Comment psychologie et performance sont les meilleures alliées d'une carrière sportive<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Sport
Comment psychologie et performance sont les meilleures alliées d'une carrière sportive
©Reuters

Bonnes feuilles

Cet ouvrage propose de plonger au coeur des obstacles auxquels se trouvent confrontés les sportifs. Cédric Quignon-Fleuret, psychologue clinicien, partage la sphère intime des grandes personnalités sportives et pourvoyeurs de médailles. Il analyse les maux ou épreuves auxquels les champions sont confrontés, depuis leur enfance jusqu'à leur consécration sur le podium. Son propos s'appuie sur des interviews et des témoignages exclusifs qui, chaque fois, servent de socle à la présentation de l'auteur. Extrait de "Devenir champion", de Cédric Quignon-Fleuret, aux éditions Solar 1/2

Cédric Quignon-Fleuret

Cédric Quignon-Fleuret

Cédric Quignon-Fleuret est psychologue clinicien et responsable de l'unité de psychologie du sport au département médical à l'INSEP, il a côtoyé les plus grands. Des rencontres d'où il tire une grande expérience dans le domaine de la psychologie du sport.

Voir la bio »

Un corps performant dans un esprit apaisé

Le sportif de haut niveau sait déjà. Il sait déjà comment gagner, comment se concentrer, comment se motiver, et comment gérer ses émotions. Un parcours de vie en lien avec le sport ou non aura en revanche parfois meurtri, endommagé ses capacités. Le doute aura pu s’immiscer. La mécanique de confiance aura pu être enrayée.

Si certains outils ou certaines pratiques de la préparation mentale peuvent bien sûr aider le sportif à retrouver de la confiance en ses capacités, il est bien souvent incontournable pour l’athlète d’ouvrir la porte à la connaissance de soi, à un travail sur son intime (tout aussi effrayant qu’il soit) afin de viser le plus haut niveau de son expression sportive.

Car le haut niveau est fondamentalement un révélateur de soi. Les exigences du quotidien, le rapport à l’extrême du corps, le stress de la compétition, la pression du résultat nécessitent un réel équilibre de vie et une forte capacité de prise de plaisir dans la performance, afin d’exploiter au mieux le potentiel du sportif. Conserver cet équilibre ne sera pas simple. Ce sera même l’une des gageures majeures de sa vie de sportif. Beaucoup d’arrêts de carrière traduisent d’ailleurs cet épuisement psychologique (cf. partie III).

Performance et bien-être peuvent donc être dissociés, mais non être considérés séparément. Le sportif aura besoin d’un équilibre personnel, relevant souvent d’une certaine complexité, afin d’atteindre et/ou de conserver un haut niveau de performance. La performance sportive, quant à elle, usera, attaquera la résistance morale des athlètes, venant tester chez eux la réalité de la qualité de leur rapport à eux-mêmes.

La performance, même répétée dans le temps, ne garantit pas le bien-être et le bien-être ne garantit pas la performance. Ces deux aspects sont néanmoins indissociables dans la mesure où ils auront des répercussions directes l’un sur l’autre.

Bien plus que le fait d’entretenir l’obsession de développer ses "capacités mentales", reprenant ainsi la thématique de l’entraînement, la vraie force du sportif reposera le plus souvent sur sa capacité à s’apaiser face aux turbulences de sa vie sportive et personnelle.

Si pour chacun d’entre nous, ces turbulences sont fréquentes, la vie du sportif de haut niveau, comme on l’a vu, est constituée avant tout de ces montagnes russes émotionnelles. Et c’est peut-être justement bien pour cela qu’il a choisi cette voie. On ne s’y ennuie en effet que rarement…

4.2 Les bienfaits du développement des capacités introspectives

Au sens premier du terme, "introspection" signifie "regarder à l’intérieur" ; c’est l’observation de soi-même. 

