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Une proportion non négligeable de femmes admet avoir déjà fait l’amour en étant dominée (35%), en ayant les yeux bandés (16%)
Une proportion non négligeable de femmes admet avoir déjà fait l’amour en étant dominée (35%), en ayant les yeux bandés (16%)
©DR

La vie en Grey

Les femmes seraient davantage attirées par la littérature, les jeux et accessoires érotiques. C'est ce que révèle la première étude réalisée en France par l'Ifop pour Femme Actuelle autour du phénomène du « mommy porn ».

François Kraus

François Kraus

François Kraus est Directeur des études politiques au département Opinion de l'Ifop.

 

 

 

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L’engouement du lectorat féminin pour un roman comme « Cinquante nuances de Grey » tend à brouiller les différences de consommation érotique observées entre les sexes qui cantonnaient jusque-là la pornographie aux hommes et les romans et magazines sentimentaux aux femmes. Car s’ils ont longtemps constitué l’équivalent féminin de la pornographie sans pour autant offrir un contenu sexuel explicite [1], les romans sentimentaux évoluent désormais en intégrant des pratiques sexuelles « rares » ou « transgressives » d’autant plus facilement qu’elles correspondent aux fantasmes ou pratiques en vogue dans la gent féminine.

Certes, les jeux sexuels « SM » évoqués dans le livre restent des formes minoritaires de la sexualité féminine. Mais le désir des femmes d'expérimenter des scénarios nouveaux susceptibles de rompre avec la relative banalité de la vie sexuelle quotidienne en font une source de créativité et de diversification de plaisir conjugal. Ainsi, ces jeux participent au même titre que certains objets mécaniques ou outils technologiques au développement d’une vie érotique plus diversifiée. Si le « mommy porn » s’inscrit dans un mouvement plus global d’érotisation de la littérature contemporaine qui touche d’ailleurs d’autres types de production culturelle (médias, publicité,…), ce phénomène va donc de pair avec un élargissement du répertoire sexuel des Françaises. 


Les jeux sexuels de domination et de soumission constituent des formes minoritaires de la sexualité féminine mais certaines pratiques « soft » comme la fessée font de plus en plus d’adeptes

La tendance à l’élargissement du répertoire sexuel des Françaises se confirme avec des pratiques SM « soft » en nette progression par rapport aux années 80. Aujourd'hui, une femme sur quatre déclare avoir déjà reçu une fessée de son partenaire (24%) contre 8% en 1985.

On remarque également qu’une proportion non négligeable de femmes admet avoir déjà fait l’amour en étant dominée (35%), en ayant les yeux bandés (16%) ou en étant ligotée ou menottée (15%). En revanche, la pratique de jeux érotiques de domination ou de soumission plus « hard » comme le bondage et le SM reste toujours aussi marginale (5% aujourd'hui, 3% en 1985).

Mais au-delà de la réalité des pratiques, ces jeux sexuels sortant de l’ordinaire semblent avoir un réel potentiel fantasmatique pour la gent féminine. En effet, près d’une femme sur deux aimerait faire l’amour en étant dominée (44%) ou en en ayant les yeux bandés (40%) et plus d’une sur quatre souhaiterait recevoir une fessée (28%) ou faire l’amour en étant ligotée (28%).

A noter que le goût des femmes est aussi fort pour les jeux où elles sont dominées que pour ceux où elles sont dominantes : deux sur trois sont disposées à faire l’amour les yeux bandés (65%) ou en bandant les yeux de leur partenaire (65%), six sur dix à s’ébattre en étant dominée (59%) ou en dominant leur partenaire (62%), quatre sur dix à recevoir (39%) ou à donner (39%) une fessée…

Qu’elles soient en position dominée ou en position dominante, les femmes disposées à pratiquer ce  genre de jeux sexuels sont systématiquement plus jeunes, plus diplômées et plus éloignées de la religion que la moyenne des Françaises.

De même, qu’ils aient été réalisés ou qu’ils soient du domaine du souhaitable ou du réalisable, ces fantasmes sont toujours plus répandus chez les femmes en couple – notamment chez celles ne cohabitant pas encore avec leur partenaire –, chez les femmes affirmant une part d’homo ou de bisexualité et chez celles ayant une vie sexuelle plus intense et plus satisfaisante que la moyenne.

Mais il est aussi très intéressant de noter les effets de domination sociale sur les types de fantasmes féminins : alors que les jeux mettant en scène une domination masculine sont plus répandus chez les femmes des catégories populaires (employées, ouvrières), les scénarios où la femme domine ont plus les faveurs des catégories supérieures que ce soit en termes de pratiques ou de fantasmes.

Politiquement, les effets sont moins nets mais l’on observe que les jeux sexuels mettant en scène une domination de l’homme sont généralement plus répandus chez les sympathisantes de droite et d’extrême droite que dans les rangs des femmes de gauche qui, de par leur sensibilité féministe, peuvent s’avérer plus réticentes à l’égard de fantasmes de soumission de la femme.

La diffusion et la banalisation de l’usage des sex toys dans la population française est spectaculaire 

Depuis une demi-douzaine d’années, l’usage des sex toys s’est largement banalisé dans la gent féminine. Aujourd'hui, plus d’une femme sur trois (38%) admettent en avoir déjà utilisé, contre à peine 14% en 2009. Pour rappel, elles n’étaient que 7% en 2007 et environ 5% en 1992.

