatement à remettre en cause leurs règles du jeu. En vertu de la règle bien connue des tricheurs à la petite semaine : "Pile je gagne, face tu perds". Autrement dit : "Si la primaire désigne le candidat de mon choix, je reconnais le verdict de la primaire et serai le premier à dénoncer les dissidents et autres candidats "sauvages", en vouant aux gémonies toutes celles et tous ceux qui oseront voter pour eux. Si ce n’est pas le cas, je reprends ma liberté et je vote pour mon candidat qui bien que battu, sera légitime à mes yeux, à se présenter quand même".

La deuxième explication que l’on peut donner au sondage de l’IFOP relève d’une autre logique : celle du choix rationnel  propre à l’électeur stratège. Je peux reconnaitre la validité et la légitimité de la primaire à laquelle j’ai moi-même participé et peux même accepter le choix qui a été celui du candidat retenu. En revanche je considère, au vu des circonstances politiques, de la personnalité du candidat principal au sein du "bloc politique" opposé, que le candidat issu de "mes" primaires n’a aucune chance de l’emporter. Le réflexe de "vote utile" ou de "vote stratège" peut alors jouer. C’est ce qui a conduit nombre d’adhérents socialistes qui avaient participé à la "primaire fermée" de l’automne 2006 à choisir finalement de voter François Bayrou au détriment de Ségolène Royal parce que cette dernière était, à l’évidence, inapte à battre (voire seulement à inquiéter) le candidat Sarkozy. Bayrou y a trouvé un renfort inespéré ; Sarkozy dans les dernières jours de la campagne du premier tour en mars 2007 en a tiré une certaine angoisse et Ségolène Royal y a, bien entendu, vu une preuve supplémentaire qu’elle était bien la "Madone des Lemmings" : ces petits rongeurs dont une légende populaire tenace veut qu’ils se suicident en masse en se jetant du haut des falaises qui bordent les fjords norvégiens.

La troisième explication qui peut être apportée aux résultats du sondage IFOP et au paradoxe qu’il révèle concerne peut-être le plus grand nombre des répondants. Elle porte sur le degré de loyauté et le niveau de cohérence des électeurs. Là où les adhérents d’un parti politique pouvaient se sentir "tenus" par une discipline interne ; être littéralement "obligés" par une loyauté forte qui n’empêchait pas les désaccords mais qui interdisait de les exposer à l’extérieur ; là où ils leur fallait vivre sous le contrôle du groupe, des compagnons ou camarades de lutte politique ; désormais le "sympathisant" est livré à lui-même. Il n’a de compte à rendre à personne, à aucun cadre partisan, à aucun groupe référentiel. Le "sympathisant"  est tellement un "électron libre"  qui vote dans une "primaire libre" qu’il peut même être un adhérent d’un parti politique opposé pour peu qu’il accepte de signer une "charte bidon" qui n’engage personne et qu’il paie ses 2 € pour participer au vote. Dans les faits on sait (à l’aune des "primaires citoyennes" de l’automne 2011) que parmi les 3 millions de votants d’alors bien peu sont venus grossir les rangs du corps électoral en provenance de l’UMP. Le sympathisant de droite ou socialiste, jouissant d’une pleine et entière indépendance, n’a de compte à rendre qu’à lui-même dans son comportement électoral, tant à la primaire qu’à l’élection présidentielle "officielle". Pour peu qu’il estime que son "champion" ait été maltraité ou ait pu faire l’objet de manœuvres discourtoises voire franchement frauduleuses de la part du vainqueur et de ses soutiens, le sympathisant peut s’estimer tout à fait légitime à "se venger" et donc fondé soit à voter pour un candidat qui n’est pas passé par la case "primaires" soit à voter pour un "battu des primaires" qui se présenterait en "solitaire", hors-parti, sous ses propres couleurs. Pour illustrer ce propos ce peut être tout à fait le cas d’un individu qui va voter Juppé au premier et au second tours de la primaire de droite, les 20 et 27 novembre prochains. Si Alain Juppé est battu au soir du second tour par un Nicolas Sarkozy (fort du ralliement de Bruno Lemaire entre les deux tours) alors François Bayrou se présentera à la présidentielle "officielle". L’électeur "Juppé" dans ce cas-là sera tenté de voter "Bayrou". Si, autre cas de figure, l’écart est très faible entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé au soir du second tour de la primaire au point qu’il ne soit pas impossible qu’il y ait eu des fraudes venant entacher le résultat-même de la consultation, alors Alain Juppé pourrait choisir de faire abstraction de la "loi d’airain de la primaire" et demander aux électeurs de la droite et du centre (à tous cette fois-ci), mobilisés au 1er tour de la présidentielle le 23 avril 2017, de trancher ce conflit grave en se présentant lui-même en dissidence face à son "vainqueur" Nicolas Sarkozy. Dans les deux cas, le sympathisant de droite qui aura voté aux deux tours des primaires remettra en cause la règle du jeu de ces mêmes primaires. Les circonstances rendront légitimes à ses yeux l’une ou l’autre de ces deux ruptures.

Y a-t-il des enseignements spécifiques à la gauche et à la droite ?

Jérôme Fourquet : On voit ces enseignements notamment sur les réponses "certainement" : nous sommes aux alentours de 20-25% à gauche, et aux alentours d'un petit tiers à droite. Le rejet est donc un peu plus fort à droite. Ce n'est pas énorme, mais c'est assez cohérent avec une tradition de moindre affiliation partisane à droite qu'à gauche. La discipline républicaine est une invention de la gauche. À droite, on a un côté plus indépendant et plus libre vis-à-vis des consignes partisanes et des familles politiques.

Malgré ces petites différences, les résultats sont quand même assez proches dans les deux camps.

Si les candidats à la présidentielle de 2017 espèrent tous pouvoir bénéficier d'une certaine légitimité qui leur donnerait un élan décisif dans la course à l'Elysée (comme ce fut le cas pour François Hollande en 2011-2012), ce sondage ne représente-t-il pas une certaine douche froide pour eux, alors que les Français n'accordent visiblement qu'une importance assez relative au résultat de la primaire ?

Jean Petaux : Non, je ne le pense pas. Ce que veulent la plupart des "grands candidats" qui ont des chances de figurer au second tour de la présidentielle c’est trouver dans les primaires organisées au sein de leur propre "bloc politique" une sorte de "machine à éliminer" la concurrence interne. La dimension "booster" des primaires est un élément secondaire dans la "conquête du trophée" pour parler comme F. Bailey dans "Les règles du jeu politique". Avant d’être un "accélérateur de candidature", la primaire est d’abord et avant tout un "épurateur de particules politiques" hostiles et adverses au sein même de chaque camp. Les primaires remplacent désormais l’incapacité chronique et structurelle dont les partis politiques font preuve en matière de sélection des élites comme "pépinières de champions politiques". Les Français semblent les apprécier parce que la mode est à la "pseudo-démocratie" consultative et participative mais on voit clairement dans le sondage IFOP/ATLANTICO que s’ils les apprécient ils ne les respectent pas... Les Français vont "suivre" les primaires à la télévision tout comme ils regardent "The Voice" ou "Un incroyable talent". Ils vont adorer voir Montebourg faire la leçon au président sortant François Hollande ; se délecter de regarder, en vrais voyeurs, Nicolas Sarkozy faire son numéro de faux-dur face à un Alain Juppé au bord d’une de ses explosions dont il a le secret ; se tordre de rire en découvrant les cravates improbables de Mariton… Mais en réalité pour la très grande majorité d’entre eux ils n’iront pas voter aux primaires tout simplement parce qu’elles ne sont pas encore ancrées dans la culture politique française (il a fallu près d’un siècle pour qu’elles soient respectées et reconnues dans la vie politique des Etats-Unis) et aussi parce qu’elles n’offrent pas toutes les garanties en matière de confidentialité du vote. Sujet plus que sensible en France où l’électeur refuse de révéler "son" vote considéré comme plus secret encore que le code de sa carte bancaire.

Concrètement, si un candidat perdant des primaires venait à se présenter, pourrait-il souffrir de son non-respect de l'accord tacite qui régit ces primaires ? Les critiques dont il ferait l'objet de la part de son propre camp l'empêcheraient-elles d'espérer une issue heureuse ?

Jérôme Fourquet : Il faut prendre ces chiffres avec prudence et les remettre dans le contexte. L'enquête s'est faite à froid, avant une campagne. Je pense personnellement que cela risque d'être compliqué, même si ces chiffres montrent manifestement qu'un certain nombre d'électeurs seraient disposés à suivre ce candidat qui ne respecterait pas les règles de fair-play.

Tout dépend en réalité de qui le fait et dans quelle conditions. Si c'est un candidat écrasé à plate couture à la primaire (5-6%) dont on peut penser qu'il n'a aucune chance de faire un score intéressant à la présidentielle, ce sera perçu comme un acharnement thérapeutique. Cela ne crée aucune dynamique et c'est très compliqué.

L'affaire est différente si vous faites 15-20% à la primaire et que vous estimez que vous avez un vrai potentiel, que les candidats qui vous ont devancé ne vous ont pas correctement traité, ou que les thématiques que vous portez ne sont pas reprises par le candidat vainqueur. Dans ce cas-là, cela peut se défendre.

Nous avons enfin un troisième cas de figure : le cas où le finaliste battu, arrivé deuxième, décide d'y aller quand même. Là, cela peut être très compliqué. Nous serions sur un duel fratricide du genre Chirac-Balladur, mais amplifié par le fait qu'il y aurait déjà eu un match aller lors de la primaire. Ce candidat battu se serait normalement engagé à soutenir le vainqueur. Il pourrait donc apparaître comme un "traître" pas respectueux des règles. Là aussi, tout dépend de la façon dont cela se termine. Si ce candidat fait 45%, ce sera compliqué pour lui de se légitimer. S'il fait 49,5% et qu'on voit apparaître des critiques sur la tenue du scrutin, cela peut éventuellement se défendre, mais cela reste quand même très compliqué. Dans ce cadre-là, les deux candidats seraient affaiblis.

Nous serions alors dans une crise comparable à celle vécue lors de l'élection interne à l'UMP entre Jean-François Copé et François Fillon, avec une famille politique décrédibilisée et une ambiance épouvantable pendant plusieurs mois (entre les résultats de la primaire en novembre 2016 et l'élection présidentielle an avril-mai 2017).

Jean Petaux : Tout dépendra encore une fois des circonstances qui auront conduit à cette candidature dissidente. Il se peut, en politique comme ailleurs, qu’un acte de "résistance" soit salué comme tel et apparaisse non pas comme un acte déloyal mais bien plutôt comme une volonté de réparer une injustice ou une manière de corriger les conséquences d’un acte scandaleux. Une fraude massive (qu’elle soit ou non avérée, peu importe, ce qui compte ici ce sont les effets induits par cette accusation, vraie ou fausse)  peut ainsi légitimer la candidature d’un "battu" à une primaire. La notion de fraude est elle-même plurielle et polysémique. Elle peut correspondre au très classique "bourrage" des urnes mais être aussi identifiée à un déséquilibre manifeste entre les candidats en termes de moyens humains, matériels, logistiques, financiers mobilisés pour mener la campagne des primaires. La fraude peut aussi être associée à des manœuvres de déstabilisation évidentes et outrancières (campagne d’opinion dévastatrice, "scandales" ressortis opportunément, etc.). Autrement dit il existe pléthore d’occasions pour justifier telle ou telle candidature "hors primaire" ou "après défaite à la primaire".

Pour autant ce qui rendra plausible, crédible et recevable toute candidature dissidente, ce qui ne l’entachera pas d’une quelconque "illégitimité coupable", ce sera le caractère "serré" ou pas du résultat à la primaire, de droite ou socialiste. Le contentieux électoral général est un contentieux d’opportunité : il faut que les fraudes ou actes illégaux reconnus par le juge aient été d’une ampleur telle qu’ils étaient susceptibles d’inverser le résultat du vote pour être recevables et conduire à une éventuelle annulation du vote. Si le résultat est sans ambiguïté, clair et net, les dissidences seront forcément bien plus risquées. L’anathème de la traitrise tombera sur le dissident. Son acte de résistance sera considéré comme un refus d’accepter le verdict de la primaire. De héros potentiel, le dissident rejoindra, d’un seul trait, le camp des mauvais joueurs avant d’être qualifié de "fossoyeur" de son propre camp, si par cas, sa candidature fait de lui un "allié objectif" du principal adversaire contre le candidat officiellement investi par ses anciens amis politiques.

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