Le regard du sportif est rarement tourné vers lui-même. Il regarde devant lui en permanence. Au loin. Dans sa construction temporelle, le regard du champion est majoritairement tourné vers l’extérieur et sa réflexion centrée sur "comment maîtriser" tel événement ou telle tâche : le prochain entraînement, la prochaine compétition, la prochaine sélection, etc. À cela s’ajoute fréquemment l’anticipation nécessaire, induite par leurs études et les examens futurs. Le sportif passe donc énormément de temps à anticiper. Le haut niveau, c’est d’ailleurs, sans cesse, anticiper. S’arrêter pour réfléchir, pour analyser peut être ainsi considéré pour certains comme du temps perdu.

Prendre le temps de préserver le sens

Pour autant, j’ai remarqué au fil des années de consultation que les sportifs, une fois la barrière de l’inconnu franchie, prennent beaucoup de plaisir à se lancer dans ce travail sur eux. Au fond, cet apprentissage des mécanismes de leur inconscient vient également s’inscrire rapidement comme un outil de maîtrise efficace. Je suis d’ailleurs parfois stupéfait de la vitesse à laquelle ils parviennent à saisir les mécanismes psychiques opérant chez eux. Il n’est pas rare qu’un sportif passe en quelques semaines d’une ignorance quasi totale sur ce qu’est la psychologie à une compréhension fine et précise de son propre psychisme.

Le travail introspectif et le développement de ces capacités d’autoanalyse rendent à terme le sportif plus autonome. Il l’aide à mieux se comprendre, à s’appréhender plus en finesse. À mieux saisir et interpréter ses réactions et celles de son entourage. Le temps d’entretien chez le psy va donc l’amener à changer la direction de son regard. On ne se projette plus uniquement sur l’échéance suivante et sur le "comment maîtriser l’événement". On marque une rupture dans le temps et dans ce processus. On s’arrête pour analyser, débriefer et tenter de comprendre le pourquoi de nos réactions. Appréhender le "pourquoi" de nos actions nécessite du temps et, comme on l’a évoqué précédemment, le sportif en a peu. Mais le développement du travail introspectif change cette dynamique. Il induit une nouvelle habitude dans son cycle, celui de l’analyse, sans être dans une urgence et une immédiateté de résolution.

Par exemple, un sportif souffrant d’un stress excessif et non contrôlé en compétition pourra souhaiter une solution pratique et concrète, un remède rapide, sans nécessairement passer par un temps d’analyse. Et c’est souvent après une multitude de tentatives pour résoudre ou passer outre le problème qu’il se résout (parfois en désespoir de cause) à se tourner vers l’analyse. Vers le pourquoi.

On l’a vu, essayer de comprendre n’est pas toujours aisé et reposant. Tout travail sur soi peut, c’est vrai, soulever et/ou raviver des souvenirs sensibles, douloureux. Mais il nous est difficile de s’épargner ce travail psychique si l’on souhaite comprendre en profondeur les blocages et les résistances à l’oeuvre dans notre inconscient.

La compétition de haut niveau est impitoyable. Elle n’épargnera pas le sportif. Elle l’éprouvera mentalement constamment et exigera du champion qu’il repousse sans cesse ses limites. Et au final, le sportif est seul. Seul face à lui-même, qu’il soit sur la piste, le tatami ou le terrain. C’est seul qu’il devra procéder à sa gestion émotionnelle. Et là, la réalité de son travail sur lui ressortira.

La qualité de son positionnement dépend de ses interrogations profondes, auparavant enfouies quelque part dans sa psyché : "Pourquoi fais-je ce sport ? Pourquoi est-ce que je veux gagner et qu’est-ce que j’en attends vraiment ? Comment est-ce que je veux vivre ma pratique sportive ? Quelle place réelle au plaisir ? Quel droit à l’erreur ? Qui peut être déçu autour de moi en cas d’échec et suis-je réellement en paix avec cela ?, etc."

Extrait de "Devenir champion", de Cédric Quignon-Fleuret, publié aux éditions Solar, août 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !