Congrès du PS : foire d’empoigne en vue entre ceux qui tenteront de survivre au quinquennat de François Hollande<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Congrès du Parti socialiste a été annoncé pour l'été 2015.
Le Congrès du Parti socialiste a été annoncé pour l'été 2015.
©Reuters

Boule de cristal

Alors que le Congrès du Parti socialiste a été annoncé pour l'été 2015, plusieurs figures comme Benoît Hamon, ou encore Jean-Christophe Cambadélis, ont déjà émis le désir de prendre la tête du mouvement de contestation à l'égard de la politique gouvernementale.

Julien Martin

Julien Martin

Julien Martin est journaliste au service politique du Nouvel Observateur

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Adrien Gindre

Adrien Gindre

Adrien Gindre est journaliste politique à BFM TV, chargé de la couverture de l'Elysée.

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Atlantico : L'actuel premier ministre, souvent décrié dans son propre parti, séduit les électeurs de la droite et du centre. Après le quinquennat de François Hollande, quel pourrait être le réel potentiel électoral de Manuel Valls pour 2017 ? Va-t-il réussir à faire la synthèse des gauches ? 

Julien Martin : Devenir Premier ministre, surtout dans ce quinquennat, ce n'était pas l'ambition de Manuel Valls. Il voulait exister par lui-même, ce que lui permettait de faire le ministère de l'Intérieur. Ce sont les évènements qui l'ont contraint à occuper cette fonction.

Sous la Ve République, il y a toujours eu un jeu entre le président de la République et le Premier ministre. Le chef du gouvernement doit à la fois se démarquer du chef de l'Etat tout en lui étant fidèle. Manuel Valls a commencé par jouer la carte de la fidélité avec François Hollande. Mais face à la faiblesse tant des résultats que de la cote de popularité du président, il commence à s'en démarquer. Pour le moment, il ne le fait que sur la forme. Mais si Manuel Valls commence à se démarquer sur le fond, cela aboutira à un problème de ligne politique entre les deux hommes. Soit on se retrouvera avec un Président affaiblit qui se soumettra à son Premier ministre, soit on assistera à un départ anticipé d'un Manuel Valls souhaitant rester en cohérence avec sa propre ligne politique.  

Mais si Manuel Valls part et décide de se porter candidat à la présidentielle, il risque d'être confronté à un double problème électoral. Premièrement, une primaire socialiste se gagne toujours à gauche et pour le moment il ne rassemble pas les sympathisants. Deuxièmement, s'il parvient tout de même à être désigné candidat, il devra rassembler dès le premier tour de la présidentielle. Pour ce faire, il va devoir recomposer le paysage politique français autour de lui, en créant un grand mouvement des progressistes, comme il l'a annoncé, qui engloberait  l'aile droite du PS ainsi que les partis du centre (UDI / Modem). Une gageure.

Adrien Gindre :   L’obsession de Manuel Valls, c’est 2022. Ses proches ne le cachent pas: il veut être Président,  il se prépare mais son heure n’est pas venue. L'élection présidentielle de 2017, ce n’est pas son timing. Il l’a par ailleurs redit il y a quelques jours : "François Hollande est le candidat naturel pour 2017". En clair soit François Hollande réussi ses promesses et il a alors une chance d’être réélu. Soit il échoue, ce qui aura pour conséquence la désintégration de la gauche. Dans ce dernier cas, même un candidat nommé Manuel Valls aurait les plus grandes difficultés à s’imposer. Par ailleurs, si François Hollande chute, il l’entrainera très certainement avec lui..

Si la candidature de Manuel Valls est pressentie pour la prochaine présidentielle, il devra faire alliance avec le centre. L’actuel Premier ministre rêve d’une Maison commune avec les centristes, mais il le sait, le délai est trop court d’ici 2017. L’UDI est encore clairement à droite.

Parmi les figures montantes du Parti Socialiste, laquelle possède les moyens de s'imposer et pour quelles raisons ? Qui d'autre au sein du gouvernement pourrait survivre politiquement à l'impopularité de François Hollande?

Julien Martin :Les trois nouvelles figures promues au sein du dernier gouvernement de Manuel Valls sont Emmanuel Macron, Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem. Pour le moment, tous les trois jouent la partition de la fidélité totale à François Hollande, au point qu'ils sont en passe d'intégrer le premier cercle des Hollandais. A peine nommés, tous les trois ont dîné avec le chef de l'Etat en comité restreint. Pour le moment, la clef de leur succès au sein du gouvernement réside dans cette fidélité au président. Mais la clef de leur avenir, si le quinquennat continue comme il a commencé, sera de se démarquer du chef de l'Etat pour ne pas être entraînés dans sa chute.