Cette évolution spectaculaire du nombre de femmes ayant déjà utilisé un objet pour obtenir une excitation sexuelle met en lumière l’intégration et la banalisation de ces accessoires dans la vie sexuelle quotidienne des Françaises même si, au quotidien, leur usage reste encore occasionnel : seules 7% des femmes déclarent  en utiliser régulièrement.

Le fait que les femmes déclarent plus fréquemment l’usage de ce type de jouets sexuels met aussi en relief le changement de perception de cette pratique – largement associée à la masturbation – dans la gent féminine : il est aujourd'hui plus légitime et acceptable socialement de mentionner une pratique longtemps perçue par les femmes comme assez peu valorisante.

En analysant plus finement les résultats, on observe que les femmes en ayant déjà utilisé sont souvent plus jeunes et plus émancipées à l’égard de la morale religieuse mais surtout qu’elles ont une activité sexuelle plus intense et une vie sentimentale plus satisfaisante que la moyenne.

En effet, l’usage des sex toys est plus répandu chez les jeunes femmes (49% des femmes âgées de 25 à 34 ans en ont déjà utilisé), dans les catégories populaires (41%, contre 35% des cadres) et chez les athées (41%, contre 33% des catholiques pratiquantes) tout en étant plus fréquemment observées chez les sympathisantes de droite (45%) que chez les sympathisantes de gauche (36%).

Mais le plus intéressant à relever est que l’usage des sex toys ne s’inscrit pas forcément dans une logique de substitut à une vie sexuelle défaillante : ces utilisatrices ont une activité sexuelle plus intense[2] et une vie sentimentale plus satisfaisante que la moyenne. Leur proportion est d’ailleurs aussi élevée chez les femmes en couple (38%) que chez les célibataires (36%).

Il faut dire que pour une femme sur deux (50%), l’usage des sex toys s’organise et prend sens dans un cadre conjugal où il peut apparaître comme un moyen de pimenter la vie sexuelle du couple.

Cependant, cette manière de l’inscrire dans une consommation de couple doit être mis en perspective avec le tendance des femmes à sous-déclarer les pratiques masturbatoires en général et celles liées à l’usage des sex toys en particulier : la proportion de femmes les utilisant le plus souvent seules restant limitée même si elle a doublé entre 2007 (17%) et 2012 (34%).

En effet, il faut rappeler que les femmes ont généralement plus de difficultés à admettre une pratique solitaire qui met en relief la part individuelle et compulsive de leur sexualité – notamment leur besoin d’assouvir leurs pulsions sexuelles – sans s’inscrire dans le cadre « acceptable » d’une relation de couple impliquant une dimension conjugale ou affective.

La consommation de livres érotiques est largement répandue au sein d’une population féminine qui a un rapport plutôt décomplexé à ce type de lecture

Au cours des quarante dernières années, la lecture de livres érotiques s’est largement banalisée dans la gent féminine : près de six femmes sur dix (59%) admettent avoir déjà lu un livre érotique aucours de leur vie, contre un peu plus d’une sur trois en 1970 (38%).

Par ailleurs, plus des deux tiers des Françaises (69%) déclarent avoir envie ou avoir déjà eu envie d’en lire au cours de leur vie. Ainsi, moins d’une femme sur trois (31%) s’avère fermée à ce type de de lecture, les plus jeunes (40% des moins de 25 ans) et les moins diplômées (36% des femmes ayant un diplôme inférieur au BAC) étant parmi les plus réticentes à l’égard de ce genre littéraire.

De manière plus générale, on observe que cette pratique tend à constituer – comme la pornographie chez les hommes – un substitut à une activité sexuelle défaillante, les lectrices de ce type d’ouvrages étant légèrement surreprésentées dans les rangs des femmes ayant une vie sexuelle moins intense ou moins satisfaisante que la moyenne.

La majorité des lectrices ou potentielles lectrices de livres érotiques ont un rapport décomplexé à l’égard de ce type de lecture si l’on en juge la proportion de celles qui l’assumeraient vis-à-vis de leur entourage : 56%, contre 44% qui la cacheraient à leurs amis et à leurs proches. 

Dans le détail des résultats, on note que certaines catégories de lectrices (ou de potentielles lectrices) s’avèrent plus complexées que la moyenne. C'est le cas des catholiques pratiquantes (51% d’entre elles dissimuleraient ce type de lecture à leur entourage), des CSP - (50%) mais aussi des femmes vivant en couple (47%) ou insatisfaites de leur vie sexuelle (49%).

A noter que si la plupart des femmes restent mystérieuses sur les raisons de cette dissimulation à leur entourage – 90% d’entre elles déclarent que ça ne regarde qu’elles –, certaines admettent qu’elles font le silence sur cette pratique à cause du regard des autres : 8% craignent de passer pour une nymphomane, 1% pour une coincée et 1% pour une frustrée.


[1] Voir Robert Stoller. L’imagination érotique telle qu’on l’observe. Paris. PUF. 1989 ? p.3

[2] 46% des femmes ayant plus de 10 rapports par mois en ont déjà utilisé, contre seulement 33% des femmes en ayant moins de deux rapports par mois.

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