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Comment mieux prévenir les crises financières : ces Cassandres qu'il faut savoir écouter
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Bonnes feuilles

Depuis peu, nous sommes entrés dans le temps de l’accélération des crises et des ruptures : économiques, sanitaires, écologiques, financières, politiques, sociales, stratégiques... Avec une nouvelle interrogation, urgente à résoudre : les crises peuvent-elles réellement se prévoir ? Extrait de "Prévenir les crises" (1/2).

On a montré que les difficultés des signaux faibles à jouer leur rôle d’alerte découlent des incidences systémiques de l’innovation en finance et de l’interdépendance endogène des risques. La crise globale que l’on vit depuis plus de quatre ans, avec ses rebondissements déroutants, valide la conception keynésienne d’une finance de marché intrinsèquement instable à l’encontre de la représentation néolibérale des marchés efficients. Or, en finance, les conflits théoriques ont des incidences politiques directes parce qu’ils influencent la régulation.

L’orientation qui a prévalu pendant les vingt ans de libéralisation financière poussée à l’extrême est que les banques centrales n’avaient pas à se mêler de stabilité financière, que seule une régulation microprudentielle suffisait à rendre le système stable dans son ensemble et que cette régulation devait être light touch, c’est-à-dire ne s’appliquer qu’aux banques de dépôts, laissant le shadow banking hors de toute supervision. La crise a conduit les autorités politiques et les banquiers centraux à admettre que la stabilité financière devait être considérée comme un bien public. Elle ne peut donc pas être laissée aux marchés. Corrélativement, les banques centrales doivent donc être replacées au coeur du dispositif d’une régulation macroprudentielle.

L’objectif d’une régulation macroprudentielle est de réduire la probabilité des crises systémiques et de limiter leur coût social si elles se produisent. Pour être efficace, elle doit faire partie de la politique monétaire au niveau macroéconomique et être connectée aux superviseurs des institutions à importance systémique (bancaires ou non bancaires) et aux régulateurs des marchés dans un conseil du risque systémique. Pour contenir l’occurrence des emballements euphoriques qui conduisent aux crises financières, cette régulation doit être contra-cyclique. L’usage des signaux faibles devient utile au sein de ce dispositif, car ils valent par leur articulation qui rend complémentaires les informations qu’ils révèlent.

Distinguons les outils d’analyse macroprudentiels au niveau de la banque centrale et à celui des superviseurs. L’indicateur le plus global qui doit inspirer la politique monétaire est l’excès de crédit au secteur privé non financier. Il doit être défini contre un benchmark qui est une estimation de la croissance de long terme du crédit requise pour soutenir la croissance potentielle. Le cumul des écarts entre le crédit observé et ce benchmark fournit une première indication pertinente de déviance euphorique. Mais c’est la finance qui meut le processus. Il faut donc recouper cet indicateur par des indices d’anomalie dans le comportement des acteurs financiers : le levier agrégé des intermédiaires financiers (banques commerciales + shadow banks) = actif total/fonds propres durs (core equity). À ces indices de quantité, il faut coupler des indicateurs de sous-estimation du risque : spread de financement du levier des intermédiaires financiers, spreads de crédit des prêts pour acquisition d’actifs en forte appréciation. La combinaison de leviers rapidement croissants et de spreads écrasés donne une présomption de sous-évaluation du risque.

Au niveau des superviseurs, le risque de liquidité peut être approché par la dissonance (mismatch) entre les échéances de l’actif et du passif des intermédiaires financiers. La nouvelle régulation des banques a défini deux ratios pour mesurer cette dissonance. Cependant, l’outil le plus puissant est fourni par les tests de stress que le régulateur bancaire conduit avec l’aide de la banque centrale selon des hypothèses communes pour toutes les banques.

Conclusion

La stabilité financière est devenue un enjeu majeur. Elle ne peut reposer entièrement sur des réglementations, parce que l’innovation met en porte-à-faux le savoir incorporé dans les règles existantes. Il faut donc une supervision active.

En outre, la disparition de la liquidité des marchés de financement des banques est au coeur des crises financières. Comme la liquidité est avant tout un effet des anticipations croisées des acteurs de marché, les banques centrales sont incontournables. Ce sont les seules à pouvoir calmer les angoisses qui s’expriment dans le stress de marché. Elles seules peuvent faire des signaux faibles et versatiles des outils de guidage du système financier.

Extrait de "Prévenir les crises - Ces Cassandres qu'il faut savoir écouter", Thierry Portal et Christophe Roux-Dufort, (Armand Colin Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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