Or, il faut avoir les moyens de pouvoir démontrer sa différence. Najat Vallaud-Belkacem peut y arriver : elle bénéficie d'une très bonne cote de popularité et possède une image très bien établie au sein des électeurs de gauche. Il lui est donc plus facile de sortir du lot. Concernant Emmanuel Macron, il a la chance d'être à la tête d'un grand ministère, l'Economie. Ce qui lui permet de gagner en influence. Ses décisions sont importantes et entendues. Voire il peut comme Arnaud Montebourg finir par marquer sa différence. Pour Fleur Pellerin, en revanche, il sera très compliqué de se démarquer en ayant été seulement ministre de la Culture.

Parmi les autres personnalités politiques du gouvernement, il y a bien évidemment les grandes figures que sont Laurent Fabius, Christiane Taubira, Ségolène Royal. Mais il n'est pas certain que ces ministres aient l'avenir politique le plus important. Ils pourront toujours devenir des sages de la gauche, des références pour le parti,  quelle que soit l'issue du quinquennat.

Adrien Gindre : Les proches de François Hollande utilisent souvent l’argument : il a été Monsieur 3%. Et pourtant, il a fini par être élu Président de la République. En politique, tout est possible. C’est sur ce constat que se fondent tous ceux qui pensent à demain. Dès lors, chacun est libre de croire en ses chances. Manuel Valls et Arnaud Montebourg pensent de manière évidente à la présidentielle. Benoit Hamon a les yeux rivés sur la prise du parti. Najat Vallaud-Belkacem et Emmanuel Macron ont, s’ils sont habiles, une très longue carrière devant eux. Et il y a ceux qui n’ont pas dit leur dernier mot : Ségolène Royal par exemple. Tous ont encore les moyens de s’imposer, chacun à leur mesure, à différents postes. Alain Juppé est là pour les inspirer : conspué en 1995, encensé aujourd’hui. La roue finit toujours par tourner.

Ségolène Royal a parfois pris des positions contradictoires face à la ligne gouvernementale et entretient de fait une relation "particulière" avec François Hollande. Sa capacité à faire entendre une voix dissonante peut-elle jouer en sa faveur ?

Julien MartinDans tous les cas, Ségolène Royal restera une figure originale de la gauche. Si elle échoue à la tête de son ministère, son futur politique sera certes un peu plus incertain encore. Mais si elle réussit, elle pourra être perçue comme un recours à la présidentielle.

Je suis tenté de la croire lorsqu'elle déclare que la présidentielle n'est plus dans son viseur. Je pense qu'elle n'est plus dans l'optique de remonter son courant "Désirs d'Avenir" et de repartir à l'assaut d'une primaire socialiste. Mais quand on a été candidat une fois, on songe toujours à se représenter. Ce qu'elle veut, c'est être appelée. Là, elle irait sans doute tenter sa chance une seconde fois. Le risque d'une telle candidature serait le goût de "déjà-vu", mais elle peut également apparaître comme une figure rassurante.

Adrien Gindre:  "Ségolène Royal, je la connais mieux que personne". En privé, François Hollande le revendique et s’en amuse. Il dit connaitre ses "instincts", ses "fulgurances"… Quand il prononce ces mots, le Président esquisse un sourire. Et qu’importe si, sur un dossier comme celui de l’écotaxe par exemple, elle a fait des annonces sans même avoir consulté son collègue des Finances Michel Sapin…

In fine le chef de l’Etat souligne le "sens politique" de sa Ministre et ex-compagne, son "professionnalisme".… Ségolène Royal, bien sûr, c’est une Ministre à part mais sur le fond, le Président estime qu’elle a souvent raison et ne s’en sépara pas de si tôt.

Benoit Hamon, Aurélie Filippetti et Arnaud Montebourg ont tous les trois quitté le gouvernement pour cause de désaccord sur la ligne politique du gouvernement. Leur stratégie va-t-elle être payante ?

Julien Martin : Tout dépend s'il s'agit d'une stratégie pour prendre le contrôle du parti ou pour se présenter à une primaire présidentielle. Benoît Hamon ne cache pas qu'il souhaite conquérir le PS au prochain congrès. Il mise sur les militants socialistes, décisionnaires pour briguer la tête du parti. Il a déjà obtenu près de 23% des voix au congrès de Reims en 2008. Pour parvenir à ses fins, il parie sur une fracture avec le gouvernement. En cas de désaveu de la ligne gouvernementale, il y aura alors un créneau pour une ligne plus à gauche au sein du PS. S'il arrive à réunir l'ensemble des voix d'Arnaud Montebourg et de Martine Aubry, il pourra prendre la tête du parti. Il aura toutefois fort à faire face à Jean-Christophe Cambadélis, qui compte bien demeurer à son poste de premier secrétaire. Ce dernier a d'ailleurs annoncé la couleur : pour lui, ce ne sera pas un congrès de clarification de ligne, mais d'orientation.

Arnaud Montebourg, quant à lui, affirme que la seule élection à laquelle il se représentera est la présidentielle. Lui se repose sur les 17% de voix obtenues à la primaire socialiste en 2011. Il pense pouvoir augmenter encore son score en se présentant face à François Hollande lors d'une prochaine primaire, d'autant plus s'il est le seul concurrent. C'est pour cela qu'il s'adresse non pas aux seuls militants mais à la base plus large que représentent les sympathisants socialistes.

Adrien Gindre: A court terme, cette stratégie ne mène à rien. Benoit Hamon et Aurélie Filippetti sont redevenus députés, tous deux se font remarquer par leurs votes, en l’occurrence leurs abstentions sur le budget, mais ils n’incarnent pas la nouvelle opposition au gouvernement, ils n’ont pas fait changer la politique, ils n’ont rien obtenu de plus en dehors qu’au sein du gouvernement.

Arnaud Montebourg, lui, fait l’actualité avec une rentrée des classes mouvementée en Ecole de commerce. Il est trop tôt pour être catégorique sur leurs succès futurs. Mais pour l’heure, les troupes, les soutiens n’ont pas afflué en masse derrière eux. Benoit Hamon doit reconstituer son courant dans lequel il est contesté. Quant à Arnaud Montebourg, il parait toujours esseulé. Enfin, François Hollande et Manuel Valls n’ont pas dit leur dernier mot.

En se positionnant en chef de file des frondeurs, Martine Aubry a-t-elle fait le bon pari pour s'assurer un retour en politique durable ?

Julien Martin : Je ne dirais pas que Martine Aubry est la cheffe de file des frondeurs. Ses relais disent très clairement qu'elle ne souhaite pas adopter cette posture. Elle-même le dément. Pour le moment, les frondeurs la servent car ils défendent des idées proches des siennes. Mais Martine Aubry est davantage dans l'optique de proposer une autre ligne majoritaire. Elle veut être celle qui représente une alternative crédible à la ligne de François Hollande et surtout de Manuel Valls. Elle ne prendra donc pas le risque de devenir la cheffe d'une fronde minoritaire. 

Adrien Gindre : Le veut-elle ?  Ses soutiens comme ses adversaires s’accordent sur un point : ce qu’elle a réellement en tête, elle seule le sait. La Maire de Lille assure n’être candidate à rien, si ce n’est au débat d’idées. C’est presque pire pour l’exécutif. Ils n’ont pas là un objet identifié face auquel une stratégie donnée pourrait payer. Ils ont un électron libre, imprévisible, une grenade dégoupillée. Rien ne dit qu’elle vise la présidentielle, qu’elle en a l’envie. En 2011, elle avait passé un accord avec DSK pour la primaire. C’est lui qui devait y aller. Elle devait s’effacer. Son objectif désormais est certainement plus subtil : empêcher que ne s’impose au PS la ligne qu’elle considère comme sociale-libérale de Manuel Valls. Et ça, en tant que tel, elle sait très bien faire.

Malgré sa faible cote de popularité et des désaveux dans son propre camp, François Hollande aura-t-il les moyens de se représenter s'il le souhaite ?

Julien Martin : François Hollande aura toujours les moyens de se représenter en tant que président sortant. Aujourd’hui, peu de socialistes de premier plan osent dire que des primaires sont nécessaires. Il est doublement protégé : par ceux qui jouent la carte de la fidélité, mais aussi par les institutions puisque sa qualité de président lui permet de se décider tardivement. En revanche, si son bilan est un échec total, il peut prendre lui-même la décision de ne pas se représenter. Il serait alors le premier président dans l'histoire récente à décider de ne pas se porter candidat à nouveau.

Adrien Gindre : François Hollande l’a précisé lui-même devant des personnels de Michelin il y a quelques mois : « Si le chômage ne baisse pas d'ici à 2017, je n'ai, ou aucune raison d'être candidat, ou aucune chance d'être réélu».  A l’heure actuelle, le Président reste persuadé que les résultats de sa politique viendront fin 2015 ou au plus tard en 2016. Il n’y aurait donc pour lui pas de débat, il serait le candidat naturel. Dans cette hypothèse, qui au PS aurait suffisamment de cran pour se présenter face lui ? Manuel Valls n’ira pas. Arnaud Montebourg réfléchira.

Mais si les résultats ne sont pas là, ou pas vraiment, que se passent-ils ? Beaucoup au PS considèrent que dans ce cas, 2017 est une élection perdue, quelle que soit le candidat. Ce sera peut-être alors le début de la vraie recomposition de la gauche. L’occasion pour Manuel Valls d’engager sa Maison commune avec le centre. L’occasion pour Arnaud Montebourg d’engager le rassemblement à gauche. L’occasion pour tous de commencer à s’entredéchirer… Une épreuve dont la gauche toute entière pourrait avoir du mal à se relever.

Propos recueillis par Sarah Pinard

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